Frédéric Pierucci : Une carrière internationale marquée par des défis juridiques

Frédéric Pierucci a pris la parole le 24 juin dernier dans le cadre de la conférence de l'USI. Ancien cadre supérieur d'Alstom, président monde de la division chaudière de l'entreprise, il a vécu en 2013 une expérience relatée dans un livre intitulé Le Piège américain (J'ai lu) qui a obtenu le prix littéraire "Nouveaux droits de l'homme". Rencontre.
L'ADN : Bonjour Frédéric, qui êtes-vous ? Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Frédéric Pierucci : Je suis né dans le Pas-de-Calais. J'ai 55 ans et j'ai passé la majeure partie de ma carrière à l'international. J'ai travaillé pendant plus de 20 ans chez Alstom, où j'étais l'un des cadres dirigeants jusqu'en 2013. Un tiers de ma carrière s'est déroulé aux États-Unis, un tiers en Chine, et un tiers dans divers pays européens. J'ai notamment été à la tête des divisions des centrales électriques mondiales, qu'elles soient au charbon, à vapeur ou nucléaires. En 2013, j'ai vécu cette expérience que je raconte dans Le Piège américain.
L'ADN : Si vous deviez résumer votre raison d'être, que diriez-vous?
Frédéric Pierucci : Ma raison d'être est d'être heureux, comme tout le monde. Pour cela, il faut surmonter les obstacles de la vie le plus facilement possible. Mon bonheur commence avec la famille, mes enfants, et mon épouse. Ensuite, sur un plan plus personnel, depuis ce qui m'est arrivé, je me suis engagé dans une croisade pour sensibiliser sur des questions de droit économique, afin de protéger l'industrie française.
L'ADN : Quelle est votre vision du monde de demain et quelles sont vos raisons d'espérer?
Frédéric Pierucci : Le monde d'après 1945 est en train de s'effondrer. De nouveaux blocs se forment, mais l'Europe est actuellement arrimée aux États-Unis. J'espère que nous pourrons nous en détacher et créer une véritable Europe, capable de se positionner face à ces nouveaux blocs. Malheureusement, nous nous dirigeons vers un monde où le protectionnisme redeviendra la norme, mettant fin à la mondialisation heureuse. J'espère que la France retrouvera une position de non-alignement et jouera un rôle central sur la scène internationale, malgré des relations bilatérales de plus en plus complexes.
L'ADN : Vous avez mentionné votre livre Le Piège américain. Pouvez-vous nous en parler?
Frédéric Pierucci : J'ai écrit ce livre en prison aux États-Unis, où j'ai passé plus de 24 mois. Cela m'a permis d'analyser les lois extraterritoriales américaines qui ciblent de nombreuses entreprises européennes, notamment françaises. Ces entreprises ont payé plus de 15 milliards de dollars d'amendes au Trésor américain sur les dix dernières années. Derrière des valeurs morales comme la lutte contre la corruption, il y a souvent des motifs économiques détournés à des fins économiques par les États-Unis. L'affaire Alstom en est un exemple emblématique. J'ai expliqué comment, à partir d'un cas individuel, on en arrive à la perte de souveraineté énergétique française. Ce livre vise à sensibiliser les jeunes, les cadres, et les politiques. La création de la loi Sapin II en France est un premier pas pour protéger nos entreprises, mais il reste beaucoup à faire.
L'ADN : Pensez-vous avoir été victime d'une injustice ?
Frédéric Pierucci : Ayant plaidé coupable aux États-Unis, je ne peux pas dire que je ne le suis pas, car cela reviendrait à mentir à un juge américain. C'est tout le paradoxe de la situation.
L'ADN : Cette expérience a-t-elle engendré un certain engagement?
Frédéric Pierucci : Oui, j'ai créé une société de conseil en conformité, Ikarian, pour aider les entreprises à se conformer aux lois anticorruption et aux sanctions d'embargo. Il est crucial de mettre en place ces procédures pour limiter les risques de poursuites.
L'ADN : Que dire sur l’avenir ? Une raison d’espérer ?
Frédéric Pierucci : La jeunesse. Vous, les jeunes, êtes notre espoir. Vous vous intéressez à ces sujets cruciaux. J'ai passé beaucoup de temps dans les universités et écoles pour sensibiliser les jeunes avant leur entrée dans le monde du travail. Ils sont moins naïfs que ma génération et veulent défendre leurs valeurs et intérêts. J'ai beaucoup de foi en cette nouvelle génération.
L'ADN : Les trois lectures qui ont marqué votre vie?
Frédéric Pierucci : En voilà une : La Stratégie du choc de Naomi Klein, qui explique comment l'école de Chicago a mis en place des politiques ultralibérales après chaque grande crise du XXe siècle.
L'ADN : Quels sont vos projets pour les prochaines années?
Frédéric Pierucci : J'ai créé une société de stockage d'énergie, visant à faciliter l'intégration des énergies renouvelables sur le réseau. Nous travaillons sur une technologie permettant de stocker et de restituer cette énergie. Mon objectif est de devenir un leader européen dans ce domaine.
L'ADN : Technologie et écologie peuvent donc être compatibles ? Voilà une note positive.
Frédéric Pierucci : Exactement.
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