Le visage d'une jeune de la GenZ avec des traits de feutres prévoyant des modifications esthétiques

La chirurgie esthétique, une banalité chez la GenZ ?

© Ben Lyric

Sur les réseaux sociaux, la chirurgie est montrée comme une procédure esthétique comme une autre. Mais est-ce aussi banal chez les plus jeunes ?  

Ces derniers mois, de nombreuses stars des réseaux sociaux, Kim Kardashian en tête, semblent avoir changé de visage. En cause : elles ont retiré leurs injections d’acide hyaluronique et leur Botox. Pourtant, sur les réseaux sociaux comme TikTok, les « retouches » non invasives et anti-âge n’ont jamais été aussi populaires. Des chirurgiens esthétiques inondent la plateforme de vidéos incitant à passer sous le bistouri, et la demande est forte : de 2019 à 2022, les interventions esthétiques du visage ont augmenté de 18 % aux États-Unis, et le nombre d'injections de Botox a bondi de 73 %. Les opérations semblent plus accessibles, moins chères. Alors, la chirurgie esthétique est-elle devenue un acte aussi banal que d'aller chez le coiffeur ? Pas si sûr.

Recollage des oreilles, rhinoplastie et injections anticernes

Laurène, 30 ans, a longtemps souffert de sa poitrine : « elle tombait, je n’arrivais pas à porter ce que je voulais, rien n’était confortable », se rappelle-t-elle douloureusement. Après des années de troubles du comportement alimentaire, elle décide d’effectuer une mastopexie (opération pour remonter la poitrine) et une réduction mammaire. « Dès que j’ai su que cet affaissement avait un nom, ça a été le déclic. Je savais que c’était bien traité en chirurgie esthétique », explique celle qui estime que cette opération lui a changé la vie. Même constat pour Julie, 30 ans, modèle photo, qui a eu recours à des injections d’acide hyaluronique au niveau des cernes. Avant son opération, la jeune femme avait l’impression d’être fatiguée en permanence. « J’ai une amie qui a fait pas mal d’opérations qui m’a dit : si tu n’aimes pas tes cernes, tu peux faire cette opération, ça coûte 300 euros et c’est fini. Ce qui a fini de me convaincre, c’est qu’on a déjà de l’acide hyaluronique dans le corps, on ne fait que combler des creux ou mettre du volume. Ce n’était pas si invasif », analyse-t-elle en souriant. Après l’opération, Julie s’est sentie allégée de ce complexe.  

Pour d’autres, ce sont les remarques, voire les moqueries, qui les ont décidés à sauter le pas. Gwladys, 21 ans, jeune étudiante en design, est née avec les oreilles décollées. « Je recevais beaucoup de critiques quand j’étais enfant. Je ne comprenais pas pourquoi », se souvient-elle en grimaçant. À l’âge de 9 ans, sa mère l'emmène se faire recoller les oreilles. « Aujourd’hui, je la remercie mille fois », explique-t-elle. Lina, 28 ans, qui travaille dans le domaine des médias, a elle aussi subi des remarques durant sa scolarité, mais sur son nez : « On me demandait si je m’étais pris une porte, on m’appelait Zlatan… » Ayant des soucis de respiration, elle doit se faire opérer pour remettre en place sa cloison nasale. Dans le bureau du chirurgien, elle a un déclic. « Il devait me prendre en photo de profil avec le flash, ce qui est le pire truc pour une personne complexée. Je me suis mise dans tous mes états », se rappelle-t-elle. Elle décide alors de “profiter” de cette chirurgie réparatrice pour modifier l’aspect esthétique de son nez, et de “régler le problème” qui la complexe. 

Influence des réseaux 

Est-ce que les réseaux sociaux ont pu influencer leurs choix ? Le possible effet de mode est tel qu’en juin 2023, une loi a été votée pour interdire la publicité de la chirurgie esthétique en ligne. « Cela a pu m’influencer », reconnaît Laurène, même si elle insiste sur le fait que son opération des seins a été motivée par son besoin de confort. Ce fut même, pour elle, une façon de se sentir à l’aise avec son genre. Gwladys, plus de dix ans après son recollage des oreilles, a envie de se refaire le nez : « je ne l’aime pas, et je vois beaucoup de femmes sur les réseaux sociaux avec un nez parfait, ce qui me donne envie d’avoir le même. » Au-delà des images standardisées en ligne, l’étudiante en design évoque aussi « les critiques, dans la vraie vie ou en ligne, qui influencent beaucoup. » Pour Julie, qui fait un métier d’image, les femmes qu’elle suit en ligne sont passées par la case chirurgie. « Je follow beaucoup d’escortes de luxe, parce que j’adore leur style ! Elles font beaucoup de chirurgie et en parlent entre elles. Quand tu es dans un métier d’image et de séduction, tu peux avoir recours à ces pratiques. » 

Pour autant, la chirurgie est-elle si banale chez les moins de 30 ans ? « Je pense qu’elle est plus normalisée car on parle davantage de notre relation au corps, et que les normes sont plus mouvantes, même si la stigmatisation demeure », analyse Laurène, qui rappelle qu’elle a grandi dans les années 2000, « avec des modèles qui te disent que la chirurgie c’est un truc de bimbo, dans la connotation sexiste du terme. » À l’évocation du terme de chirurgie esthétique, il est aisé de s’imaginer la poitrine gonflée de Lolo Ferrari, ou les traits tirés de Donatella Versace : pendant longtemps, les femmes ayant recours à des opérations trop voyantes étaient perçues comme superficielles, critiquées dans les magazines pour leurs transformations physiques. « Je viens d’une culture franco marocaine, où c’est complètement normal de se faire opérer le nez, il n’y a pas trop de tabous là-dessus », constate Lina. « Je pense qu’en France il y a toujours un tabou, je le vois quand j’en parle. Cela reste un sujet qui n’est pas bien vu, contrairement à d’autres cultures. Peut-être parce que la téléréalité a beaucoup montré une chirurgie esthétique poussée à l’extrême », réfléchit la jeune femme. 

Et les regrets dans tout ça ? 

Si les opérations esthétiques se normalisent, au-delà d’un rapport différent au corps, c’est aussi car la chirurgie de 2025 n’est plus aussi voyante : elle se veut “naturelle”. C’est d’ailleurs ce manque d’authenticité qui a poussé Julie à ne pas retenter l’expérience du Botox, qu’elle a testé deux ans plus tôt. « Ne pas avoir de mouvement, c’est très gênant. Tu as le regard fermé, tu ne peux plus bouger tes sourcils, tu n’as plus d’expressions. Heureusement que ça ne dure qu’un à deux ans », détaille-t-elle en riant. 

Pour Lina, Gwladys, Laurène et Julie, aucun regret postopératoire : principalement parce qu’elles ont eu affaire à des professionnels. Mais ce n’est pas le cas pour toutes celles qui souhaitent modifier leur apparence : en 2023, le Syndicat national de chirurgie plastique avait annoncé avoir fait fermer 30 comptes Instagram faisant la publicité d’injections illégales. Mais, lorsqu’un compte est supprimé, de nouveaux se créent quasi instantanément. Or, sans mesures d’hygiènes strictes, certaines opérations peuvent mener à des nécroses ou des infections. 

Si nos interviewées ne prévoient pas de faire d’autres opérations, Lina confie « comprendre les gens qui en font plusieurs ». « Quand j’ai enlevé le plâtre de mon nez, je me suis dit que j’avais d’autres complexes, et tu peux rapidement projeter d’autres modifications. Mais on parle d’une opération, cela reste dangereux. » Au-delà de l’aspect physique, la chirurgie esthétique comprend un changement psychologique, de perception de soi et de son corps. Mais pas question pour nos interviewées de tout changer : si la chirurgie esthétique semble plus décomplexée, elle est avant tout faite pour mieux apprécier leurs corps, et être en paix avec. 

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commentaires

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  1. Avatar Anonyme dit :

    J'aimerais bien mais ça coûte un porte-avions !

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