Un astronaute dans un champ

Si vous vous demandez où mettre de l'IA dans votre business, on a un début de réponse

© Jonas Verstuyft

Déployer de l'IA dans son business relève-t-il d’une disposition d’esprit située entre celle d’un astrophysicien et celle d’un astrologue ? Un peu. Mais pas que.

Identifier a priori, et sans contexte, des domaines métiers susceptibles d’élargir le champ d’application de l’IA pour les entreprises relève d’une disposition d’esprit située quelque part entre celle d’un astrophysicien et celle d’un astrologue, et dans les deux cas… Seul l’avenir permettra d’évaluer la qualité de la prédiction sans pour autant nous informer sur la pertinence de la méthode utilisée pour y arriver.

Quels domaines pour l’IA intégrée et interactive ?

En observant les évolutions sur le terrain, cinq domaines d’application doivent être explorés de façon prioritaire :

  • La parcours client est, et restera encore longtemps, un terrain d’innovation pour l’IA. Il va être soumis à de plus en plus d’automatisation intelligente tout au long d’une relation qui peut durer plusieurs années. Quelques industries ont déjà engagé des évolutions de ce parcours, comme c’est le cas avec la gestion des sinistres en assurances : dans un souci d’améliorer la qualité de service (qui est fréquemment corrélée avec le délais de paiement de l’indemnisation), les assureurs ont redéfini l’expérience client avec de l’IA Intégrée à différentes étapes et des nouvelles possibilités, telles que le calcul de l’indemnité à partir d’une photographie prise par le portable du client qui réduit ce délai de paiement. Lemonade, une Insurtech qui agit en tant qu’assureur, a fait descendre ces délais à 1-2 jours avec un record de 2 secondes !
  • L’intégration dans les produits, initialement en poussant des analytics à ses clients, comme l’a fait John Deere afin de les assister dans la gestion de leur exploitation puis en capitalisant sur les retours de cette information avant de fournir un tracteur autonome.
  • La Recherche & Développement comme domaine majeur et avéré pour l’application de l’IA. Les possibilités de l’IA sont d’ores et déjà observées dans le monde de la santé et des nouveaux matériaux, mais ce n’est que le début. L’utilisation de l’IA dans un domaine aussi clé pour la croissance et marquée par une productivité stagnante, très bien documentée dans l’essai « Human Frontiers » de Michael Bhaskar, ne peut qu’avoir des impacts significatifs pour l’entreprise et pour l’économie. L’application de l’IA à la R&D ne va probablement pas toucher toutes les industries, mais pour les industries impactées, la transformation sera totale.
  • Dans le monde industriel, l’apparition de jumeaux digitaux (réplication numérique de la réalité physique d’un système de production) et du Edge computing ouvrent des possibilités importantes pour la transformation industrielle par l’IA. A ce jour, les principales applications couplées avec l’IA sont dans le domaine des transports (automobiles, …) et du bâtiment mais l’extension au monde industrielle progresse rapidement.
  • Enfin, dans le monde de la supply-chain, notamment pour la distribution et les produits de grande consommation on peut entrevoir l’émergence d’IA connectées entre différents acteurs de la chaine dans une logique de développement durable aussi bien qu’économique. Les grands acteurs de la Distribution de Carrefour à Wal-Mart ont amorcé cette transformation.

Plusieurs points se dégagent de la revue de ces différents candidats à une élargissement de l’IA :

  • Enjeux business forts : pour chacun de ces cas, on entrevoit un véritable potentiel économique, même si ce premier regard ne nous exonère pas de l’approfondissement d’un business case.
  • Disponibilité d’un volume important de données : l’ensemble de ces cas d’usage peut s’appuyer sur des masses de données disponibles soit parce qu’elles sont générées directement par la technologie sous-jacente au cas d’usage, soit parce que les données sont collectées et stockées pour de multiples usages
  • Multiples possibilités de coordonner et optimiser les IA : Au regard des dimensions des différents cas d’usage, l’utilisation de multiples IA devrait s’imposer, débouchant ainsi sur des IA Intégrées ou Interactives.

Qu’en est-il de l’IA générative ?

L'IA générative suscite un enthousiasme sans limites pour ces nouveaux cas d’usage ou pour en identifier de nouveaux ? À court terme, il sera nécessaire de maitriser l’IA Générative sur des domaines internes pour ensuite sortir de l’entreprise et échanger avec les clients et partenaires. Les pistes de travail allant en ce sens ne manquent pas, de l’assistant personnel à la réécriture du code informatique en passant par la documentation des applications. En un sens, et à ce stade, on peut considérer que l’IA générative entre dans la première phase du cycle qui voit se concrétiser essentiellement des IA ciblées.

Il semble clair cependant que rapidement, l’IA générative va s’imposer comme la solution conversationnelle en interne ainsi qu’avec les clients et les partenaires. À ce stade, nous verrons également émerger des solutions d’IA qui combinent l’IA générative et le Machine Learning permettant de gérer des processus interactifs intra et inter-entreprises. Dans un tel cadre, quel avenir peut-on envisager pour l’IA ciblé ?

Vers une IA “business as usual”

Faut-il poursuivre la mise en place d’IA ciblées ou les abandonner et passer sur des IA â plus fort impact ? Sur ce point, il faut à tout prix éviter de suivre l’exemple de l’âne du Buridan … il n’y a pas à choisir entre l’IA ciblée et les projets de plus grande envergure, les deux options relèvent d’une approche différente : améliorer la productivité d’une activité un cas, transformer l’entreprise et innover en s’appuyant sur l’IA dans l’autre cas …

Poursuivre la mise en place d’IA ciblées devrait être identifié à du « Business as Usual », autrement dit, et dans la grande majorité des cas, l’IA ciblée n’est pas – n’est plus – un projet d’innovation, de disruption ou de transformation. Il s’agit tout simplement de sélectionner le moyen le plus efficace afin de réaliser une activité d’ores et déjà traitée par l’entreprise ! Elle doit se traiter hors des sujets de transformation, avec des équipes dédiées en appliquant les critères techniques usuels de l’IA mais avant tout, avec des critères économiques (business case, coût d’opportunité, utilisation d’AutoML, économie d’échelles, offshoring, …) et stratégiques (build vs buy, …). Le passage à l’échelle ne devrait pas être envisagé a priori pour justifier le business case à moins que celui-ci soit applicable avec des coûts minimes.

Par ailleurs, l’IA ciblée permet, pour la plupart des entreprises, des gains économiques inférieurs à ceux des leaders du marché. Cela est encore plus vrai pour les acteurs européens. Pour comprendre cela, revenons de nouveau à notre système de recommandations, une IA ciblée, et risquons-nous à une comparaison hypothétique entre Amazon et la Fnac sur la base de quelques critères prédictifs des gains économiques : Taille de marché, réglementation Data et accès aux talents et à un écosystème IA.

Lorsque amazon.fr déploie son IA pour la recommandation de produits, celle-ci va bénéficier de plusieurs leviers :

  • Les modèles IA lancés dans les différents marchés avec le cumul de leur expérience.
  • Un accès fluide aux données qui, depuis le fameux « mémo API » de Jeff Bezos en 2002, oblige les équipes internes à ouvrir leurs données par API, la fluidité des données est assurée
  • Amazon n’est soumis qu’en Europe à une règlement Data qui pourrait limiter la performance de son IA. Un apprentissage des modèles sur des marchés plus ouverts doit permettre d’assurer une performance accrue des modèles.
  • Amazon étant leader dans le domaine de la recommandation, on peut aisément conjecturer qu’il a un accès aux talents les plus qualifiés dans ce domaine

On peut légitimement estimer que l’ensemble de ces ressources va contribuer à une performance supérieure d’amazon sur la recommandation de produits en ligne face à ses concurrents. On comprend bien qu’à partir de ce pic, les investissements des concurrents ne peuvent-être que moins rentables pour les autres acteurs du marché. Mon point n’est pas de dissuader la Fnac d’investir sur des moteurs de recommandations – qui existent déjà par ailleurs – mais simplement de pointer le fait que si l’IA ciblée est nécessaire, elle est loin d’être suffisante aux entreprises entrées tardivement sur le sujet, ne disposant pas des volumes et de la qualité des données requises, ni de l’attractivité d’un amazon en termes de talents et faisant face aux contraintes associés à la RGPD qui impactent à la fois le coût et la qualité des analyses. L’IA ciblé n’est, et ne sera pas, un « game changer » pour ces entreprises.

Le secteur de la distribution est, par bien des égards, caricatural des écarts de potentiel entre les grandes entreprises et les digital-natives, il reste cependant porteur d’enseignements pour l’ensemble des secteurs économiques.

Les solutions d’IA ciblées peuvent être répliquées …

Certes, nous avons appris que les solutions d’IA ciblées peuvent être répliquées, mais il y a des mais.

  • … mais qu’elles bénéficient largement aux « early-adopters » et aux acteurs de taille (surtout dans le volet client de l’entreprise) et,
  • Que leur réplication ne garantit pas leur rentabilité économique et encore moins un avantage concurrentiel et,
  • Que leur passage à l’échelle n’est accessible que si les entreprises répondent aux critères exigés pour le réussir (SI homogènes, données disponibles, rentabilité élevée du cas d’usage) et enfin …
  • Que la maitrise des économies d’échelle associées à ces IA n’est pas une option sur les choix d’architecture Data ainsi que sur la décision de « build or buy », notamment lorsqu’un acteur indépendant est à même de capter ces économies.

L’adoption de l’IA s’est, jusqu’à présent, appuyée sur des projets d’IA ciblés. Cette IA fait dorénavant partie du paysage des entreprises et va se poursuivre et élargir ses champs d’application. Cependant, les entreprises vont lancer de plus en plus des projets d’IA intégrées ou interactives qui portent véritablement une transformation d’entreprise, cependant pour cela, elles vont devoir lever un certain nombre de freins humains, organisationnels et institutionnels.

Cet article fait partie d'une série d'articles proposés par Patrick Darmon. Pourquoi et comment l'IA doit devenir une technologie socle de nos entreprises ?

Premier volet : L’intelligence artificielle est-elle soluble en entreprise ?

Deuxième volet : Révolution de l’Intelligence Artificielle… ou simple rêve ?

Troisième volet : L'IA, combien ça coûte et est-ce que cela vaut le coup ?

Quatrième volet : Quelle stratégie adopter pour intégrer de l’IA générative dans son business ?

Cinquième volet : Ne passez pas l’IA à l’échelle ! Passez votre business à l’échelle avec l’IA

Patrick Darmon est associé chez Fizz venture, cabinet de conseil en data & IA.

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