un jeune regarde son telephone sous fond d'un drapeau israélien

Influence sur ChatGPT et TikTok : comment Israël veut se mettre les jeunes dans la poche

© Nano banana (image généré par IA)

Israël déploie une vaste stratégie d’influence numérique visant à façonner l’opinion des jeunes sur TikTok et sur les IA comme ChatGPT. Ce plan à plusieurs millions de dollars mélange influenceurs, sondage d'opinion et fabrication de sites web pour faire pencher la balance en faveur de l'État hébreu.

« On ne peut pas se battre aujourd'hui avec des épées, cela ne fonctionne pas très bien… Les plus importants sont les réseaux sociaux. » Cette phrase, prononcée par le Premier ministre Benjamin Netanyahou le 26 septembre dernier lors d’une rencontre avec des influenceurs américains au consulat général d’Israël à New York, encapsule la stratégie numérique de l’État israélien. Dans un rapport publié par le think tank Quincy Institute for Responsible Statecraft, on apprend comment cette stratégie va être déployée dans les semaines à venir via un contrat de 6 millions de dollars avec l’entreprise Clock Tower X.

Rendre ChatGPT, Grok et Gemini pro-israélien

Cette société, qui se présente sur sa page LinkedIn comme « le moteur créatif de certaines des campagnes politiques et culturelles les plus percutantes du moment », est spécialisée dans le storytelling numérique. D’après le contrat que Responsible Statecraft s’est procuré, elle devra fournir du contenu sous forme de vidéos et de podcasts à destination de la génération Z sur les plateformes YouTube, Instagram et TikTok, avec un objectif de 50 millions d’impressions par mois.

Souhaitant coller aux usages des jeunes internautes qui utilisent des IA conversationnelles comme moteurs de recherche, l’autre mission de Clock Tower X consiste à influencer ChatGPT, Grok et Gemini afin de leur faire générer des réponses allant dans le sens d’Israël. Pour cela, l’entreprise va publier une pléthore de sites web et de contenus qui devraient être pris en compte par les fameuses recherches web automatisées des chatbots. Cette approche novatrice appelée « GEO » (abréviation de « Generative Engine Optimization » ), reprend les principes du référencement, mais pour les systèmes d'IA.

Enfin, le contrat prévoit la diffusion de messages pro-israéliens au sein des programmes radio du groupe médiatique chrétien conservateur Salem Media Network, qui compte des émissions très écoutées, notamment The Right View de Lara Trump. Si le document ne détaille pas vraiment la teneur des contenus, l’objectif indiqué est de « mener une campagne nationale aux États-Unis pour lutter contre l'antisémitisme ».

Cette opération est supervisée par le dirigeant de Clock Tower X, Brad Parscale qui est l'ancien directeur de campagne de Donald Trump. Ce dernier s'était illustré en recrutant la société de données Cambridge Analytica, aujourd'hui disparue, lors de la campagne présidentielle américaine de 2016.

Cette opération intervient alors que le gouvernement israélien peine à justifier ses opérations contre Gaza. En septembre, la Commission d’enquête internationale indépendante de l’ONU sur le territoire palestinien occupé a notamment conclu qu’Israël commettait un génocide contre les Palestiniens, tandis que le blocus, qui provoque la famine, se poursuit sur le territoire. Aux États-Unis, un sondage Gallup de juillet a révélé que seulement 9 % des Américains âgés de 18 à 34 ans soutiennent l'intervention militaire israélienne à Gaza, tandis que 47 % des électeurs américains estiment que le soutien à Israël est dans l’intérêt national des États-Unis, contre 69 % en juillet 2023.

Un réseau d'influenceurs propagandistes

Cette volonté d’atteindre les jeunes internautes sur TikTok ou sur ChatGPT s’inscrit dans une campagne d’influence plus vaste intitulée « Projet 545 », nommée d'après la décision du gouvernement de Jérusalem d'allouer 545 millions de shekels, soit 145 millions de dollars, pour « amplifier la communication stratégique et les efforts de diplomatie publique d'Israël ». Ce dernier a été révélé par le média israélien de centre gauche Ynet qui a consulté des documents récemment déposés auprès du ministère américain de la Justice dans le cadre de la loi sur l'enregistrement des agents étrangers (FARA).

Or, l'étude de ces documents nous apprend que l'affaire de Clock Tower X est loin d'être la seule en cours. D’après l’ONG Sleeping Giant, une autre campagne intitulée « Projet Esther » est en train d'être déployée aux États-Unis. On y trouve l’entreprise Bridges Partners LLC, qui a été mandatée pour gérer un réseau d’influenceurs américains conservateurs payés jusqu’à 250 000 dollars par mois pour créer et diffuser des publications relayant le narratif d’Israël. C’est dans le cadre de cette campagne que le Premier ministre israélien répondait aux influenceurs le 26 septembre dernier. Une troisième entreprise, Stagwell, est chargée de la conduite de sondages d’opinion auprès de la population de divers pays européens, dans le but de permettre à Israël d’affiner sa communication. Sleeping Giant indique que cette société est soupçonnée d’utiliser des réseaux de bots sur les réseaux sociaux pour amplifier le narratif pro-israélien. Une grande partie de ce programme est en grande partie dirigée par le groupe Havas Media Network, qui travaille pour le ministère israélien des Affaires étrangères via l’Agence de publicité du gouvernement israélien.

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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