
Peur, fuite, désengagement, burn-out…, les tendances autour du monde du travail envoient des signaux de détresse. Et pourtant, dans la Valley, on annonce l’ère du 007.
FORMULAIRE DE RECRUTEMENT : PANIQUE EN LIGNE
Les formulaires de recrutement hantent les réseaux sociaux.
« Boo, je vous ai tous fait peur, pour Halloween, je suis déguisé en formulaire de recrutement en ligne », blaguait un utilisateur de Twitter à l’automne 2019. Ce vieux mème a été exhumé au printemps 2025 et a généré des milliers de déclinaisons. Car cette année, la recherche d’emploi est vécue comme étant plus infernale que jamais. Les demandeurs d’emploi racontent le cauchemar de ces formulaires soi-disant automatiques qu’ils sont obligés de remplir un à un et qui restent dans la très grande majorité des cas sans réponse. Autant de témoignages qui accusent la tech et les entreprises d’avoir déshumanisé les processus sans même réussir à les rendre moins pénibles.
INSTA BURN-OUT : GROSSE FATIGUE CHEZ LES INFLUENCEUSES
« Ma vie est devenue un objet marketing. »
Leur boulot consiste à nous vendre du rêve : celui d’une vie brillante et sans entrave. Pourtant, le marché de l'influence serait en pleine crise. Selon une étude mondiale de l'agence américaine Billion Dollar Boy parue en juillet 2025, plus de la moitié des créateurs de contenu (52 %) souffrent de burn-out, et 37 % envisageraient même d'abandonner leur carrière. Quelle est l’origine de cet épuisement ? La fatigue créative (40 %), les charges de travail exigeantes (31 %) et le temps d'écran constant (27 %), mais avant tout l'instabilité financière (55 %).
À LIRE : Grosse fatigue chez les influenceuses, Anne Chirol, L’ADN, mars 2025
CONSCIOUS UNBOSSING : MANAGER, NON MERCI !
À bas la hiérarchie ? La GenZ pratique l' « Unbossing », ou le refus de devenir manager.
Devenir chef n’est plus la consécration d’une carrière bien menée : « Ceux qui deviennent managers font face à une forte augmentation de leur charge de travail, à la nécessité d’être toujours disponibles pour leur équipe, et à une pression constante d’atteindre leurs objectifs, remarque Lucy Bisset, directrice de Robert Walters pour commenter les résultats d’une enquête produite par son cabinet – « Démanteler consciemment ses responsabilités », parue en 2024. Et ce sentiment que diriger les autres consiste surtout à sacrifier sa santé mentale souligne que gérer sa carrière, c’est avant tout gérer ses désirs personnels. Désormais, une très large majorité, soit 72 % de la génération Z, préférerait une voie de progression individuelle plutôt que d’avoir la charge de combler les attentes de ses contemporains et de susciter leur motivation.
À LIRE : À bas la hiérarchie ? Lola Buscemi, L’ADN, novembre 2024
MINI-RETRAITES : LE PLAISIR DE LA RETRAITE, AVANT TOUT
La tendance des mini-retirements de TikTok, qui prétend qu’il vaut mieux profiter de la vie que de bosser pour payer sa retraite (et celle des autres).
Face à un avenir incertain et avec la conscience aiguë que le temps passe vite et ne repasse pas les plats…, certains affichent sur les réseaux sociaux leur choix de profiter d’une vie hors contraintes horaires. Métro-boulot-tombeau : il n’en est pas question. « À notre âge, on ne sait pas si on touchera une retraite décente ni ce que l'avenir nous réserve. Je ne veux pas avoir de regrets. Je préfère avoir des difficultés à joindre les deux bouts plus tard, en ayant bien vécu, plutôt que d'atteindre la retraite sans avoir profité, en n'étant plus mobile », explique Antoine, trentenaire qui a quitté un travail insatisfaisant pour documenter ses voyages avec sa compagne.
À LIRE : Face à un avenir incertain, la GenZ et les millenials s'accordent des « mini-retraites », Marie Tomaszewski, L’ADN, janvier 2025
DU 996 AU 007 : TRAVAILLER BEAUCOUP, BEAUCOUP PLUS
Dans un post LinkedIn, Martin Mignot, investisseur américain chez Index Ventures, affirme que « le 996 est la nouvelle norme pour les startups », à comprendre qu’il s’agit désormais de travailler de 9 h à 21 h six jours par semaine, sur le modèle chinois. Quant à Harry Stebbings, investisseur en capital-risque basé au Royaume-Uni, il trouve que cet objectif reste un peu faiblard. Selon lui, les startups vraiment ambitieuses devraient passer à l’étape supérieure. « Ce que les fondateurs européens doivent comprendre : la Valley a encore augmenté son intensité. 7 jours sur 7, de 7 h à minuit, c'est la vitesse requise pour réussir maintenant. »
Les raisons de ce bouillonnement infernal ? La rapidité des évolutions de l’IA qui donne l’impression que chaque minute passée sans travailler coûte cher et que, dans un contexte de concurrence mondiale, elles peuvent même être fatales. Conséquence : l’obsession de pousser la productivité de chaque membre de l'équipe plutôt que de recruter…, une méthode qui, selon de fort nombreuses études, y compris chinoises, a donné de multiples preuves non seulement de toxicité sur la santé mentale et physique des individus, mais aussi d’inefficacité pour les organisations.
Participer à la conversation