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Automatiser l’attachement avec l’IA, mythe ou réalité ?

© Kerkez/iStock

L’intelligence artificielle est devenue omniprésente dans notre quotidien, notamment dans la relation client. Sa promesse : une expérience fluide, rapide, personnalisée. Mais au-delà de la simple efficacité, une question majeure se pose aujourd’hui... peut-elle créer un véritable lien émotionnel avec les utilisateurs, voire susciter un attachement ?

L'IA « émotionnelle » n'est plus une promesse lointaine. Des écoles de Hong Kong utilisent des algorithmes capables de détecter les micromouvements faciaux pour mesurer l'engagement émotionnel des élèves. Microsoft déploie des chatbots « empathiques » dans les secteurs de la banque, l'éducation et la santé.

Mais cette révolution cache une réalité troublante qui interroge directement l'avenir de l'expérience client. Comme l'explique Sonia Mamin, directrice de One to One IA & Expérience Client à Biarritz : « L'IA peut générer des réponses, simuler l'écoute et adapter son comportement émotionnel. Cela crée du lien, mais il faut se rappeler que l'IA n'a pas de conscience ». Cette absence de conscience devient paradoxalement son atout principal dans un monde où les marques peinent à recréer du désir authentique.

Contrairement aux relations humaines qui exigent réciprocité et effort, l'IA offre ce que Sherry Turkle appelle une « dépendance sans risque ». L'idée? Pas de jugement, pas d'attentes, pas de mauvais jours. « Quand on s'habitue à une « compagnie » sans demandes, la vie avec des personnes réelles peut sembler écrasante ».

Le miroir de nos failles

L'efficacité de l'IA émotionnelle révèle surtout la fragilité de nos liens humains. Comme le constate Turkle : « Nous attendons plus de la technologie et moins des autres ». Cette inversion n'est pas accidentelle. Notre cerveau, programmé pour détecter des intentions et des émotions même là où il n'y en a pas, se fait piéger par des algorithmes qui maîtrisent parfaitement les codes sociaux sans en comprendre le sens.

« Plus l'IA semble nous comprendre, plus cette illusion fonctionne », observe Sonia Mamin. L'IA conversationnelle vocale déclenche « des formes d'affection, de dépendance affective » particulièrement chez les personnes en situation de solitude. Au Japon, l'émergence des robots compagnons illustre ce phénomène. Ils créent du lien avec des populations isolées... souvent au prix d'une « fuite de la réalité » où « le lien social n'existe plus ».

Une avancée à encadrer

Alors, dans un monde saturé de données, comment trouver le juste équilibre entre ce qu'on veut, peut et doit ? « La frontière est extrêmement fine », reconnaît Sonia Mamin, directrice de l'événement, « entre cette IA utilisée pour passer de l'aide à un acte d'achat ou à la manipulation pour acheter ».

Car derrière les algorithmes se cache un paradoxe : des milliards de signaux sont collectés, les business savent tout ou presque des clients, ils sont capables de prédire et personnaliser... Pourtant, une question demeure lancinante : les clients les désirent-ils encore ? L'IA personnalise l'expérience en fonction des émotions détectées, mais comme le rappelle Mamin : les algorithmes émotionnels réduisent les expressions faciales et vocales « à un simple signal émotionnel, sans tenir compte du contexte social ou culturel ».

Vers une génération d'empathie artificielle ?

Les enjeux dépassent largement la relation client. Une génération grandit avec l'IA émotionnelle comme norme relationnelle. Que se passe-t-il quand on s'habitue à des interactions parfaitement adaptées à nos besoins, sans les aspérités et les maladresses ? « Le danger est que ça remplace les interactions humaines réelles », prévient Sonia Mamin.

Face à cette révolution, la solution ne réside pas dans le rejet de la technologie, mais dans une redéfinition fondamentale de son rôle dans l'expérience client. « L'IA doit être au service de l'humain, au service de la compréhension et de l'action, mais sans détruire cette relation humaine qui est primordiale », plaide Sonia Mamin. L'objectif : « une IA qui nous comprend pour nous améliorer » plutôt qu'une IA qui nous remplace. 

Au lieu de chercher à automatiser l'empathie, les marques pourraient utiliser l'IA pour révéler leurs angles morts. Qu'ilémotionnels, leurs biais relationnels, leurs difficultés à créer du désir authentique. L'IA comme miroir de nos failles plutôt que comme substitut à nos relations. C'est peut-être là que réside la véritable alchimie de l'expérience client moderne : savoir conjuguer la puissance des données avec l'art subtil de susciter l'émotion.

Pour explorer ces questions complexes, rendez-vous à Biarritz, du 30 septembre au 2 octobre, lors de Désir & Datas : L’Expérience Client entre Raison et Émotion. Une invitation à repenser le lien entre technologie et émotion, et à imaginer ce que l’IA peut réellement offrir au cœur de la relation client.

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