
Sous l’impulsion de la loi PACTE de 2019, le monde de l’entreprise a dû interroger son modèle et accélérer sa transition environnementale et sociale. Pour répondre aux besoins qui en découlent, celui de la formation s’adapte aussi. Comment ? Quelques éléments de réponse avec Nathalie Patrat, directrice exécutive d’ESG Act, école de management spécialisée en développement durable.
Comment est née ESG Act ?
Nathalie Patrat : L’école est née de la volonté de contribuer à la transition écologique via la formation. Les étudiants « déserteurs » (d’AgroParisTech, HEC ou les Mines) l’ont déclaré récemment lors de leur discours de fin d’études : « nous n’irons pas travailler dans vos entreprises parce qu’elles ne sont pas belles ». Je suis convaincue qu’un jour, les étudiants diront la même chose des écoles. Les formations sont façonnées et adaptées aux modèles de société majoritaires. Depuis quelques années, nombreux sont les étudiants et aussi, les travailleurs à interroger ce système dans une aspiration à donner du sens à leur activité. Partant de ce constat, on a besoin d’écoles qui donnent envie, qui permettent aux plus jeunes (bacheliers, ndlr) et moins jeunes (employés en reconversion, ndlr) de se projeter dans des métiers à impact.
On met souvent dos à dos les écoles et l’université, mais les connaissances qui y sont dispensées sont fondamentales. Nous proposons des formations qui allient des savoirs théoriques – les humanités - et des compétences techniques autour du développement durable, de la RSE, mais aussi en accord avec la réglementation récente. Effectivement, depuis peu, les entreprises se plient à l’exercice du reporting extra-financier en préparation de la CSRD. Pour rappel, cette directive européenne rassemble un ensemble de mesures visant à améliorer les flux financiers en faveur des activités durables dans l'Union européenne. En somme, nous mettons tout en œuvre pour que nos étudiants arrivent – ou retournent - sur le marché du travail, avec des pratiques vertueuses dans leur domaine, que ce soit le marketing, la communication, les achats ou la gestion de projet.
Vos étudiants aspirent à donner du sens à leur profession. Qu’en est-il des entreprises même ?
Réglementation et/ou culture d’engagement obligent, de plus en plus d’entreprises cherchent à recruter des profils formés aux compétences liées à la RSE. Elles ont des difficultés à les trouver. Preuve en est, quelques-uns de nos étudiants ont été recrutés avant même l’obtention de leur diplôme.
Les directions RSE se structurent. Longtemps, le sujet de la transition environnementale et sociale est resté cantonné aux départements RH qui déployaient une politique des petits gestes, d’actions de sensibilisation par-ci par-là. Le retrait de touillettes à la machine à café, des ateliers de temps en temps, des messages appelant à ne pas imprimer les mails, puis les premiers bilans carbone.
Mais comme je le mentionnais plus tôt, la réglementation accélère le mouvement. Les entreprises sont tenues à établir des reportings extra-financiers, qui comprennent des indicateurs de dépenses carbone, mais aussi de protection de la biodiversité, de respect des droits humains. Les postes associés à la RSE prennent une dimension plus technique et commencent même à être rattachés à la direction financière. C’est bon signe. La partie sera tout à fait gagnée le jour où un responsable RSE accèdera à la direction générale.
Comment imaginez-vous évoluer les métiers dans les prochaines années ?
Je les vois évoluer vers une prise en compte croissante de la biodiversité et aussi, d’une approche circulaire et régénérative. Je connais notamment des profils qui occupent des fonctions de chargé de mission à la biodiversité. Prenons l’exemple d’une entreprise qui exploite des carrières. Le rôle du chargé de mission sera de s’assurer que la biodiversité est respectée. Des chantiers ont ainsi été stoppés en période de nidification d’une espèce d’oiseaux rares.
L’économie de la fonctionnalité gagne aussi du terrain. Et si on occupait autrement les espaces publics et privés qui sont vacants ponctuellement ? Par exemple, les écoles qui sont inoccupées le mercredi, le week-end et plusieurs mois dans l’année. Peut-être qu’on n’a pas besoin de construire un terrain de basket si on peut ouvrir celui de l’école du coin. Ou bien peut-être que les sans-abris pourraient dormir au chaud dans les bureaux vides, le soir. Les métiers qui déploieront ces idées sont encore à inventer.
Dans la famille des idées à premier abord farfelues, mais nécessaires... En septembre 2022, l’entreprise de cosmétiques Faith in Nature a nommé un représentant de la nature dans son conseil d’administration. Qu’en pensez-vous ?
Ça relève de la prospective, oui. Peu d’entreprises laissent une place au vivant au sein de leur conseil d’administration. A ESG Act, nous avons programmé des modules d’enseignement de droit à la nature. Si le droit à l’environnement punit ceux qui détruisent, le droit de la nature protège les éléments et écosystèmes naturels attaqués. On inverse le récit. Demain, une rivière pourra porter plainte contre une entreprise. C’est encore balbutiant, mais ça se développe. En Espagne, le Parlement a voté en faveur d’une personnalité juridique accordée à la Mar Menor, une lagune.
Restons dans le futur… Si on devait se projeter, où en serait la RSE à l’école et en entreprise ?
A l’école, on aura réussi si on n’a plus besoin de notre école, parce que le monde de l’enseignement a embrassé les principes de la RSE dans tous leurs cours. Quant à l’entreprise, on l’a déjà évoqué, le jour où les directions RSE n’existeront plus, on aura gagné la partie. Le digital est à cet égard un bon exemple. La révolution numérique a d’abord été cantonnée aux directions digital, communication ou marketing. Désormais, le numérique infuse tous les départements. J’espère que demain, on manipulera sans effort les critères environnementaux et sociaux dans tout ce qu’on entreprend.
C’est aussi en recrutant des nouveaux profils conscients de ces enjeux ou en s’y formant qu’on fait bouger les lignes de son entreprise. Pour en savoir plus sur ESG Act, l’école de management spécialisée dans le développement durable, c’est par ici.
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