Une petite fille inquiète sur un fond de ciel rouge

Pourquoi l’écologie perd toujours ?

© Skyler Ewing et Pixabay

Un combat pour sauver nos vies ! Une promesse si forte qu’elle devrait emporter l’adhésion du plus grand nombre. Et pourtant non. Éléments de réponses pour comprendre ce grand mystère de notre temps.

« Avec Thierry on a investi dans une voiture électrique », « Moi je n’achète plus que sur Vinted », « J’ai passé mon dimanche à me fabriquer de la lessive maison ». Autant de fières déclarations entendues au cours d’un repas ou devant la machine à café. Selon le sociologue Clément Sénéchal, ces petites phrases n’auraient rien d’anodin. Elles permettent de se positionner socialement dans le « camp du bien ». Celui d’une écologie bourgeoise, moralisatrice et surtout dépolitisée. Dans un essai Pourquoi l'écologie perd toujours, l’ex-porte-parole de Greenpeace passe l’écologie au vitriol.

50 ans de petits pas et puis..., pas grand-chose

Pas de point d’interrogation dans le titre, juste une affirmation, un constat accablant mais pas désespéré. Le spécialiste des enjeux environnementaux et chroniqueur du média Frustrations dresse un portrait peu reluisant des ONG stars – WWF et Greenpeace. Nées dans les années 70 concomitamment avec la publication du rapport Meadows sur les limites de la croissance dans un monde fini (comprenez, le contraire d’infini), elles ont donné le la d’une écologie du spectacle. À l’affût des opportunités de marquer le coup, Greenpeace s’est forgée au fil des années une place dans le paysage médiatique. Peut-on vraiment critiquer l’ONG d’avoir imposé l’écologie ? C’est là que le bât blesse. Cette stratégie n’est pas parvenue à faire de l’écologie un sujet prioritaire. Alors que les événements climatiques extrêmes se multiplient partout dans le monde, que 8 Français sur 10 se disent anxieux face à la détérioration du climat, moins de 3 % du temps de parole médiatique y serait consacré si l’on en croit le baromètre climat de l’Affaire du Siècle.

Pour Clément Sénéchal, cet insuccès s’explique par la complicité dont les ONG se sont rendues coupables en oubliant d’intégrer à leurs revendications la lutte des classes. L’écologie institutionnelle s’est vendue à tous comme une sorte de sésame d’immunité morale. Dans la vie de tous les jours, ça se traduit notamment par les sacro-saints écogestes dont tout écolo qui se respecte ne tarde pas à se faire le garant.

Une écologie bourgeoise et moralisatrice

Alors oui c’est bien de manger bio (et de saison, et en circuit court, s’il vous plaît) et sans viande, de se déplacer à vélo (électrique, pour ne pas trop arriver en sueur au travail), de réduire ses déchets, faire du compost et fabriquer ses cosmétiques maison, trier ses mails et penser à bien éteindre vos appareils en veille tout en veillant à ne pas chauffer son logement au-dessus de 19 degrés. On ne va pas jeter l'opprobre sur ces efforts du quotidien. Ils n’en sont pas moins dérisoires et porteurs d’une idéologie occidentalo-centrée. Espère-t-on vraiment changer le monde en tranchant sur le débat : lave-vaisselle ou vaisselle à la main ? Le Bangladesh peut-il s’émouvoir de nos douloureux efforts pour savoir dans quelle poubelle de tri jeter l’opercule du yaourt ?

Par ailleurs, les classes populaires polluent moins que les classes bourgeoises, ce n'est plus une surprise et si vous n’en êtes pas convaincus, lisez donc Comment les riches détruisent la planète d'Hervé Kempf. Dans ce contexte, il est compréhensible que le discours écologique actuel ne suscite pas ou peu d'intérêt (et dans le pire des cas qu’il pousse même vers l'extrême-droitisation) au sein des classes populaires qui se sentent punies et accablées par une nouvelle charge mentale d’écoresponsabilité : « Les écogestes renvoient à une écologie du luxe et de la volupté, cultivée comme un art de vivre raffiné, innocemment teinté de mépris de classe, calibré pour les adeptes du bio et du vélo électrique, prodigues avec les ONG mais qui ne sont pas réellement impactés par les taxes sur la pollution. » 

La taxe carbone n’a effectivement pas manqué de saveur. Promue en premier lieu par Nicolas Hulot, cette taxe calculée pour être la même pour tout le monde, contrairement aux impôts qui sont progressifs en fonction des revenus, a été rapidement perçue comme une injustice pour ceux qui ont besoin de leur voiture pour aller travailler. En est né le mouvement des Gilets jaunes que Clément Sénéchal considère d’ailleurs comme un mouvement d’écologie révolutionnaire. Car c’est de ça qu’il s’agit, faire la révolution, déconstruire le système capitaliste et adopter une écologie non pas accessible à quelques-uns, citadins pour la plupart, mais une écologie pour tous. Vraiment tous.

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commentaires

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  1. Avatar Bill dit :

    Comment faire le contresens absolu. C'est parce que l'écologie actuelle est rouge/verte qu'elle n'emporte pas l'adhésion. Débarrassée du gauchisme elle pourrait devenir une cause universelle.

  2. Avatar camille dit :

    Hum...Idem, pointer le capitalisme permet surtout "de se positionner socialement dans le « camp du bien »". Mais pourquoi Sénéchal tire sur l'ambulance écologie et son patient? Parce qu'il n'a pas encore la théorie adéquate, juste des critiques?

  3. Avatar TZ dit :

    Soit ceux qui commentent ci-dessus n'ont pas lu l'article, soit ils sont restés dans le monde des caricatures médiatiques. Dans les 2 cas, ils feraient bien d'apprendre à réfléchir… "Réfléchir, c'est penser contre soi-même".

  4. Avatar Philippe dit :

    L'Europe est, d'après certains chiffres, seulement responsable de 8 à 10% des émissions de CO2 dans le monde. On peut aussi comprendre que le milliard et demi de chinois et le quasi milliard d'Indiens souhaitent accéder à plus de confort et donc... générer à proportion d'énormes quantités de CO2 qui iront croissantes à mesure que leur niveau de vie (et pas que chez eux)augmente. Pour résoudre le réchauffement climatique c'est donc la quadrature du cercle, une équation qui inclue l'élévation du niveau de vie dans les pays en développement et la surpopulation mondiale car on estime qu'au début du 18ème siècle nous étions 800 millions d'humains sur terre et nous voilà bientôt 7 milliards. Une guerre nucléaire totale pourrait-elle être la plus malheureuse des solutions pour sauver la planète ? That is the question...

  5. Avatar V dit :

    Un peu court mais je crois que l'article touche justement là où ça fait mal... Nous maquillons nos pulsions profondes avec de nobles réflexions, mais au fond il nous importe plus de garder ou progresser dans l'échelle sociale, que de subir volontairement de vrais changements. L'histoire montre que seule la contrainte peut faire baisser notre impact. Nous sommes beaucoup plus faibles et basiques que nous le pensons.

  6. Avatar FB dit :

    franchement insupportable de lire ça encore et encore. Que ceux qui pensent vraiment qu'on va pouvoir renverser le "capitalisme" avant de crever de chaud lèvent la main : personne ? alors valorisons tout ceux qui se bougent. Excellente itw de françois Gemmenes à ce sujet qui conclut par "Dans le moment présent, je crois que la vraie ligne de démarcation se trouve entre ceux qui veulent agir, même imparfaitement, même dans un système capitaliste, et ceux qui préfèrent ne rien faire, dans la confortable attente d'une solution parfaite. https://www.radiofrance.fr/franceinfo/podcasts/zero-emission/recul-de-l-ecologie-en-occident-la-chine-voit-la-transition-comme-la-matrice-de-la-domination-sur-l-economie-mondiale-contrairement-a-l-europe-regrette-francois-gemenne-7783346

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