
Aller regarder du côté des nuages... Une mission d’autant plus importante que leur rôle reste la principale incertitude dans les projections climatiques.
Le 28 mai. La date est fixée, celle à laquelle le satellite EarthCARE sera propulsé en orbite, à 400 km d'altitude. De son nom complet Earth Clouds, Aerosols and Radiation Explorer, son but sera d'explorer les nuages de l'atmosphère terrestre durant au moins les trois prochaines années pour comprendre comment ils influent sur le réchauffement des températures à la surface. « C'est une mission essentielle pour comprendre la Terre, assure Simonetta Cheli, directrice des programmes d'observation de la Terre à l'ESA (Agence spatiale européenne). Elle répond à des besoins sociétaux qui cherchent à comprendre et à prévoir l'évolution de notre planète. »
On les voit bien, on les connaît peu
Pour beaucoup, c'est l'aboutissement d'un long processus douloureux. Prévu dès 2008 avec un lancement programmé en 2013, EarthCARE a connu d'importants soucis lors de son développement. Tout d'abord, le radar (ou lidar dans ce cas-là puisqu'il utilise un laser et non pas des ondes radio) ultraviolet ATLID, conçu à Toulouse chez Airbus, a provoqué des sueurs froides, avec un coût qui a bondi de 263 à 450 millions de dollars. Puis, la guerre en Ukraine a remis en cause le projet de lancer le satellite avec une fusée russe Soyouz, ce qui s'est conclu par le choix de la Falcon 9 de SpaceX en dernier recours.
Quoi qu'il en soit, tous ces efforts en valent la peine selon Dominique Gillieron, Chef du Département des Projets d'Observation de la Terre à l'ESA : « Les nuages sont un perturbateur du climat que nous connaissons très mal. Il y a les cumulus qui reflètent la lumière du soleil et tendent à protéger la surface de la chaleur. Mais les cirrus, eux, laissent passer la chaleur puis ont l'effet d'une couverture thermique qui conserve l'énergie en-dessous, ce qui réchauffe la Terre. En plus, les nuages ne sont pas tous homogènes, ce qui complexifie encore leur étude. »
EarthCARE, lui, devrait parvenir à sonder cet écosystème grâce à son fameux lidar à haute résolution, mais aussi à un radar conçu par l'agence spatiale japonaise, la JAXA, pour observer la vitesse des particules au sein des nuages. Ces instruments sont accompagnés d'un imageur qui cherche des informations dans l'infrarouge, ainsi que d'un radiomètre dédié à la mesure des radiations.
Un mystère qui a beaucoup à nous apprendre
Comprendre les nuages est essentiel pour décrypter la hausse des températures sur Terre. Tout d'abord parce que les nuages ne sont pas uniquement naturels. Les aérosols et les particules fines en suspension dans l'air sont aussi parfois d'origine humaine. « Il est difficile de dire si ces particules ont un effet positif ou négatif sur le climat, détaille Dominique Gillieron. Les débats d'experts sont nombreux et ce n'est pas encore tranché, alors nous espérons apporter des éléments pour répondre à cette question. »
Des éléments cruciaux, car d'autres profitent de cette incertitude. L'année dernière, des climatosceptiques menés par le conférencier Philippe Bobola tournaient en dérision le rapport du GIEC, assurant que le réchauffement climatique était dû, non pas aux activités humaines, mais au Soleil et aux nuages. Des affirmations ensuite débunkées par la communauté scientifique, qui reconnaissait tout de même que la part du réchauffement attribuée aux nuages restait mal connue. Camille Risi, chercheuse au laboratoire de météorologie dynamique à l'Université Pierre et Marie Curie, avait précisé à l'AFP : « le rôle des nuages est la principale source d‘incertitude dans les projections climatiques. »
EarthCARE pourrait donc tordre le cou à ces insinuations qui reposent sur un manque de données scientifiques solides. « Pour faire quelque chose de sérieux, il faut des années d'observation, assure Dominique Gillieron. Nous avons eu CALIPSO et CloudSat lancés en 2006, puis le programme Copernicus qui observe la Terre depuis 2014. Aujourd'hui, EarthCARE est la prochaine étape de ce suivi. Il prend la relève. »
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