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Des IA sur Instagram pour aider les influenceurs à répondre à leurs fans... une bonne idée ?

© Instagram

Meta veut mettre de l'IA partout. Mais est-ce que des avatars IA pour gérer les comptes de vrais influenceurs vont convaincre ?

Le lancement par Meta de la version bêta d’AI Creator a suscité des critiques. Cet outil, permettant aux créateurs de contenu de déléguer à une IA la tâche de répondre aux messages de leurs abonnés, fait craindre à certains une perte d'authenticité des échanges. Une inquiétude sans fondement pour le chercheur Alexandre Coutant, qui situe plutôt le problème dans l'inutilité d'une telle innovation.

Le 29 juillet, la maison mère d'Instagram, de Facebook et de Whatsapp, Meta a inauguré AI Studio, qui invite les créateurs de contenu à concevoir leur personnage IA afin qu'il réponde aux DM (direct messages) de leurs abonnés de manière personnalisée, sur la base de leur contenu existant. À l'état de test aux États-Unis, cette fonctionnalité a vocation à être généralisée à l'ensemble des créateurs de contenu de Meta, aux petites entreprises, voire à l'ensemble des usagers selon le CEO de Meta Mark Zuckerberg, détaillant son projet dans une interview. Dans un discours marketing très convenu, il présente AI Creator comme un moyen pour ces comptes professionnels d'offrir différentes "expériences" à leurs abonnés via les IA personnalisées et de maximiser le taux de réponse à leur communauté.

Les réseaux sont-ils encore sociaux ?

Si certains usagers technophiles expriment sur X ou Instagram leur impatience à l'idée d'expérimenter l'outil, d'autres versent dans un discours alarmiste. « Pouvez-vous arrêter de changer quelque chose qui était mieux avant ? Les réseaux sociaux sont, croyez-le ou non, SOCIAUX, et les gens y recherchent une connexion humaine, même s'ils se trouvent dans un espace numérique », peut-on par exemple lire en commentaire d'une vidéo d'un des cinquante créateurs choisis par Meta pour être bêta-testeur d'AI Creator. Pour ces usagers critiques, l'outil va à l'encontre de la fonction première des réseaux sociaux, qui est de connecter les individus, et de la promesse initiale d'une plus grande horizontalité (avec la possibilité de contacter des célébrités au capital social plus élevé).

Des relations inchangées

Pour Alexandre Coutant, professeur en sciences de l’information et de la communication à l’Uqam (Université du Québec à Montréal), cette critique traduit une vision utopique des réseaux sociaux. « Cela fait déjà longtemps que les comptes professionnalisés recourent à une équipe de communication, à des bots, voire à des "tâcherons" comme les appelle le chercheur Antonio Casilli, des travailleurs sous-payés qui se font parfois passer pour des IA. Avec les avatars IA, on automatise juste des pratiques existantes avec un outil plus performant. Cela n'impactera pas la relation entre les créateurs de contenu et leurs abonnés, car ce ne sont pas nécessairement eux qui leur répondent. Les fans d'une Kim Kardashian savent déjà qu'ils n'entretiennent pas une relation interpersonnelle avec elle. »

Le chercheur remarque d'ailleurs que, de manière contre-intuitive, le recours à des agents IA entraînera une plus grande transparence sur l'origine de l'émetteur d'un message, car l'IA sera signalée par Meta.

Une Silicon Valley déconnectée des usages

Si AI Creator ne risque pas de détériorer les relations en ligne, son usage est-il pour autant souhaitable, voulu, utile ? Difficile en effet de concevoir l'intérêt des usagers à interagir avec une pâle copie de leur idole. Selon Alexandre Coutant, la question gagnerait à être systématiquement posée : « Il y a une hype énorme autour de tout nouveau produit qui amène à ne jamais questionner l'utilité d'une innovation et l'existence d'un cas pratique. Des créateurs de contenu ou des petites entreprises ont-ils réellement besoin d'industrialiser les réponses à leurs DM ? N'y a-t-il pas des outils qui répondent déjà à ces besoins ? [spoiler oui, les FAQ (Foires Aux Questions), les réponses automatisées etc.] Dans un cadre commercial, est-il nécessaire de personnaliser les réponses à des questions comme "quels sont vos horaires d'ouverture" ? »

Pour l'universitaire, le problème est inhérent à la culture de la Silicon Valley, où la majorité des innovations produites sont inadaptées aux usages et se soldent par des échecs : « La Silicon Valley entretient l'idée que si tu n'as pas échoué, tu ne feras jamais un bon produit. Gaspiller de l'argent et du temps pour donner à des gens des produits inaboutis, et ensuite les améliorer, c'est très discutable éthiquement. On applique toujours la même stratégie : sortir rapidement quantité d'innovations, à grand renfort de marketing, sans chercher à les inscrire dans des usages à long terme. À mon avis, AI Creator, dans 5 ans, on n'en parle plus. » Un des cinquante créateurs de contenu collaborant avec Meta, qui souhaite conserver l'anonymat, raconte le retour de ses abonnés : "Honnêtement, ils sont plutôt mitigés. L'IA n'intervient pas toujours au bon moment, mais elle est extrêmement utile quand elle le fait correctement. Je ne suis pas encore prêt à la laisser fonctionner librement sans supervision." Et de conclure, encore prudent : "Je pense qu'avec le temps, elle deviendra meilleure pour s'adpter au contexte. (...) À mesure que je l'utilise, c'est d'ailleurs une fonctionnalité qui se développe ".

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