
Le sommeil est devenu un terrain de jeu pour les influenceurs, prêts à tout pour atteindre une performance maximale. Décryptage d’une tendance qui en dit long sur notre obsession pour l’optimisation.
Sur TikTok, ils apparaissent le visage illuminé par une lumière rouge tamisée, un morceau de scotch soigneusement collé sur la bouche. Ces nouveaux adeptes du « sleepmaxxing », tendance virale qui explose actuellement sur les réseaux sociaux, affirment avoir trouvé le secret d'un sommeil parfaitement réparateur. L’idée ? Optimiser son repos en suivant des protocoles précis, parfois extrêmes, censés améliorer radicalement la santé, la productivité et la performance mentale.
La pratique qui fascine le plus est sans doute le « mouth taping », qui consiste à se scotcher la bouche pour obliger la respiration nasale durant le sommeil. Sur TikTok, des vidéos cumulent des millions de vues, comme celle de l'influenceur Ashton Hall qui a plus ou moins lancé la tendance récente en montrant une routine de coucher (et de réveil) totalement absurde.
À noter aussi que la pratique du mouth taping est également prisée par des comptes surfant sur le masculinisme. Ces derniers incitent les jeunes hommes à acheter des rubans adhésifs buccaux pour améliorer leur jawline et ressembler davantage à un « homme alpha » .
Parmi les pratiques en vogue, on retrouve aussi le Morning Shed, où les utilisateurs exposent leur attirail de nuit – bonnet en satin, masques, ruban adhésif buccal. D’autres misent sur le Sleepy Girl Mocktail, un mélange de jus de cerise et de magnésium, censé favoriser l’endormissement.
Les gadgets high-tech comme les matelas intelligents ou les bandeaux neurotechnologiques font aussi fureur. Certains jurent également par les kiwis avant de dormir. Enfin, des pratiques plus ésotériques, comme la méditation ou la stimulation de la glande pinéale, prétendent induire le sommeil en dix minutes.
Entre quête du buzz et anxiété de l’échec
Le sleepmaxxing n’arrive pas de nulle part. Il explose parce qu’il coche toutes les cases de notre époque : une génération ultra-connectée, obsédée par la productivité, la santé mentale, l’autoamélioration…, et par sa propre image. Longtemps vu comme une pause passive, le sommeil est en train de devenir un terrain de performance à part entière. Comme l’explique le Dr Jag Sunderram sur CNN, on est en train de passer d’un sommeil subi à un sommeil « stratégique ». On ne dort plus juste pour se reposer, on dort pour « optimiser ».
Ce changement s’inscrit dans la continuité du biohacking, du tracking de soi et de la quête d’un corps/cerveau toujours plus efficace. Et bien sûr, les réseaux sociaux amplifient tout cela. Sur TikTok, la mise en scène de sa routine nocturne devient une preuve de discipline, un spectacle de contrôle de soi, presque une forme de luxe. Se scotcher la bouche, boire son sleepy mocktail, activer sa lumière rouge, puis montrer tout ça à sa communauté, c’est aussi faire partie du club de ceux qui « ont compris ». Comme le résume très bien Vogue, on n’est plus juste dans le bien-être, on est dans le lifestyle performatif.
Autre facteur : l’anxiété. Le monde tourne trop vite, on dort mal, on culpabilise de ne pas dormir assez… Alors forcément, une promesse comme celle du sleepmaxxing – qui propose des solutions concrètes et souvent très visuelles – devient séduisante. Même si, comme le rappelle National Geographic, beaucoup de ces méthodes restent non prouvées.
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