
Alors qu’un grand nombre d’entreprises américaines se plient aux desiderata de l’administration Trump, quelques boîtes résistent en décidant de maintenir leur politique de diversité, équité et inclusion.
« Go woke, go broke. » Ce petit slogan, utilisé depuis 2018 par les influenceurs pro-Trump pour mettre la pression sur les entreprises qui ont déployé des politiques de diversité, équité et inclusion (DEI), semble être pris au pied de la lettre depuis l’arrivée de la nouvelle administration. On se souvient de l’allégeance de Mark Zuckerberg à Donald Trump et de l’annonce, le 10 janvier dernier, de la fin de la politique de discrimination positive au sein de Meta, au profit d’une culture plus « masculine » et « agressive ». Par la suite, de nombreuses entreprises ont emboîté le pas, plus ou moins forcées par la signature de l’Executive Order 14173. Signé par Trump dès le premier jour de sa présidence, ce décret interdit les contrats fédéraux avec les organisations privées appliquant des politiques de DEI.
Renoncements en série
Parmi les exemples les plus visibles, on peut notamment citer Disney qui, en plus d’avoir retiré les messages d’avertissement reconnaissant la présence de stéréotypes négatifs dans des films comme Dumbo et Peter Pan, a mis fin à son initiative Reimagine Tomorrow, une plateforme lancée en 2021 présentant des actualités et des faits marquants, des données sur la diversité des effectifs et des récits inclusifs dans toute l'entreprise.
Dans le même registre des renoncements, KPMG États-Unis a retiré de son site web ses rapports annuels sur la diversité et a mis fin à son programme Accelerate 2025, qui visait à augmenter la représentation des femmes et des minorités dans les postes de direction. Même chose pour Deloitte, un cabinet concurrent qui a annoncé mettre fin à ses objectifs de diversité ainsi qu’à son rapport annuel sur la diversité, l'équité et l'inclusion de l'entreprise. On peut encore citer ds grandes enseignes comme McDonald’s, Walmart, Target ou bien les géants du web comme Amazon et Google qui ont abandonné leurs objectifs d'embauche en matière de diversité.
FIGHT FIGHT FIGHT!
Si la liste des groupes qui se sont alignés avec le décret ne cesse de s’allonger, certaines entreprises ont décidé de prendre la voie de la résistance, même si cette dernière ressemble bien souvent à un numéro d’équilibriste. Au sein du cabinet McKinsey, par exemple, une note interne écrite par le directeur mondial Bob Sternfels a circulé, stipulant que l’entreprise allait continuer à mener une politique de « méritocratie diversifiée » tout en précisant que « la diversité et l’inclusion ne doivent pas être traitées comme une initiative distincte, mais intégrées à tout ce que nous faisons ». L’association des termes « méritocratie » et « diversité » n’est pas là par hasard et s’attaque directement à l’argumentaire, bien souvent fumeux, des trumpistes qui estiment que les DEI empêchent de faire monter des gens (blancs, cisgenres et valides) compétents. Cette décision, qui n’a pas été publiquement relayée (la note a fuité dans le média Bloomberg), fait aussi écho à la position plutôt précaire de McKinsey vis-à-vis du secrétaire d’État Marco Rubio, notamment à cause de ses activités auprès du pouvoir chinois ou d’entreprises liées au gouvernement de Pékin.
D’autres entreprises y vont plus franchement. C’est le cas de e.l.f. Cosmetics, l’une des plus grosses marques de cosmétiques américaines, qui a lancé en janvier une campagne intitulée « So Many Dicks » qui se moque du manque de diversité au sein des conseils d’administration des grandes entreprises.
Outre cette prise de position, qui a été très bien accueillie par son public majoritairement composé de millennials et de Gen Z, le PDG Tarang Amin a indiqué dans un courrier que son entreprise n’avait pas de département DEI, de programme ou de quotas officiels, mais continuait à favoriser « une culture d’inclusion par des actions et des initiatives intentionnelles ».
Une ligne de front mouvante
La ligne de crête entre les entreprises qui « rentrent dans le rang » et celles qui souhaitent poursuivre les initiatives de DEI continue de se façonner au fur et à mesure des déclarations des PDG et des assemblées d’actionnaires. Au moment où ces lignes sont écrites, Apple est en train de prendre position en faveur de ces politiques de diversité, d'équité et d'inclusion contre des adversaires au sein de sa base d'investisseurs (MAJ : les actionnaires ont voté pour le maintient des politique de DEI). Quelques heures plus tôt, c’est Jamie Dimon, le dirigeant de la banque américaine JPMorgan, qui a affirmé sur CNBC qu’il poursuivrait ses efforts de sensibilisation auprès des communautés noires, hispaniques, LGBT, vétérans et handicapées. D’autres entreprises seront amenées à prendre position et à tenter de naviguer entre les pressions du pouvoir, les attentes des clients et les convictions promises par la marque.
Magnifique inversion accusatoire