En Chine, les Z font des économies drastiques

Leur plus gros flex : réussir à limiter les dépenses alimentaires quotidiennes à 1,27 euro.

Les Américains parlent de « revenge spending » , les Chinois de baofuxing xiaofei, les Français de « vengeance par l’achat ». Dans tous les cas, il s'agit de flamber sa thune pour conjurer un sentiment diffus de fin du monde et compenser diverses frustrations : pandémie et confinement (oui, encore), incapacité à acquérir un domicile, confirmation que la saison 3 de Mind Hunter ne verra jamais le jour. En Chine toutefois, le phénomène est chez certains sur le point de s'inverser.

Revenge saving : la revanche par les économies

Plutôt que de se laisser aller aux achats impulsifs, de plus en plus de jeunes Chinois épargnent férocement, rapporte CNBC. Alors que la deuxième économie mondiale demeure plongée dans le marasme, la propension au revenge saving s'impose sur les réseaux, incitant les Z à se fixer des objectifs d'épargne mensuels extrêmes. Il s'agit donc de moins consommer, tout en en étant à l'affût de toutes les astuces permettant de mettre de l'argent de côté. En ligne, « Little Zhai Zhai », jeune femme de 26 ans, déroule son programme : plafonner ses dépenses mensuelles à seulement 300 yuans chinois (38,10 euros) par mois. Son plus beau titre de gloire : avoir réussi à réduire ses dépenses quotidiennes alimentaires à seulement 10 yuans (1,27 euro). D’autres encore dénichent des « partenaires d’épargne » sur les réseaux sociaux. Ensembles, ils forment un cercle d'épargne censé garantir que chaque membre respecte ses objectifs. Parmi les mesures d'économiques préconisées : les déjeuners des cantines communautaires, généralement destinées aux personnes âgées, où des repas frais sont vendus à des prix relativement bon marché.

« La jeunesse chinoise a une mentalité de revenge saving », a déclaré Shaun Rein, directeur général du China Market Research Group. « Contrairement aux jeunes des années 2010 qui dépensaient souvent plus que ce qu'ils gagnaient et empruntaient de l'argent pour acheter des articles de luxe comme les sacs à main Gucci et l'iPhone d'Apple, les jeunes Chinois ont commencé à épargner davantage », a-t-il déclaré à CNBC. Un phénomène qui contraste avec une inclination plus répandue au sein de la génération Z : financer ses dépenses par l’endettement. Selon un rapport Intuit de 2023, 73 % des membres de la génération Z aux États-Unis ont déclaré qu'ils préféreraient avoir une meilleure qualité de vie plutôt que de l'argent en banque.

« Ils n’ont d’autre choix que de dépenser moins d’argent »

Pourquoi alors cette tendance à rebours ? « Les jeunes ressentent probablement la même chose que tout le monde : l’économie ne se porte tout simplement pas très bien », a déclaré Christopher Beddor, directeur adjoint de la recherche sur la Chine chez Gavekal Dragonomics. Même si le PIB chinois du premier trimestre a excédé les attentes, avec une croissance de 5,3 % sur un an, les prévisions pointent toujours vers un ralentissement continu, avec une croissance qui devrait, selon le Fonds Monétaire International, se fixer à 4,5 % en 2025. À cela s'ajoute un marché du travail tendu, particulièrement néfaste pour les jeunes. En mai dernier, le taux de chômage des jeunes âgés de 16 à 24 ans s'est élevé à 14,2 %, bien au-dessus de la moyenne nationale de 5 %. « Le revenge saving est un véritable phénomène ici », a déclaré Jia Miao, professeur adjoint à NYU Shanghai. « Pour certains jeunes, c’est simplement parce qu’ils ne trouvent pas d’emploi ou qu’ils considèrent qu’il est plus difficile d’augmenter leurs revenus. Ils n’ont d’autre choix que de dépenser moins d’argent. »