
La communication et le marketing responsables sont-ils compatibles avec des visées business ? C’est ce qu’on a demandé à Hélène Binet, directrice communication de Makesense et Lionel Cheylus, responsable presse de la Fondation Surfrider Europe.
En quelques années, la loi Pacte - qui enjoint les entreprises à porter elles aussi les enjeux environnementaux et sociaux - a fait des émules et a intronisé des champions de la RSE dans nos entreprises : responsables développement durable, de l’engagement ou même Chief Impact Officer…
Mais à lire les organigrammes, on pourrait penser que la RSE s’arrête aux portes de l’open space des départements du marketing et de la communication. Ce n’est pas l’avis de nos deux intervenants. Hélène Binet dirige la communication de Makesense, une association qui met l’intelligence collective au service de l’intérêt général. Lionel Cheylus est responsable des relations média de la Fondation Surfrider Europe, une ONG de protection de l’Océan. Tous deux défendent comme l’ESG Act, l’école de management et développement durable, la vision d’une communication et d’un marketing responsables.
Quelle est votre définition de la communication et du marketing responsable ?
Lionel Cheylus, Surfrider : Ils tiennent compte du présent et de l’avenir du vivant et dépassent la question de la communication ou du marketing. C’est toute la stratégie de produits et de services qui doit répondre aux grands enjeux de notre temps. De plus, la communication et le marketing responsables doivent avoir à cœur de considérer les moyens de diffusion et de sensibilisation aux sujets sur lesquels l’entreprise s’engage. Ils participent à un changement de récit du monde tel qu’on l’a connu et vantent la transition d’une société consommatrice à l’excès vers un modèle plus sobre et respectueux de l’environnement humain et non-humain.
Hélène Binet, Makesense : Ma définition de la communication est le fruit de mon parcours professionnel (dans une autre vie, Hélène Binet a été journaliste, spécialisée dans les questions de développement durable et de consommation responsable, ndlr). La communication doit participer à la prise de conscience des enjeux écologiques et sociaux. Elle œuvre à une cause. Autrement dit, elle ne pousse pas à une consommation délétère pour la société et la planète. C’est une communication informationnelle qui éclaire et encourage au changement.
La communication responsable concerne aussi les supports de diffusion. Dans une interview donnée à l’ADEME, la spécialiste de la communication responsable, Ferréole Lespinasse évoque le cas du département de l’Ain qui a entrepris de nettoyer son site et de supprimer les contenus obsolètes. En tout, ce sont 60% des actualités qui ont été effacées. Qu’en pensez-vous ?
H.B, Makesense : Nous avons une approche frugale. Par exemple, chaque support papier doit avoir un double usage. Par exemple, une carte de vœux sera aussi un marque-page. Ou bien nos affiches qui sensibilisent à une cause peuvent servir à décorer chez soi.
On est aussi très attentifs au poids carbone de notre communication digitale. C’est indiqué sur nos sites, on évite l’ajout de vidéos en home et on incite les gens à supprimer nos newsletters pour les retrouver sur nos sites. On réduit également toute relance via newsletter. Ça nous embête, mais on est très conscients de l’impact du numérique. Nos abonnés sauront toujours où nous trouver !
Outre la question de la diffusion, comment se concrétise la communication responsable - avec vos partenaires, entreprises comme écoles, telles que l’ESG Act ?
H.B, Makesense : On a à cœur de raconter d’autres histoires, des récits positifs qui inspirent. Ils existent. Il faut sortir des dystopies, de peur de tomber dans la prophétie auto-réalisatrice. Je crois vraiment au pouvoir du récit pour susciter le changement et l’action. La communication est face à deux chemins. Soit elle sert à valoriser l’existant, d’un coup de peinture et avec de jolis mots. Ou bien elle prend les devants et devient politique.
Avec l’ESG Act (école spécialisée dans les métiers de l’impact), on pousse le curseur plus loin en proposant aux étudiants de les accompagner dans leur trajectoire d’engagement. (Makesense permet aux étudiants de monter un parcours complet de bénévolat, ndlr).
L.C, Surfrider : J'enseigne aux étudiants en Bachelor 3 les relations médias. L'objectif est qu'ils deviennent des attachés de presse pas comme les autres. En tant que responsables de presse ou de communication, nous avons un impact, une influence - même si elle est difficilement mesurable. La communication a pour vocation de provoquer un changement de comportement. Elle n'est jamais gratuite. Autant qu’elle contribue à rendre notre avenir et notre monde plus juste, non ?
Chez Makesense, vous avez embrassé très tôt la sensibilisation par l’action. Croyez-vous en une forme de thérapie par le faire ?
H.B, Makesense : Oui, c’est vrai. L’action a plein de vertus : elle sort de l’éco-anxiété et permet d’affronter des réalités par le mouvement. Ces 50 dernières années nous ont déconnecté de nos actes. On ne sait plus bien pourquoi on consomme. Nos activités ont été saucissonnées. L’action est une forme d’empouvoirement. C’est au cœur de l’histoire de Makesense qui a démarré avec ce qu’on appelait des « hold-ups » qui mettaient en relation des porteurs de projets positifs avec d’autres citoyens pour s’entraider. Et ça marche : généralement, les projets se développent en peu de temps grâce à cette force et intelligence collectives.
Chez Surfrider, cette thérapie par le faire est plus franchement militante et éducative…
L.C, Surfrider : C’est une approche qui nous parle chez Surfrider. Par exemple, on invite notre communauté à participer à des collectes de déchets à des fins de science participative. Ensemble, on collecte, trie, compte les déchets. Ces données alimentent une base dans laquelle nous puisons pour interpeller les pouvoirs publics. Ces actions influent sur l’adoption des lois (par exemple la loi AGEC, ndlr). Elles contribuent également à une prise de conscience collective et plus quotidienne.
Nous avons à ce titre travaillé avec Zero Waste France à une campagne dans les supermarchés. On a remis en rayon des pots en verre vides, invitant à les consigner. L’idée était d’interpeller les clients des supermarchés sur la question de la consigne et du réemploi des emballages. C’est sur le terrain que la bataille se passe. Si aujourd’hui, tout le monde arrêtait de consommer les biscuits de Monsieur B parce qu’ils sont suremballés de carton et de plastique, Monsieur B s’interrogerait sur les raisons et s’adapterait en fonction. Le citoyen possède un réel contre-pouvoir, celui de sa carte bancaire.
On l’a compris. Il est possible de combler sa quête de sens et son désir d’engagement par de l’action concrète en entreprise. L’une des pistes passe par une pratique responsable de la communication et du marketing. Vous ne savez pas par où commencer ? L’ESG Act, école de management et développement durable, forme à ces enjeux et vous aide à insuffler le changement de l’intérieur. Plus d’infos ici.
merci pour ces réflexions ; la 1ère fois que j'ai soutenu publiquement cette idée, dans une réunion, c'était il y a une trentaine d'années, j'étais en thèse (sans rapport). Une intervention émettait l'idée que nous étions contraints dans nos choix d'achats par les propositions des supermarchés. Mais j'ai toujours suivi l'adage de Coluche "dire qu'il suffirait que vous n'en achetiez plus, pour que ça ne se vende pas".
Dans la notion de pouvoir d'achat, les gens oublient tout le temps qu'il a 2 faces : 1) le plus connu, le potentiel d'achat : plus vous avez d'argent, plus il est haut ; 2) le pouvoir de choix : dans nos démocraties, vous pouvez employer votre argent comme bon vous semble, quoique cherchent à faire les influenceurs de tout poil. Et, paradoxalement, ce pouvoir discriminatoire augmente avec la carence : moins vous avez d'argent, plus vous devez choisir