Des bonbons sur fond rose

Additifs alimentaires : l’heure du choix

Avec Bpifrance

Épinglés par les réseaux sociaux et les applications comme Yuka, les additifs alimentaires obligent les industriels à revoir leurs recettes. Nadia Sekher et Capucine Grandsir, expertes chez Bpifrance, éclairent les enjeux de cette transformation.

« Le consommateur n’achète plus les yeux fermés », introduit Capucine Grandsir, spécialiste de l’agtech et de la foodtech chez Bpifrance. Informé par des applications et plateformes telles que Yuka ou Open Food Facts, il scrute ce qui compose son assiette. Une tendance de fond remet en question l’usage des mystérieux « E-xxx » - ces codes sibyllins qui désignent les additifs alimentaires sur nos emballages. Conservateurs, texturants, colorants ou exhausteurs de goût, ces substances sont sujettes à une forte défiance depuis les années 90 – années qui ont vu paraître les premières études scientifiques menées sur leurs impacts sanitaires. 

Le dioxyde de titane « a par exemple été retiré de la liste des additifs autorisés en Europe en 2022 à cause de son effet génotoxique (il altère l’ADN, ndlr), rappelle Nadia Sekher, responsable sectorielle agriculture et alimentation chez Bpifrance. Les sels nitrités utilisés surtout dans la charcuterie et le glutamate de sodium exhausteur de goût largement répandu alimentent également la controverse ». Le premier favoriserait l’apparition du cancer colorectal d’après l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (ANSES) ; le second, l’obésité, le diabète et l’addiction. Depuis 2010, l’autorité européenne de sécurité des aliments, l’EFSA mène donc une revue des quelques 330 additifs autorisés. À date, 70% d’entre eux ont été réévalués.

Effet cocktail

Le processus d’interdiction peut cependant prendre des années. Pour l’heure, l’autorité européenne abaisse les seuils autorisés des additifs soupçonnés de toxicité. « Le temps pour les industriels de tester des alternatives », confirment de concert Nadia Sekher et Capucine Grandsir. « Mais cette approche reste insuffisante, estime Nadia Sekher. On consomme rarement un seul additif. L’effet cocktail de plusieurs additifs peut être délétère ». Ainsi, d’après une étude récente de l’équipe de recherche Eren-Cress, le mélange de certains « E-xxx » présenterait un risque accru de diabète de type II. Reste que leur suppression totale se heurte à des contraintes techniques.

« Les additifs possèdent des propriétés fonctionnelles, essentielles pour l’industrie agroalimentaire : la texture, la couleur, le goût ou la conservation », commente Capucine Grandsir. Les produits alimentaires sont soumis à une série de normes et de standards dont les industriels sont garants. Dans cette quête de stabilité et de conformité de notre alimentation, les additifs constituent ainsi des alliés technico-économiques de la filière agroalimentaire, poursuit Nadia Sekher. S'ajoute à cela la performance économique. « Le prix reste le premier facteur d’achat d’un produit, poursuit l’experte. Pour y répondre, la filière a recours à des matières premières moins nobles ». Les additifs alimentaires entrent alors en jeu en « complétant la recette » – de propriétés conservatrices ou de couleurs – dont manquent ces matières. Les sels nitrités illustrent ce dilemme. Bien qu'ils favorisent le développement de cancers colorectaux, ils servent à prévenir le botulisme et les contaminations bactériennes. « Par ailleurs, ces sels confèrent au jambon sa couleur rose. Sans eux, la viande resterait grise. C'est tout de suite moins alléchant », pointe Nadia Sekher. 

Des additifs « clean »

Face à ces contradictions, des alternatives d'origine naturelle émergent. La startup Dry4Good propose ainsi des additifs 100% végétaux, élaborés selon des procédés de séchage moins énergivores - et donc plus éco-friendly. La méthode permettrait de rester plus fidèles au goût, à la couleur et aux nutriments des fruits ou légumes utilisés. « Pour simuler la texture de la viande dans les substituts d’aliments carnés, l’entreprise Edonia a, elle, mis au point un procédé de production d’ingrédients à base de microalgues. Il permet de s’affranchir d’additifs comme la méthylcellulose » qui peut provoquer des désagréments intestinaux, décrit Capucine Grandsir.

Grâce à un procédé de fermentation, Fermentalg explore également le potentiel des microalgues pour produire un colorant naturel bleu destiné aux boissons et aux bonbons. « La fermentation est un impensé des additifs alimentaires, rappelle Nadia Sekher. C’est pourtant un outil puissant qui permet de rendre plus digestes, plus nutritifs et même plus savoureux certains produits ». 

It’s complicated

Si ces innovations suscitent l’enthousiasme, elles se heurtent à plusieurs contraintes : coût de production, stabilité, adaptation des procédés. « L’équation reste complexe pour les industriels, reconnaît Nadia Sekher. Produire plus sain, plus stable et moins cher, tout en conservant le goût, relève parfois du casse-tête ». 

Ce besoin de reproductibilité reste le plus grand défi. « Le consommateur attend qu’un yaourt ait le même goût à Paris ou à Berlin, rappelle-t-elle. C’est cette homogénéité que les additifs garantissaient. Mais il est temps de les repenser ». Et c’est aussi pour ça que Bpifrance finance à travers France 2030 des projets monopartenaires ou en consortiums qui mêlent recherche académique, startups, PME et industriels pour accélérer le développement de ces alternatives. « En matière d’alimentation saine, traçable et durable, l’union fait la force », conclut, enthousiaste, Capucine Grandsir.

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