Sydney Sweyney en jeans

Les « beaux jeans » de Sydney Sweeney ont fait exploser la marque American Eagle en bourse

© American Eagle

La campagne publicitaire à l’ambiguïté raciste qui a fait jaser l’Amérique pendant tout l’été a finalement porté ses fruits sur la valeur boursière et la visibilité de la marque…, mais pas dans les magasins.

Pari réussi pour la marque de jeans la plus controversée d’Amérique ? Dans un article du Wall Street Journal du 3 septembre dernier, Craig Brommers, directeur marketing d'American Eagle, a vanté « une acquisition de nouveaux clients sans précédent » (on parle de 800 000 nouveaux clients acquis) et d'une hausse de 186 % de l’intérêt de recherche pour la marque, tandis que le trafic du site web a gagné 15 % sur le mois de juillet. Mieux encore, la marque a enregistré un bénéfice net de 77,6 millions de dollars, contre 77,3 millions sur la même période un an plus tôt. De quoi faire bondir de 24,9 % le cours de son action, et surtout faire jubiler les supporters trumpistes qui ont largement participé à la polémique de l’été.

Clin d’œil appuyé aux racistes

Même en ayant passé deux mois à la plage, il était difficile d’échapper à ce que l’on pourrait qualifier de « polémique la plus chaude de l’été ». Lancée au début du mois de juillet, la campagne « Sydney has good jeans » a effectivement cassé Internet en mettant en scène l’actrice d’Euphoria et White Lotus, Sydney Sweeney, plus ou moins vêtue de denim. Outre l’aspect sexiste de certains spots montrant l’actrice reboutonner lascivement un pantalon ou zoomer de manière insistante sur ses fesses, c’est surtout le message brossant subtilement les trolls racistes dans le sens du poil qui a fait exploser les débats. Outre le slogan principal qui peut être interprété phonétiquement comme « Sweeney a de bons gènes », un autre spot, retiré par la marque, zoomait sur les yeux bleus de l’actrice qui déclamait en voix off : « Les gènes se transmettent des parents à leurs enfants et déterminent souvent des traits comme la couleur des cheveux, la personnalité et même la couleur des yeux. Mon jean est bleu. »

Outre cet évident appel du pied aux discours suprémacistes blancs, la campagne a aussi connu un relais de taille en la personne de Donald Trump himself. Ce dernier a posté sur Truth Social le 4 août dernier : « Sydney Sweeney, une républicaine déclarée, a la publicité la plus canon. Allez-y, Sydney ! » Rien d’étonnant quand on connaît l’implication des trumpistes dans le mouvement « go woke go broke » qui consistait à mettre une pression médiatique et économique sur des marques américaines dont le message et l’image étaient jugés trop progressistes. Le fait que l’actrice se soit elle-même déclaré comme une électrice républicaine (il est possible aux USA de déclarer publiquement son affiliation à un parti dans les registres d’inscription électorale) ajoute une forme de crédibilité au message de la publicité. Enfin, il faut noter qu’American Eagle n’est pas la première marque à axer sa communication sur une forme de rejet d’un certain establishment démocrate. La marque de bière Bud avait ainsi sorti en janvier 2025 une campagne jouant sur ce décalage entre des Américains de tous les jours aimant boire de la bière entre copains et une esthétique jugée woke.

Sauvé par le cynisme ?

Au-delà du cynisme évident des blagues eugénistes et de la visibilité soudaine pour la marque, quel a été le résultat concret de la campagne sur les ventes ? Sur ce plan, le bilan est plus mitigé, avec une baisse de 1 % des ventes en magasin pour l’ensemble du groupe et un recul de 3 % pour la marque American Eagle. Seule la marque de lingerie Aerie, affiliée au groupe, enregistre une hausse de 3 %. Au final, le chiffre d’affaires net total est en recul de 1 %, à 1,28 milliard de dollars, mais dépasse les 1,24 milliard attendus par les analystes sondés par FactSet. D’après les différents analystes, le buzz généré par la campagne a bien donné de la visibilité à la marque mais n’a pas forcément amélioré son image auprès des jeunes clientes historiques. Au mieux, American Eagle aura sauvé les meubles d’un bilan économique qui s’annonçait catastrophique. Reste à voir si faire de l’œil à un électorat trumpiste suffit à sauver une marque sur le long terme.

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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