
En plus d’affirmer ses valeurs dans son acte d’achat, le consommateur surinformé reprend le pouvoir sur sa consommation. Les marques sont contraintes à réduire, visiblement, la distorsion entre le discours et la réalité. Par Laura Chatain & Nicolas Neau.
Aspirations des Français à consommer «autrement», baisse du pouvoir d’achat des ménages, défi écologique planétaire, plébiscite du made in France et du produit localement... notre modèle de consommation est en mutation et oblige les entreprises à repenser leur modèle économique, pour intégrer les enjeux de responsabilité sociétale et répondre ainsi à un monde en quête de sens. Avant, c’est à dire hier, les marques devaient capter l’attention des consommateurs pour les séduire et leur vendre leurs produits.
Elles collectaient et cumulaient des données sur leurs clients pour leur adresser des messages. Les mutations sociales en cours ont fait sauter cette convention : les consommateurs explicitent eux-mêmes leurs intentions d’achat. Ce sont eux qui gèrent les données les concernant et les items sur lesquels ils veulent bien être interpellés par les marques. Ce sont encore eux qui décident du rythme des sollicitations et des canaux de relation avec la marque. L’unique, le spécifique et le personnel sont ainsi plébiscités. L’individu est revalorisé et il a le pouvoir de choisir. Il exprime son unicité à travers ce qu’il possède. Avec les phénomènes d’appropriation et le personal branding, la marque se met en posture d’échange avec le consommateur.
Comment cette prise de pouvoir du consommateur influence-t-elle la création ?
Visuellement, c’est l’apposition de la griffe du consommateur sur l’existant, à travers la personnalisation, la mise en scène de soi-même, la recherche d’une imagerie plus naturelle pour incarner une réalité plus crédible, donc plus attrayante. Le consommateur est devenu acteur et co-créateur. Animateur d’une communauté de marque via les réseaux sociaux et les sites de marque. Il n’est d’ailleurs plus cantonné à son rôle de consommateur, il est aussi producteur via les plateformes de crowdsourcing/crowdfunding et les places de marché comme Etsy.
Le narcissisme pour valoriser son ego
L’auto-portrait selfie pour valoriser son égo, se rassurer et se donner confiance. On maîtrise son image. Mais le culte de sa propre image n’a de sens que via le partage. C’est le narcissisme social : Moi et mon double, en mieux. Se mettre en scène permet aussi d’incarner une cause, de défendre et assurer la visibilité d’une profession, d’une communauté, d’une région ou d’une urgence humanitaire. À l’extrême, c’est «Vis ma vie» ou l’expérience du consommateur qui se met en scène au profit de la marque.
Dans le même temps : la quête de naturel.
Une tendance en réaction aux artifices des images d’aujourd’hui. Le naturel pour refléter la vraie vie. C’est l’opposé du retouché, trafiqué, du fake : une place est laissée au défaut. Pour les marques, le naturel exprime ainsi le simple, le vrai, le spontané… voire le sincère. C’est le discours de preuve. L’homme est imparfait. Ses images aussi. Pour (re) gagner la confiance de leurs publics les marques sont de plus en plus contraintes à réduire, visiblement, la distorsion entre le discours et la réalité pour réduire l’écart entre QUI la marque dit qu’elle est, QUI elle est réellement, et QUI le public dit qu’elle est. L’objectif étant de raconter une histoire de marque «vraie».
Laura Chatain, Planner Stratégique
Nicolas Neau, Directeur de Création
Agence PIXELIS
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