
Sur le réseau social TikTok, les internautes doivent trancher : sont-ils des souris ou des grenouilles.
Près de 8 milliards d’habitants sur Terre et tous pourraient être répartis en seulement deux catégories : les souris et les grenouilles. Zendaya, grenouille. Timothée Chalamet, souris. Sur TikTok, les célébrités sont passées au crible et triées entre les rongeurs et les amphibiens. Femme comme homme. Jeune comme vieux. « On peut classer n’importe qui grâce à ces deux catégories », explique Nathan Fortiche sur son compte TikTok, suivi par 52 600 personnes.
Le principe est plutôt simple : les personnes avec des traits fins et anguleux sont des souris, ceux avec des traits plus forts et ronds sont des grenouilles. Parfois, les choix créent des débats. François Hollande par exemple, sème la discorde. Tantôt souris, tantôt grenouille. L’interrogation ne concerne pas seulement l’ancien président et est à ce jour au centre de 150.000 publications partagées sur TikTok. Chez les internautes, la question devient vite un dilemme insoutenable. « Il est trois heures du matin et je me demande si je suis une grenouille ou une souris. »
Les héritiers de bouba et kiki
Si la dualité semble à première vue un peu superficielle, une question similaire a longuement été étudiée par les chercheurs à travers le monde : la théorie de “bouba et kiki”. Ces recherches, mises en avant par le psychologue allemand Wolfgang Kölher dès le début du XXe siècle, montrent que le cerveau associe instinctivement des sons à des objets. Le mot “bouba” se réfère à des objets ronds et “kiki” à des termes davantage anguleux.
Au fil des années, cette trouvaille linguistique fait même renaître l’espoir d’une langue universelle. D’après une étude linguistique publiée en 2021, les choix selon le son permettraient à chaque personne à travers le monde de savoir différencier un mot “bouba” d’un mot “kiki”. Dans le panel, plus de 900 personnes ont été testées à travers le monde à travers 25 langues différentes. Le résultat était sans appel : plus de 70 % confirment un effet bouba-kiki.
Des propriétés physiques intégrées par l’humain
En France, des chercheurs ont souhaité aller plus loin en se demandant l'origine de cet arbitrage. Dans la revue Scientific Report, la chercheuse en sciences cognitives Mathilde Fort et le directeur de recherche CNRS Jean-Luc Schwartz se sont demandé si cette perception n’était pas liée aux sons plus ou moins aigus des mots.
« En s’appuyant sur une démonstration mathématique, ils ont ensuite prouvé que les sons produits par des objets ronds, lorsqu’ils heurtent ou roulent sur le sol, sont systématiquement plus graves et continus que ceux produits par des objets pointus. C’est parce que l’humain a intégré ces propriétés physiques des objets dans le langage, que « “bouba” est devenu universellement rond », résume le site du CNRS. Les apprentis sorciers de TikTok ne franchissent-ils pas une nouvelle étape des recherches en posant, cette fois, des visages sur l’éternel duel ?
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