un homme en tenue d'alpiniste regarde la caméra

La diffusion du documentaire d’Inoxtag dans les salles préfigure-t-elle le renouveau du cinéma ?

© Inoxtag via YouTube

Outre les millions de vues réalisées sur YouTube, la vidéo Kaizen de l’influenceur a rempli les salles de cinéma un peu partout en France.

Jamais une vidéo YouTube n’avait autant fait parler d’elle en France. Après six mois d’absence et d’insupportable attente pour ses fans, le vidéaste Inoxtag est revenu sur le devant de la scène avec la sortie de Kaizen, un documentaire/vlog retraçant son ascension de l’Everest. Pour donner encore plus d’ampleur au visionnage, mais aussi permettre aux internautes de communier autour de l’évènement médiatique, le film a été diffusé dans plus de 500 salles de cinéma un peu partout en France. Ce qui aurait pu être perçu comme un pari risqué et contre-productif – après tout, il est possible de voir le film gratuitement et tranquillement chez soi – s’est transformé en succès avec près de 305 000 entrées en France et près de 45 000 à l’étranger. À titre de comparaison, le dernier grand succès français, Un p’tit truc en plus, avait fait 275 000 entrées lors de sa première journée d'exploitation en mai dernier.

Communier autour des youtubeurs

Pour Elisha Karmitz, directeur général de MK2, cette nouvelle manière de consommer du cinéma est une évidence, les années Covid ayant rebattu les cartes. « Les jeunes aiment toujours le cinéma, mais ils y vont de manière moins fréquente, explique-t-il. En 2016, on était sur une moyenne de 6,6 séances par an. Après le Covid, ce chiffre est descendu à 4,4 fois par an, d'après la dernière étude du CNC. » Le prix constitue un frein, mais il faut aussi prendre en compte l’offre pléthorique de contenus qui répond, à domicile, aux envies et aux besoins de n’importe quelle niche culturelle. Pour contrer cette concurrence, le cinéma doit donc revenir à son essence, à savoir faire vivre des émotions de manière collective. « La clé de voûte, c'est qu'il y a toute une génération dont la culture et l’envie sont de communier autour d’un évènement, quel qu’il soit, poursuit Elisha Karmitz. Quand un nouveau contenu sort, que ce soit un film, un jeu vidéo ou même un évènement musical, cela devient un grand rassemblement. Le dernier exemple en date, c’est la diffusion du concert de Taylor Swift aux États-Unis. Ce dernier est arrivé en tête du box-office américain, un classement rarissime pour un programme qui n’est pas un film classique. »

Du petit au grand écran

Cette nouvelle manière de consommer le cinéma a été actée en 2013 avec la création par MK2 du label YouTube Cinéma Club. Ce dernier revendique la diffusion de plusieurs vidéos comme le documentaire Seb au Kirghizstan du youtubeur Seb la Frite, ou le défi 1995 enquête de police de Michou. Kaizen d’Inoxtag s’inscrit dans cette tendance qui consiste à exploiter la notoriété et la relation parasociale entre une célébrité et son jeune public. Mais les plus de 35 ans se souviendront peut-être que cette stratégie avait déjà été rodée il y a tout juste 20 ans avec la sortie en 2004 des Onze Commandements. Ce film mettait en scène Michaël Youn, alors star du Morning Live de M6, l'ancêtre des youtubeurs, dans une succession de sketchs et de défis très fortement inspirés de l’émission Jackass. La grosse différence se situe peut-être plus dans les mentalités. Alors qu’il s’agissait d’offrir à la jeunesse de la déconnade et du second degré décomplexé, les youtubeurs prennent d’assaut les cinémas avec des messages plus sérieux, autour de la motivation et du dépassement de soi.

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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