une jeunes fille qui pleure

Ces victimes de violences sexistes et sexuelles qui utilisent leurs vidéos TikTok pour payer leur avocat

Reflet de la difficulté à couvrir leurs frais de justice, cette nouvelle technique de financement peut s’avérer préjudiciable. 

Une musique triste, un paysage sombre qui défile pendant 60 secondes et un message clair : « Cette vidéo dure une minute pour que je puisse financer mon avocat contre mon viol », écrit Manon dans chacun de ses posts. Un même contenu qu’elle publie à la chaîne pour cumuler le nombre de vues. 

Sur TikTok, les victimes de VSS sont de plus en plus nombreuses à se servir de la monétisation dans l’espoir de financer les frais d’une procédure judiciaire contre leur agresseur. En regardant ces vidéos jusqu’au bout et en créant de l’engagement (likes, commentaires, partages…), les utilisateurs participeraient ainsi à la lutte contre les violences faites aux femmes. Si le phénomène s’intensifie, il n’est que le reflet du parcours du combattant mené par ces dernières pour obtenir justice. 

Honoraires d’avocat, coût des experts… Aujourd’hui, une infime part des victimes de VSS vont au bout des procédures, découragées par les frais qu’elles engendrent. Pour Maître Tomasini, avocate au barreau de Paris, spécialisée dans la lutte contre les violences intra-familiales sexistes et sexuelles, générer des revenus grâce à TikTok dans le but de payer un avocat « démontre une réelle problématique de l’aide juridictionnelle », qui pousse les victimes à obtenir de l’argent par n’importe quel moyen. 

L’aide juridictionnelle, un “leurre” de l’État ?

En France, l’aide juridictionnelle permet à certaines victimes de bénéficier de la prise en charge totale ou partielle des frais de procédure. Mais Me Tomasini dénonce « un leurre de l’État ». Car si cette aide est de droit pour les viols (crime) l’acte est souvent requalifié en agression sexuelle (délit). Dans ce cas, l’acte est jugé en correctionnel où « toutes les victimes n’ont pas la possibilité de bénéficier de cette aide ». Deux questions se posent alors pour les victimes : « Suis-je éligible ? Si oui, vais-je avoir un bon avocat ? », éclaire Me Tomasini. 

Selon le ministère de la Justice, à partir de 19 290€ de revenu annuel, une victime ne peut avoir recours à l’aide juridictionnelle. Si elle en bénéficie, « son avocat accepte d'être rémunéré 4€ de l’heure et accumule les dossiers » ce qui engendre une défense moins qualitative, détaille la spécialiste. Deux critères qui poussaient déjà certaines femmes à ouvrir des cagnottes en ligne. Avec la monétisation de ses vidéos, TikTok offre une nouvelle possibilité pour les victimes

Des répercussions et une perte de crédibilité

Mais le pari est risqué. « Ces vidéos peuvent avoir une incidence sur la procédure », met en garde Me Tomasini. En dévoilant leur vie privée et leur identité, les plaignantes risquent d’être attaquées pour dénonciation calomnieuse. Dans le même temps, « l’exploitation financière de leur souffrance est incompatible avec ce qu’on attend d’elles », ajoute l’avocate. Celle qui se bat pour changer l’image de la femme-victime ne mâche pas ses mots, « dans l’inconscient collectif, la plaignante ne s’expose pas sur les réseaux, elle se recroqueville sur elle-même ». 

L’avocate déplore le caractère décrédibilisant de ce genre de vidéos et questionne leurs bénéfices. Selon elle, « les gains obtenus grâce à TikTok ne peuvent pas couvrir les frais de justice ». Contactées, aucune de ces utilisatrices n’a souhaité répondre à nos questions. 

Discutez en temps réel, anonymement et en privé, avec une autre personne inspirée par cet article.

Viens on en parle !
le livre des tendances 2026
commentaires

Participer à la conversation

Laisser un commentaire