
Ryan Holiday, ex-Directeur de la Communication d’American Apparel, est un auteur prolixe et grand praticien des nouvelles méthodes du marketing (techniques d'influence, Growth hacking...). Interview.
Comment êtes-vous arrivé dans le monde du marketing?
Ryan Holiday : J’ai commencé le marketing en travaillant avec plusieurs écrivains quand j’étais à l’Université, dont mon ami Trucker Marx (cf Trucker Review). Pour stimuler les ventes, les blogs étaient la meilleure solution, je suis donc vite arrive au marketing dans son ensemble. Puis nous avons ensuite appliqué nos méthodes – qui avaient fait leurs preuves – au secteur de la mode, et aux autres…
Votre livre Croyez-moi, je vous mens, Confessions d’un manipulateur des médias, publié en 2012 aux États-Unis, vient d’être traduit en français, et fait déjà beaucoup parler de lui. Comment voyez-vous le secteur des medias aujourd’hui ?
R. H. : La consommation de l’information est produite en masse et consommée de manière expéditive. Cela contraint à renchérir les uns sur les autres. Du coup, plutôt que de nous concentrer sur la qualité du produit, nous sommes globalement obsédés par un seul objectif : capter l'attention du futur consommateur. Ce type de communication illustre bien le monstre que l’on se doit sans arrêt de nourrir. Et au moindre faux pas, il vous bouffe… Toute volonté de contrôle est illusoire. Mon expérience chez American Apparel m’a appris qu’une marque peut devenir importante, avec ces controverses et un soupçon de marketing, mais qu’au bout d’un moment, les médias qui nous adoraient nous ont dit : « Ok, on est allés aussi loin que possible avec vous, maintenant on va changer notre discours en ce qui vous concerne. » À ce moment-là, vous ne pouvez pas faire grand-chose.
Vous prétendez que le métier du journalisme n’existe plus vraiment, et ce à cause de la relation privilégiée entre les marques et les médias. Est-ce une situation irréversible ?
R. H. : Je dis que le journalisme, comme il est jugé aujourd’hui, n’est plus jugé sur la vérité, l’équité ou l’exactitude, mais le trafic. Il serait difficile de prétendre que quelqu'un qui écrit simplement pour obtenir le plus de pages vues possibles est en train de faire le travail d'un journaliste. Ils sont dorénavant surtout des promoteurs et des vendeurs.
Si plus aucun contenu n’est fiable, comment s’informer ? Vous dites que, personnellement, vous avez fait « une croix sur l’idée d’être informé » …
R. H. : Je lis très peu en ligne. Le système n’est pas conçu pour produire la vérité. Les livres, qui sont conçus pour durer et vendus sur leur valeur aux lecteurs, ont généralement de meilleures intentions. Je préfère l'histoire au journalisme.
Les universités ont-elles un rôle à jouer auprès des étudiants pour les préparer au système que vous dénoncez dans vos livres ?
R. H. : Évidemment ! Mes livres sont même maintenant enseignés dans de nombreuses écoles de journalisme américaines pour former au mieux les futurs journalistes et les mettre en garde contre certaines réalités du secteur des médias et du marketing. Nous vivons dans un monde où certaines personnes sont assez instruites pour voir à travers ce qui est publié en ligne, tandis que d'autres ne le sont pas. C’est la nouvelle fracture numérique.
Et le lecteur dans tout ça ? N’est-il pas lui aussi responsable de l’efficacité du système ?
R. H. : Bien sûr, il y a beaucoup de reproches à lui faire. Mais la plus grosse responsabilité incombe à ceux qui s’enrichissent en profitant de ce système.
Vous avez écrit un livre sur le Growth Hacking. Pouvez-vous nous expliquer quels sont les enjeux de ces techniques marketing nouvelle génération ?
R. H. : Toute la nouvelle génération de marques (Facebook, Dropbox, Airbnb, Twitter..), les MegaBrands, ont été construites sur ces techniques. Elles n’ont pas eu recours au marketing traditionnel mais ont utilisé ces stratégies de croissance. Elles n’ont pas dépensé un centime en communiqués de presse, en pubs TV, ou en panneaux publicitaires… Au lieu de cela, elles se sont appuyées sur le Growth Hacking pour atteindre beaucoup plus de gens via des innovations alternatives, avec des budgets de marketing modestes. Je voulais donc explorer la façon dont ces marques sont devenues des sociétés de plusieurs milliards de dollars avec des milliards d'utilisateurs.
Vous avez dit lors d’une Conférence (Marketing RockStars) que le growth hacker était le nouveau VP du marketing… Le Growth Hacking est-il la nouvelle manière de faire de la publicité ?
R. H. : Cela peut sembler assez effrayant mais aujourd’hui, le marketing, comme nous l’entendions, n’existe plus. Le marketing n’est plus simplement une affaire de créativité, mais concerne bien plus l'utilisation d'outils, la programmation, la gestion de plateformes…
Vous défendez le tout fait « in-house » (pas d’agence, pas de mannequin etc.). Est-ce réellement viable pour toutes les marques ?
R. H. : En effet, je trouve dommage que la plupart des marques cultivent leur marketing et leur RP via des agences extérieures. Ce sont leurs principaux moyens pour elles de communiquer avec et auprès de leurs clients… Comment peuvent-elles confier cette mission à quelqu'un d'autre ?
Pour finir, seriez-vous prêt à m’avouer votre dernier mensonge sur le web?
R. H. : I’m out of that business 😉
Source photo : Ladygunn
À lire
*Croyez-moi, je vous mens, Confessions d’un manipulateur des medias
Pour retrouver notre article sur le livre, c’est par ici
*Growth Hacking - A Primer on the Future of PR, Marketing, and Advertising
*The Obstacle is the way: The Timeless Art of Turning Trials into Triumph
@CarolineMrtn
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