
Brainfluenceurs, nootropiques, immunothérapies, GLP-1… De la sphère wellness à la médecine la plus avancée, se dessine un continuum d'innovations pour préserver notre capital cognitif.
Lire la première partie : La démence est-elle le nouveau mal du siècle ?
Face à l'explosion de la prévalence des troubles neurodégénératifs et aux alertes lancées par des cas médiatisés, la recherche et l'innovation s'organisent autour de solutions préventives accessibles à tous. Quatre piliers essentiels apparaissent pour une meilleure santé cognitive : l'activité physique, l'alimentation, la stimulation cognitive et le sommeil – qui sont souvent l’obsession des biohackers. Les priorités varient toutefois selon l'âge. Pour les jeunes adultes, la formation des habitudes durables influencera la santé cognitive pour les décennies à venir : exercice régulier, apprentissage continu, limitation des comportements à risque… Pour les adultes d'âge moyen, il faudra contrôler les facteurs métaboliques qui affectent directement la santé cérébrale.
Pour les seniors, c'est l'engagement social qui prend une importance toute particulière. À rebours des idées reçues, une étude révèle d'ailleurs que l'usage de smartphones par les personnes âgées leur permettrait un déclin cognitif moindre, notamment grâce à leur capacité à créer de la connexion et de la stimulation cérébrale.
En matière de nutrition, le cerveau a aussi son régime : le MIND (Mediterranean-DASH Intervention for Neurodegenerative Delay), mis au point par le Rush University Medical Center à Chicago, montre des résultats prometteurs pour ralentir le déclin cognitif à tout âge.
Tout naturellement, le segment des nootropiques, destinés au cerveau, s'impose sur le marché des compléments alimentaires : aux États-Unis, MagicMind ou Graymatter que certains n’hésitent pas à présenter comme des « alternatives naturelles à l'Adderall » – médicament souvent prescrit contre le TDAH. Et sur les réseaux sociaux, une nouvelle génération d'influenceurs et de professionnels de santé prend le relais. Des comptes comme @the.brainhealth.doctor (558 K followers) ou @drtommywood (animateur du podcast Better Brain Fitness Podcast) abordent la santé cérébrale, la plasticité neuronale et la prévention cognitive pour un public jeune et pro-actif.
« Brain-Data-as-a-Service »
On le comprend, le cerveau devient la nouvelle frontière de la santé préventive, et une opportunité de marché inédite. Alors que la longévité s'est imposée comme le nouveau marqueur de statut social, de nouveaux acteurs cherchent à préempter ce territoire. De la sphère wellness à la médecine avancée, se dessine ainsi un continuum d'innovations, de la plus technosolutionniste à la plus scientifique.
En rendant les scanners MEG (magnétoencéphalographie) accessibles au grand public dans sa future clinique privée à Londres, l’anglais MYndspan transforme ce qui était un outil de recherche d'élite en une expérience wellness de luxe. Les clients reçoivent un rapport incluant leur « Functional Brain Age » et leur « Brain Stability Index » – de nouveaux indicateurs de santé qui pourraient devenir aussi courants que le nombre de pas quotidiens. D'autres acteurs investissent ce créneau, comme Neko Health, fondée par Daniel Ek, cofondateur de Spotify, qui a popularisé le concept de body scanning préventif et capter l'attention des investisseurs, avec 260 millions de dollars levés en janvier 2025.
Avec l'intelligence artificielle et le développement des technologies, les solutions se multiplient. Sonde Health analyse des échantillons vocaux de 30 secondes sur smartphones, utilisant la parole comme biomarqueur de santé cognitive. Des plateformes comme Linus Health offrent un dépistage précoce assisté par IA, tandis que Zeto démocratise les électroencéphalogrammes (EEG) avec ses casques portables. La plateforme « Brain-Data-as-a-Service » de Brain Space, transforme les données cérébrales en modèles prédictifs basés sur l'IA, ouvrant la voie à des produits et services hyperpersonnalisés.
GLP-1, immunothérapie et jumeaux numériques
En médecine, l'approche du jumeau numérique pourrait aussi aider à accélérer la recherche et personnaliser les traitements. Des projets comme Qairnel, spin-off de l'Inria et de l'Institut du cerveau, créent des modèles personnalisés capables de simuler l'évolution de la maladie d'Alzheimer sur plusieurs années, accélérant la recherche pharmaceutique et améliorant le dépistage précoce.
Sur le versant métabolique, une découverte inattendue attire l'attention des neurologues : les analogues du GLP-1 comme Ozempic ou Wegovy, initialement développés pour le diabète puis l'obésité, pourraient recéler un potentiel significatif pour la santé cognitive. Une équipe de chercheurs de l'université Case Western Reserve a démontré que le sémaglutide pourrait réduire le risque de maladie d'Alzheimer chez les personnes atteintes de diabète de type 2.
Côté immunothérapies – une piste encore controversée mais prometteuse – un nouvel essai clinique inédit, mené par la Washington University School of Medicine, explore une approche radicalement préventive contre Alzheimer. Baptisé Primary Prevention Trial, il évalue l’anticorps monoclonal remternetug, développé par Eli Lilly, chez de jeunes adultes porteurs d’une mutation génétique qui les expose presque à coup sûr à un Alzheimer précoce. Une stratégie qui pourrait redéfinir le traitement des maladies neurodégénératives, malgré les revers obtenus jusqu’ici par plusieurs médicaments de cette classe, comme la non-autorisation en Europe du Kinsula (donanemab) du même laboratoire ou de l’échec du candidat-médicament gantenerumab de Roche, qui mise désormais sur le trontinemab.
À l'image de Hemsworth, qui a modifié son mode de vie après avoir découvert sa prédisposition génétique, l'avenir réside peut-être dans cette capacité de détection précoce couplée à des interventions ciblées. Comme l'acteur l'a démontré, la connaissance du risque peut être transformée en action préventive concrète. Si ces approches – qu'elles passent par l'immunothérapie, les GLP-1 ou le style de vie – prouvent leur efficacité, elles pourraient ouvrir une nouvelle ère de la santé, où l’esprit rejoint le corps dans une approche intégrée de la longévité. À condition, bien sûr, qu'elles soient accessibles au plus grand nombre, et que la prévention devienne une priorité dès le plus jeune âge.
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