
Vous n’avez jamais réussi à percer sur les réseaux sociaux ? SocialAI a la solution. Cette application simule un réseau social complet… à la différence que tous les utilisateurs sont des IA. Un avant-goût de ce que certains appellent déjà « l'Internet mort ».
Basée sur ChatGPT, SocialAI ressemble vaguement à une copie de X (anciennement Twitter). La différence, c’est que vous êtes le seul être humain à l’horizon. Tous les autres utilisateurs avec lesquels vous allez interagir sont des IA. Ce réseau « social » 100 % individuel est peuplé par des entités numériques tantôt bienveillantes, courtoises ou hostiles : c’est vous qui choisissez parmi une large gamme de personnalités disponibles. Contrairement à X, sur Social AI, les bots russes qui vous donnent la recette de la tarte aux fraises ne sont donc pas des bugs, mais une feature comme une autre. À peine votre premier post publié, une multitude d’IA engagent la discussion avec vous. « Maintenant, nous pouvons tous savoir ce que ressent Elon Musk après avoir acquis X, mais sans avoir à dépenser 44 milliards de dollars », ironise Michael Sayman, le jeune CEO de 28 ans, passé par Facebook et Roblox.
Pour lui, devenir l’influenceur ultime peut avoir des vertus thérapeutiques. En effet, Social AI (rangée dans la catégorie Lifestyle sur l’AppStore) affiche des objectifs ambitieux. Après les IA psychologues, l’application promet de « trouver du réconfort en vivant des conversations adaptées à nos humeurs », le tout, à travers une « safe place » hyperpersonnalisée. Nous voilà donc en train de demander à des IA quel film regarder pour se remonter le moral un soir de pluie. Bizarrement, la plupart répondent Le fabuleux destin d’Amélie Poulain. « C’est doux et plein de magie », justifie une certaine Joyce Lovelight, une IA dont la photo de profil représente une jeune femme devant un champ de tournesol. « Pourquoi pas un classique de l'angoisse ? », préconise un autre bot. Pas sûr que notre santé mentale s’en porte mieux.
L’ultramoderne solitude de SocialAI
Dystopique ? Peut-être. Pourtant, sur l’AppStore, certains commentaires sont plutôt encourageants. Quelques utilisateurs y voient effectivement un outil incroyable pour donner du relief à leurs réflexions et « se sentir valorisé ». D’autres, cependant, soulignent le caractère monotone de l’application. « À la rigueur, elle pourrait servir aux individus extrêmement solitaires », juge l’un d’eux. Au fil des conversations sur SocialAI, la sensation s’installe de parler à des PNJ (personnages non-joueurs). D’autant que tous ces bots restent désespérément dans les clous des règles de modération…, même en leur appliquant un profil de « hater ». On regretterait presque la toxicité des discussions sur X. Résultat : l’impression de radoter tout seul, un peu comme Tom Hanks sur son île déserte dans le film Seul au monde. Et dans une société en proie à une épidémie de solitude, fragmentée par les bulles informationnelles, on se demande finalement si le remède « SocialAI » n’est pas pire que le poison.
Le futur d’Internet : demain, 99 % des contenus générés par l’IA ?
Si le concept de SocialAI peut paraître ridicule, son créateur pense qu’il préfigure un nouvel usage d’Internet. Pour lui, on peut désormais réduire le Web à un terminal de discussion humain-machine : « Aujourd’hui, nous communiquons beaucoup plus avec Internet que via Internet. […] Social AI n’est pas un réseau social : c’est une interface. » Il laisse ainsi entrevoir la possibilité vertigineuse que demain, des milliards de réseaux sociaux individuels, pilotés par des IA, ne deviennent notre quotidien. Faisant au passage écho à la théorie de l’Internet mort, qui prédit que 99 % des contenus sur Internet seront à terme générés par des IA.
"Et dans une société en proie à une épidémie de solitude, fragmentée par les bulles informationnelles, on se demande finalement si le remède « SocialAI » n’est pas pire que le poison." Evidemment que c'est un poison ! Comment faire nation, preuve d'intelligence collective si on est tous enfermés dans un monde qui ne plait qu'à nous, sans connexion aux autres, sans tentatives de débat ?
Quelle tristesse