
Satellites produits à la chaîne, tensions géopolitiques croissantes et privatisation galopante : la ruée vers l'orbite ressemble de moins en moins à un scénario de science-fiction. Comment s'organise cette nouvelle frontière industrielle ? Quels en sont les enjeux ? Ces questions ont été au cœur des débats entre experts et chercheurs lors de la 11e édition des #ConversationsAVenir au Collège de France.
Fermez les yeux. Que vous évoque le mot « espace » ? L’immensité stellaire, les premiers pas de Neil Armstrong, ou l’hyper-espace de George Lucas ? Maintenant, rouvrez-les : le décor a changé. Car aujourd’hui, l’espace est avant tout un enjeu économique, militaire et technologique. L’industrialisation à marche forcée bouleverse les équilibres mondiaux, redistribue les cartes de la puissance et pose des questions essentielles : qui contrôlera l’accès à l’orbite ? Quelles sont les règles du jeu pour cette nouvelle économie spatiale ? Et surtout, l’Europe peut-elle exister face aux géants américains et chinois ? Des enjeux cruciaux que la Fondation BNP Paribas et l'Institut Louis Bachelier ont placés au centre des débats.
De la conquête à l’industrialisation de l’espace
Du rêve à la réalité, il n’y a qu’un (petit) pas. Pour Xavier Pasco, directeur de la Fondation pour la Recherche Stratégique, cela ne fait aucun doute : l’espace a été désacralisé. « Avant, c’était un terrain d’affrontement symbolique entre grandes puissances. Aujourd’hui, on parle de milliers de satellites, de low-cost, d’industrialisation de masse. » Loin de l’époque où la course à l’espace était le terrain de jeu exclusif des États, ce sont désormais les entreprises privées qui dominent le secteur. Avec sa constellation Starlink de près de 7 000 satellites, Elon Musk détient à lui seul deux tiers du capital spatial actif. « L’espace devient un produit comme un autre, une infrastructure logistique au service des télécommunications et de la surveillance », poursuit Xavier Pasco.
L'orbite basse se peuple ainsi rapidement de satellites commerciaux qui alimentent un réseau mondial de services de connectivité, d'observations et de renseignements. Cette transformation change profondément la manière dont l’espace est conçu : plus qu’une frontière à conquérir, il devient un support industriel où s’affrontent les logiques commerciales et politiques.
L’Europe face aux géants américains et chinois : mission impossible ?
Dans ce nouveau contexte, l’Europe tente d’affirmer sa position. « Nous sommes une grande puissance spatiale. Nous avons des infrastructures uniques, comme Galileo ou Copernicus. Mais nous devons encore renforcer nos capacités de lancement et nos constellations de connectivité », explique Géraldine Naja, directrice de la stratégie industrielle à l’Agence Spatiale Européenne. Le problème, c’est que l’Europe souffre d’un retard sur le plan industriel et financier. Pour Ciro Caldaronello, expert industriel et sectoriel dans le domaine spatial chez BNP Paribas, l’investissement public reste prédominant même si les lignes sont en train de changer. « Les fonds privés commencent à s’intéresser à l’espace. Pas dans les lanceurs, trop coûteux, mais dans des secteurs stratégiques comme la surveillance satellitaire et la connectivité globale ». Si l’Europe veut peser dans la balance, elle doit rapidement adopter une stratégie plus offensive, notamment en renforçant ses coopérations industrielles et en s’engageant dans une réglementation plus stricte du secteur.
Viser la lune, le dernier fantasme
Autre volet de l’équation spatiale, l’éventualité d’un nouvel « objectif Lune ». En effet, les programmes Artemis aux États-Unis et ILRS (International Lunar Research Station) en Chine prévoient d'y établir des bases permanentes. Mais derrière l’effet d’annonce, quelle réalité ? « On nous parle d’une économie lunaire florissante, mais les modèles restent flous » avertit Dimitri Chuard, prospectiviste à Mines Paris PSL.Selon lui, certaines ambitions, comme l’exploitation de l’hélium-3 pour la fusion nucléaire, relèvent du fantasme : « Ces réacteurs n'existent pas encore et ne verront probablement pas le jour avant la fin du siècle. »
En réalité, cette course à la Lune relève avant tout d'un enjeu géopolitique. « C’est une manière pour les grandes puissances de structurer leurs alliances spatiales et d'asseoir leur influence », analyse Xavier Pasco. Entre vitrine technologique et démonstration de force, la lune redevient le théâtre des rivalités entre les grandes nations.
Vers une régulation de l’espace ?
Avec cette industrialisation à marche forcée, une question devient pressante : comment réguler cette nouvelle économie ? « Faut-il un code de la route de l’espace ? », s’interroge Xavier Pasco. « Les débris se multiplient, les satellites deviennent des cibles militaires. La question de la sécurité collective dans l’espace se pose avec acuité. » Aujourd’hui, l’espace devient le lieu de tensions militaires croissantes. Les tests antisatellites menés par la Chine, la Russie et l’Inde ces dernières années rappellent que cette nouvelle frontière est loin d’être pacifique. « Les satellites ne sont pas seulement des outils d’observation, ils sont devenus des cibles stratégiques », explique Xavier Pasco.
L’avenir de l’espace se joue donc maintenant : sera-t-il régi par des traités et des accords internationaux, ou sombrera-t-il dans une logique de Far West technologique et militaire ? Une chose est sûre : si la ruée vers l’espace est une conquête, ce n’est plus celle de l’inconnu, mais bien celle du pouvoir.
Je pense qu'il faudrait mettre un hola, un stop quand une assez grande somme d'argent à été gagné. il faudrait définir à combien ce seuil. Quelques milliards, mais cela ne doit pas dépassé le budget d'un état. La puissance de l'argent permet aujourd'hui toutes les folies. Et il n'est pas normal qu'un puissant comme Musk "s'approprie" l'espace. Les américains le font encore à la "FAR WEST" sans tenir compte des droits internationaux.