une armée de robots menaçants

D'où viennent les bots qui tentent d'influencer les élections ?

On le sait bien qu’il faut se méfier des fake news. Mais Florent Lefebvre regarde surtout d’où elles viennent et qui les partage. Et cela en dit beaucoup sur la fabrique de l’info. 

« Après vérification, il y a bien une armée de bots faisant de l'astroturfing à propos des élections législatives de 2024 », affirmait sur X Florent Lefebvre. Pour arriver à ce constat, il a analysé 1,5 million de tweets comportant le terme « législatives ». Florent Lefebvre (a.k.a. Flef) est data analyst. Sa spécialité : l’influence politique. Il observe la manière dont les informations circulent, quelles sont les communautés qui assurent leur visibilité, comment les plateformes réagissent... ou pas. Il connaît bien l’astroturfing, cette technique qui simule à l’aide de bots des interactions humaines, de faux comptes ou de RT, de faux mouvements d’intérêt autour d’un sujet. 

Sur votre cartographie en lien avec les législatives, on voit nettement se détacher une nuée de comptes en jaune qui ont essayé d’influencer l’opinion publique en ligne. D’où viennent-ils ? 

Florent Lefebvre : Ce sont de purs bots de réseaux russes qu’on a déjà identifiés par le passé. Leur mission consiste à créer de faux sites médiatiques puis de relayer des articles bidons grâce à des bots. Suivant l’annonce de la dissolution, on a vu plus de 10 000 comptes créés dans les deux jours. Les bots russes attaquent assez peu les communautés d’extrême droite. Ils ne vont pas tenter de convaincre des gens de gauche en déroulant des argumentations d’extrême droite, cela n’aurait aucune chance de fonctionner. Ils vont plutôt diffuser de faux articles émanant soi-disant de sources solides comme Le Monde. Leur objectif est de semer la zizanie à partir de fausses nouvelles.

Ces articles ne se font pas supprimer ?

F. L. : Ils sont rapidement repérés par les systèmes antibot, puis supprimés. Mais c’est trop tard. Le but de matraquer un sujet pendant trois jours est déjà atteint. Quant au contenu partagé, il restera disponible et vu. Si on parle spécifiquement des Russes, ils ne sont pas les meilleurs. Ils ne s’embêtent même pas à faire des réseaux qui auraient l’air authentiques. 

Concernant la campagne visant à dénoncer l’antisémitisme de LFI, vous démontrez qu’il ne s’agissait pas des Russes.

F. L. : En effet, on reconnaît des réseaux qui fonctionnent à l'année, ce qui est le signe qu’ils émanent de groupes militants. Ils constituent l’autre versant de l’astroturfing politique. Tous les partis sont sur les réseaux sociaux – RN, LFI, Reconquête, un peu EELV –, et ils sont soutenus par des communautés très actives, potentiellement organisées. On sait qu’à une époque, le RN avait des canaux privés pour les militants les plus acharnés, et quand les cadres du parti demandaient de relayer une information, les gens étaient prêts. Pour qu’un contenu soit mis en avant et explose, soit ils le font à partir de leur propre compte, soit en utilisant des outils. Certains partis ont la capacité de décider sur une semaine quel hashtag sera populaire pendant au moins une journée. On peut trouver des bots parmi ces gens. 

Vous identifiez donc plusieurs types de comptes exploités dans la mécanique de l’astroturfing ?

F. L. : Il y a ces comptes jetables, mais il y a aussi de vrais comptes qui ont été piratés et qui sont particulièrement crédibles. Cela peut être un Texan qui met la pression sur Trump ou un Français de gauche qui dit être déçu de la gauche, etc. Et leur score de crédibilité reste le même, car leurs followers historiques restent. 

Au cours de vos différentes recherches, avez-vous vu d’autres évolutions en matière d’influence en ligne ?

F. L. : On voit des communautés de plus en plus organisées et structurées, ne serait-ce qu’autour du RN. Le mot-clé Bardella, par exemple, est un vrai sujet sur TikTok, et un facteur d’unification. Un utilisateur lambda qui met un facteur positif sur une vidéo ayant le mot-clé Bardella restera bloqué dans la sphère RN, alors que ce n’est pas le cas du NFP ou d’autres. Le RN a créé une sphère de comptes algorithmiquement très reliés parce qu’ils utilisent les mêmes thèmes, les mêmes mots-clés, qui participent aux mêmes lives, etc. 

Il faut donc savoir aussi influencer son algorithme, le « gaslighter », en un sens ?

F. L. : Il faut une vraie organisation pour que l’algorithme détecte qu’une communauté existe, qu’elle est présente. À partir de là, quiconque entrera dans cette communauté se verra suggérer d’autres de ses contenus plutôt qu’à nouveau un contenu généraliste.

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commentaires

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  1. Avatar Ppat dit :

    La responsabilité des ETats est-elle impliquée dans la diffusion de ces info-manipulatrices ?
    Quelle que soit la réponse, la Démocratie est en danger.
    On est en droit de demander aux Etats et à la CE de la propéger en luttant réellement et efficacement contre ce danger. Leur passivité les rend complices (peut-être y trouve-t-il leur compte ?)

  2. Avatar Louna Billault dit :

    Skynet va prendre le pouvoir ! Ce sera la fin du monde, les bombes nucléaires seront déclenchées, Terminator va bientôt devenir réalité !!!

  3. Avatar phoenix dit :

    nous sommes quelquepart entre l'episode 2 (last judgement) et le 3 (rise of machin)

  4. Avatar Anonyme dit :

    C'est ça le progrès, les robots font tout pour ce rendre indispensable, l'humain c'était avant !

  5. Avatar Rayden dit :

    Ils ont tous raisons

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