
Après avoir réalisé une phase de test autour de l’outillage électroportatif, Castorama étend son service Hello Casto IA à tous les secteurs de la maison. Directeur marketing, digital et clients de Castorama, Romain Roulleau nous explique la genèse de ce changement majeur.
Quand on sait que 80% des clients de Castorama commencent leur parcours d'achat en ligne, ce qui représente près de 10 millions de recherches par mois, on comprend pourquoi l'enseigne tient tant à exporter le savoir-faire qui a fait sa réputation en magasin du côté du net. Et pour y parvenir, rien de mieux que l’intelligence artificielle générative, capable de reproduire des conversations incroyablement proches de celles que nous avons entre humains. Une récente étude Opinion Way d'octobre 2023 a d’ailleurs montré que le grand public attendait de telles solutions pour un parcours en ligne plus personnalisé et plus qualitatif.
"Comment décoller du papier peint ? ”, “Quelle perceuse dois-je choisir pour faire des trous dans du placo pour moins de 100€ ? ”, “Que dois-je utiliser pour poncer mon meuble en bois avant de le repeindre ? ”. Toutes ces questions et bien d’autres encore, vous pourrez désormais les poser à Hello Casto, qui vous répondra avec des conseils, vous suggérera des produits, et vous relancera même au besoin avec des questions plus précises. Bref, vous pourrez avoir une véritable conversation autour de vos projets de décoration et de rénovation avec le conseiller Hello Casto ! Une petite révolution dans l’e-commerce, dont Romain Roulleau de Castorama nous dévoile les contours.
L’ADN : Vous êtes la première enseigne de grande distribution en Europe à avoir lancé une intelligence artificielle dédiée aux questions en ligne des clients, pourquoi avoir sauté le pas maintenant ?
Le point de départ, c’est l’explosion fin 2022 explosion de chatGPT et des LLM, c’est-à-dire de la “generative AI”, qui retranscrit du texte, de l’image et de la vidéo quasiment comme un humain. Chat GPT existe depuis à peine 18 mois et pourtant c’est la plus grande révolution depuis l’invention du mobile. D’abord, il y a eu la révolution Internet et son volet e-commerce, puis le mobile et l’écosystème des applications, et maintenant il y a l’intelligence artificielle générative.
Contrairement aux autres, le champ des possibles est immense, très varié, et on voit déjà ce qu’on peut faire avec, même si nous n’en sommes qu’au début. Les gens se sont appropriés l’IA générative vite. Chez Castorama, on s’est demandé aussi comment utiliser ça, à la fois pour un use case back, en interne, et un use case front pour la relation client, le conseil, l’aide à la vente.
De manière arbitraire, on a choisi de développer un conseiller virtuel, c’est sans doute risqué mais c’est impactant car on crée du lien avec le grand public. On avait identifié un “pain point” significatif, qui était celui d’essayer de reproduire en ligne une conversation avec un vendeur en magasin. On est sur des questions ouvertes, donc il fallait une grande capacité à récupérer des infos, à contextualiser, à entrer dans une logique conversationnelle.
Comment avez-vous fait pour encadrer et limiter les risques dont vous parlez dans le développement de Hello Casto ?
Nous sommes la première enseigne BToC en Europe dans le secteur de la maison à l’avoir fait. C’est une grande fierté en interne d’avoir été pionniers sur notre secteur à lancer cet assistant virtuel basé sur l’IA. Ce fut et ça demeure un défi considérable pour nos équipes. Il faut dire que c’est une technologie très jeune, qui cherche son modèle économique. Et puis nous avons beaucoup travaillé sur la qualité des contenus, le ton, et avant de passer à logique grand public, on l’a sécurisé au niveau éthique et du respect des normes. Si l’utilisateur pose une question particulièrement subversive, s’il tente de repousser l’IA dans ses retranchements ou de la piéger, que doit-elle répondre ? Que faire également pour limiter les réponses non pertinentes, ces fameuses “hallucinations” des IA ?
Nous sommes allés chercher les meilleures technologies sur le marché pour résoudre ces problèmes, baisser le taux d’hallucinations, sécuriser là où on veut pas de réponse. L’IA sait aussi qu’elle n’accepte pas de données personnelles, même si on lui en fournit, elle ne les retient pas. Si la même requête est reproduite deux fois, d’abord par un homme à Paris sur un Mac, puis par une femme à Bordeaux sur un PC, la réponse ne sera personnalisée qu’au fil de la conversation et pas sur le profil qui parle. Enfin, nous avons réalisé des tests en interne et via la communauté Casto, qui nous ont permis d’affiner encore nos protocoles, et puis nous l’avons nourri avec notre savoir interne, avec des guides d’info pour nos vendeurs, des tutoriels qui ne sont pas disponibles pour le grand public.
Vous avez lancé Hello Casto IA en novembre dernier uniquement sur le secteur de l’électroportatif avant de l’étendre à tous les secteurs depuis début février, quels indicateurs vous permettent de mesurer son impact ?
Sur la qualité, nous avons des retours très positifs, et même s’il ne donne pas 100% de bonne réponse, le taux reste très élevé. Grâce à notre communauté de clients ambassadeurs de la marque et l’agrégateur Athena, nous pouvons suivre la qualité des conversations, en proposant au client de nous indiquer s’il est satisfait de l’échange avec un pouce levé ou un pouce baissé. Pour l’instant, ce taux de réponse est très positif.
Ce qui est certain, c’est que l’usage de l’IA prendra du temps. Nous avons 10 à 15 millions de visiteurs sur le site de Castorama.fr, mais la très grande majorité a conservé le réflexe de faire ses recherches comme il le faisait autrefois. On ne décrète pas du jour au lendemain que les gens vont passer à un usage conversationnel plus complexe. Le grand public est habitué à des chatbots basiques, ils n’ont pas l’habitude de poser des questions ouvertes à une IA, ça se voit tout de suite quand vous observez quelqu’un tester Hello Casto pour la première fois. C’est pour ça qu’on a voulu lui trouver une forme d’avatar, pour le rendre plus accessible, sans l’humaniser pour autant, car ce n’est pas un humain.
Justement, nous avons testé Hello Casto, et nous avons remarqué qu’il nous a conseillé d’aller chercher certaines infos plus compliquées, comme des conseils de déco, sur 18h39, le magazine d’inspiration de Castorama. Est-ce que ça veut dire qu’on a encore besoin d’humains, de journalistes, de vendeurs et de vendeuses ?
Bien sûr qu’on a besoin d’humains ! Ce qu’un humain dit, ce qu’il recommande, comment il interagit avec les autres, c’est une toute autre expérience et ça justifie de se déplacer en magasin notamment. La technologie est extraordinaire mais elle est surtout là pour faciliter la vie du client dans le cas de figure où il n’a pas accès à ce contact humain, où il ne peut pas ou ne veut pas se déplacer. La question devient : comment s’approcher le plus possible de cette expérience humaine via l’interface digitale ? C’est comme ça que l’IA pourra faire gagner du temps à tout le monde, au client et au vendeur, pour dans un second temps laisser la matière grise humaine entrer en jeu. Ça, l’IA ne peut pas le remplacer.
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