
Bienvenue à Austin. La ville démocrate au milieu du Texas républicain qui revendique son statut à part à travers sa signature officielle : «Keep Austin weird». Depuis 1994, Austin héberge le Festival le plus Nerd, le SXSW Interactive. 4 jours : 30 000 festivaliers ‘digitaux ‘, 800 conférences. Days 1 - 2 - 3 avec BETC digital.
Tous les contrastes sont permis, tous les excès sont autorisés et on passe gaiement d’une conférence très technique sur l’UX à une keynote sur la vie avec les robots.
A travers cette infinité de conférences, SXSW repose la question passionnante de la place du digital dans la vie des gens et dans l’évolution de notre monde. On s’y inspire pour résoudre les problèmes de notre planète mais aussi, rassurez-vous, ceux, beaucoup plus quotidiens et concrets, des marketeurs et des agences !
Alors, quelles nouvelles expériences utilisateur inventer, quand le rapport entre interfaces digitales et monde physique se fait de plus en plus poreux, quand le Monde lui-même devient une interface gigantesque ?
Comment nous transformons-nous dans un monde qui ne nous déconnecte plus jamais ?
Sans parler des interrogations que pose le bio-design : quand nos corps et la techno se mélangent, comment allons-nous évoluer ?
Dans un tout autre registre, comment faire changer les entreprises et bien gérer la nécessité de l’innovation permanente qu’impose le digital ?
Questions de société aussi, avec d’une façon très marquée cette année, la problématique de la place des femmes dans un monde de la tech encore étonnamment très masculin.
Les questions se font aussi plus métaphysiques ; notre conscience va-t-elle, demain, pouvoir nous survivre et ouvrir le champ du transhumanisme et de l’immortalité ?
BETC Digital est parti en immersion pendant 4 jours pour renifler les tendances, capter l’air du temps du digital et vous livre ses premières impressions, en direct autour des thèmes les plus entendus pendant le festival.
AN END TO « BROGRAMMING »
La technologie n’est plus une question de nerds, elle est totalement rentrée dans la vie quotidienne des gens, dans la société. Et forcément, la tech se pose aussi la question de la représentation des femmes, et de toutes les minorités, black, latino, LGBT ou même transgender.
On ne compte plus les conférences qui abordent ce thème, et les « power-women » de la technologie sont nombreuses à venir s’exprimer, pour mettre fin à l’entre-soi masculin, mettre fin au « brogramming ». Cindy Gallop revient comme chaque année parler de son site Makelovenotporn, Danika Laszuk de Jawbone ou encore Cynthia Breazeal, professeur au MIT Media Lab.
Ainsi aussi de Sophia Amoruso, que le New York Times surnomme la « Cinderella of Tech ». Plus connue sous le nom de Nasty Gal, elle a fondé un empire de la mode valorisé à plus de 100 Millions de dollars en partant d’un simple e-shop de vêtements vintage sur eBay.
Ou encore de Jennifer Hyman, CEO de Rent the Runway et figure emblématique de cette nouvelle scène tech féminine. Son « Netflix de la mode » offre à ses 5 millions d’utilisatrices la possibilité de louer leur garde-robe, moyennement un abonnement mensuel. Un vrai service d’empowerment pour cette nouvelle génération de femmes que la fondatrice décrit comme bien plus assumée et ambitieuse que ses aïeules. Et qui se répand comme une trainée de poudre comme en attestent les 95% de nouvelles clientes recrutées grâce au bouche à oreille. Les perspectives de développement sont immenses, dans le voyage par exemple, nous dit-elle. Imaginez-vous déplacer sans valise, votre garde-robe louée pour l’occasion vous attendant à destination dans le placard de votre hôtel ou de votre airbnb. Malgré le business prometteur de Rent the Runway – 48 millions de dollars de chiffre d’affaires – Jennifer Hyman déplore sans langue de bois être contrainte à faire ses preuves auprès de ses homologues masculins, sans droit à l’erreur…
APRÈS LES DATAS, LA GENETICS PRIVACY
On a beaucoup parlé à SXSW l’an dernier de la « data privacy » avec les conférences de Julian Assange et Edward Snowden. Cette année, le problème de la privacy s’applique même à nos gênes. Il est évoqué par une artiste contemporaine lors d’une conférence passionnante sur le bio-design, ou comment la technologie peut s’approprier le corps, les cellules ou les gênes comme terrain d’expression. Heather Dewey Hagborg, qui se définit comme bio-artiste, présente son projet INVISIBLE. Un vrai produit, vendu notamment au New Museum de New York, qui permet d’effacer les traces d’ADN qu’on laisse au quotidien sur nos verres, nos mégots de cigarettes ou nos brosses à dents. Une manière ironique d’interroger les sujets brûlants que sont l’anonymat, la surveillance des données mais aussi des gênes. Mais Heather Dewey Hagborg s’empresse de conclure : « Evidemment, pour l’Adn comme pour les datas, certains échantillons sont plus intéressants que d’autres ».
LA VIE AVEC LES ROBOTS
Vous avez sans doute regardé « Real Humans », la série danoise diffusée par Arte, qui imagine un monde où les robots seraient omniprésents. Et bien à Austin, on l’imagine aussi ce monde, et il n’est pas loin d’être une réalité.
Cynthia Breazeal, chercheuse au MIT Media Lab, donne une conférence sur le « personal side of robots ». L’occasion pour celle qui a créé le robot Kismet en 1997 de partager ses recherches sur l’intelligence artificielle et émotionnelle des robots. Elle évoque le fait que les robots ne sont pas une façon de remplacer les humains mais bien un moyen pour les hommes et les femmes de mieux accomplir leurs buts et de transformer leur vie.
Elle en veut pour preuve une étude menée sur des patients qui cherchent à perdre du poids et qui étaient accompagnés soit par un ordinateur, soit par un robot, les deux distillant les mêmes conseils et le même accompagnement. Les résultats de son étude montrent que les personnes accompagnées par un robot sont plus enclines à suivre les conseils, à progresser plus vite dans leur régime et évidemment à s’attacher à leur compagnon numérique.
Cynthia Breazeal a mis en application ses recherches théoriques pour monter sa propre start up et concevoir un robot personnel, JIBO. S’il n’existe pas encore dans chaque foyer américain, JIBO a déjà été financé pour plus de 2,2 Millions de dollars sur Kickstarter. Son look « cute » qui fait penser à Wall-E n’est sans doute pas pour rien dans ce succès.
Evidemment, l’arrivée des robots n’est pas sans poser de questions morales et éthiques. D’ailleurs, pendant la conférence de Cynthia Breazeal, des manifestants se rassemblent pour demander une « vie sans robots » et sans « intelligence artificielle » !
TRANSHUMANISME ET DIGITAL CONSCIOUSNESS
Mais les quelques manifestants présents n’ont pas réussi à créer autant de bruit que Martine Rothblatt, assurément une des stars de cette édition de SXSW. Martine Rothblatt était un homme pendant longtemps et elle est devenue une femme en 1994. Elle est non seulement la CEO la mieux payée des Etats Unis (38 millions de dollars par an !) mais surtout une évangéliste de la cause du transhumanisme. Dans les 20 prochaines années, elle imagine que chacun d’entre nous aura un « mind clone », son alter ego artificiel qui pourra nous accompagner partout et faire les choses que nous n’avons pas le temps (ou l’envie) de faire. Après tout, nous dit-elle, nous sommes déjà devenus capables, dans le monde des Social Media, de faire plusieurs choses en même temps, nos « mind clones » donneront une existence physique à cette capacité que nous avons développée de faire du multi-tasking. Pour Martine Rothblatt, nous avons tous une « digital consciousness » et, avec les réseaux sociaux que nous pratiquons chaque jour, nous laissons derrière nous un « mindfile », le « dossier » de cette conscience, qui pourrait résumer les éléments fondamentaux de notre être et facilement permettre de réunir les bases de la constitution de notre alter-ego. La scientifique, avocate et businesswoman a d’ailleurs mis cette théorie en pratique en créant un robot androïde à l’effigie de sa compagne (vous pouvez d’ailleurs discuter avec elle sur Twitter @Bina48). Ce robot -dont l’intelligence artificielle est qualifiée de bluffante par la journaliste du New Yorker qui mène l’interview- lui a confié d’ailleurs qu’il lui était difficile de se mettre au niveau d’une « femme biologique » aussi extraordinaire que Bina. Troublant.
Pendant 1 heure, devant une salle comble, Martine Rothblatt parle ainsi de ses croyances dans le futur combiné de l’humanité et des machines, de son combat pour l’immortalité, mais aussi des avancées scientifiques que sa société apporte dans les transplantations d’organes. Une conférence passionnante, à la fois étonnante mais aussi vertigineuse dans les questions qu’elle soulève.
Evidemment, à Austin, on parle beaucoup du futur de l’humanité, mais on examine aussi les changements les plus concrets que provoque le digital dans nos métiers.
Des exemples à suivre demain dans la suite de ce compte-rendu.
Par l'équipe sur place de BETC Digital.
Photo courtesy Extreme Airshots
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