
Dans les jeux vidéo massivement multijoueurs, les chefs de guilde ou de clan recrutent, fixent des objectifs, motivent leur équipe... Ça ne serait pas des soft skills ?
D’après l’étude « Les Français et le jeu vidéo » du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs, 61 % des Français âgés de 10 à 80 ans estiment que le jeu vidéo permet de développer de vraies compétences. Un constat que Jean-Pierre Dumazert, professeur de management à Excelia et gamer assumé, a dressé dès 2010. « Ce qui m'intéresse dans les jeux massivement multijoueurs, explique-t-il, c’est cette capacité à gérer et à fédérer un collectif autour d’un objectif commun ». Pourtant, les compétences des gamers ne sont toujours pas comprises.
« Ce qui change, c’est l’objectif final »
Si la coordination entre joueurs n’est pas nouvelle, le mode de communication a, lui, bien évolué. Fini le chat interne du jeu. Désormais, tout passe par Discord. Et c’est ce qu’utilise Léopold, chef adjoint d’un clan sur Clash Royale, pour motiver chaque semaine une cinquantaine de gamers. Depuis un an, il veille à ce que chacun effectue ses quatre combats hebdomadaires et filtre aussi les nouvelles demandes d’adhésion. « Je regarde les stats des joueurs pour vérifier s’ils sont assidus dans la guerre des clans. C’est essentiel pour progresser dans le classement », détaille-t-il. Des tâches dignes d’un chargé de recrutement. Pour Eden Jean-Marie, psychologue et responsable R&D à Temptalab, « le temps passé à jouer n’est plus qu’un composant de l’expérience. Dans ces jeux, les chefs affectent des rôles, assurent un suivi et doivent communiquer. » Un travail bien réel, mais invisible. Avec Laurent Bouvet, sociologue, ils militent pour la reconnaissance des compétences acquises dans les loisirs. Et dans le gaming, cette organisation préalable n’est pas à négliger, d’autant qu’elle correspond aux attentes des entreprises. « Un raid dure trois ou quatre heures, mais sa préparation avoisine les 30 heures », précise Eden Jean-Marie. Lionel, joueur de longue date de World of Warcraft, en témoigne : « Le guild master est à la fois chef de projet, RH et responsable logistique. Il organise les sessions pour obtenir des ressources puis planifie les raids, souvent sur Excel, pour attribuer les rôles et les missions. » Il doit aussi savoir déléguer, gérer le stress et résoudre les conflits. En somme, un vrai boulot de manager. « Ce qui change, c’est l’objectif final », résume le psychologue.
Le gaming, toujours pas un vrai hobby ?
Malgré tout, les jeux vidéo traînent encore une mauvaise image. Lors du dernier Salon du livre à Paris, le philosophe André Comte-Sponville a associé le manque de maturité chez les hommes de 25 ans à leur goût pour les jeux vidéo… Ainsi, beaucoup de joueurs n’osent pas indiquer ces expériences dans un cadre professionnel. C’est le cas de Léopold, moniteur de voile, qui ne parle jamais de sa fonction de chef adjoint dans Clash Royale. Pourtant, « le côté motivation et compétition du jeu est un prolongement de ce que je fais au travail pour les régates ». Idem, pour Notkasa, membre sur Reddit et prothésiste dentaire, qui remarque que « les recruteurs ne considèrent pas le jeu vidéo comme formateur, car ils ne connaissent pas cet univers ». Margaux, chargée de formation dans un CFA, a décidé d’assumer. « Sur mon CV, j’ai inscrit les jeux vidéo dans mes loisirs car cela m’a aidé à être plus à l’aise au quotidien. Donc, j’estime qu’ils ont leur place. » Mais pour Notkasa, cela reste difficile à valoriser. « J’ai beau expliquer que j’ai fait des calculs poussés sur Excel pour optimiser la production d’or dans un jeu, on ne me prend pas au sérieux. » Puis, pour certains recruteurs, « on n’y retrouve pas le côté dépassement de soi valorisé dans les activités physiques. » La reconnaissance viendra peut-être, mais pour l'instant tous s’accordent à dire qu’une barrière générationnelle demeure. Un point de vue partagé par Laurent Bouvet, même s'il perçoit une évolution : « Les mamans qui ont regardé les émissions Joueurs & compétents nous ont dit avoir changé de regard sur la pratique de leurs ados. »
Avec Gamer gate...j'ai des doutes ou alors seulement avec des mecs et l'entreprise devra bien se protéger et avoir une DRH du tonnerre pour gérer les abus sexistes...