
Poussées par leurs parents à réaliser des vidéos ou des photos d’influenceuses, de plus en plus de jeunes filles de moins de 13 ans deviennent la cible de pédophiles.
« Préparez-vous avec moi pour sortir dîner. D’abord je mets ce fond de teint, j’adore la couleur. Ensuite j’utilise ce flacon pour le blush, je peux pas vous dire à quel point je suis excitée. » Sur le compte TikTok de Garza Crew, l’influenceuse GRW Haven aligne tous les poncifs du tuto maquillage. Montrer les produits à la caméra, surjouer la joie, montrer comment on les applique tout en racontant sa vie, elle fait ça comme une pro. La vidéo aurait pu passer inaperçue si la fameuse Haven n’était pas une petite fille de 7 ans qui fait « comme les grandes ».
La morning routine d'une gamine de 7 ans
Avec sa sœur jumelle Koti et sa mère Adrea, Haven crée régulièrement des vidéos de maquillages ou de « hauls » ; ces déballages de produits achetés dans une enseigne qui est éventuellement partenaire. Outre ces morning routine surréalistes, on trouve aussi des formats Q&A, des sketchs humoristiques sur leur relation de sœurs ou des extraits de leurs spectacles de danse hip-hop qu’elles donnent dans les concours de jeunes talents. Face aux critiques que soulèvent ce contenu, Adrea a toute de même posté une vidéo en indiquant que tout cela n’était qu’un jeu qui était sous son contrôle, et que ses filles « incarnaient des personnages ». Cet argument rappelle fortement celui du compte TikTok controversé « arrête ma louloutte » tenu par une mère filmant sans arrêt sa fille dans des situations « fictives » pouvant générer des polémiques et donc du clic. Le format cartonne en tout cas. Sur TikTok, la Garza Crew est suivie par 4,8 millions de personnes.
Instagram, ce paradis de pédophiles
Si le phénomène des enfants qui se mettent en scène comme influenceurs reste assez marginal sur TikTok, les choses prennent une autre tournure sur Instagram. Dans un article récent publié par le New York Times, les journalistes Jennifer Valentino-DeVries et Michael H. Keller ont passé en revue 2,1 millions publications et découvert plus de 5 000 comptes tenus par des mères et mettant en scène des enfants de moins de 13 ans. La plupart sont des jeunes filles habillées de tenues moulantes, ou en sous-vêtement et maillots de bain. Dans les commentaires, des cohortes d’hommes déchaînés qui étalent leurs phantasmes pédophiles à la vue de tous. Certains parents mettent dans la biographie des comptes des liens vers des listes de souhaits Amazon,... ou carrément des applications de dons.
Avec le soutien de Meta
De leur côté, les marques s’arrangent avec cette réalité. Le Times relève trois douzaines d’entreprises qui reviennent très régulièrement dans ce genre de posts qui se monnayent jusqu’à 3 000 dollars la photo. On y retrouve surtout des marques de vêtements ou de danse pour enfants. Plus il y a de l’engagement sous les images, plus elles proposent des collaborations ce qui pousse les parents qui gèrent ces comptes à garder des commentaires clairement identifiés comme des agressions verbales et sexuelles. Mise sous pression au Congrès sur son manque de protection des plus jeunes, on pourrait pense que Meta soit plus vigilant. Il n’en est rien. La plateforme réduit la capacité de bloquer ou de suivre d’autres comptes quand les parents tentent de faire le ménage, et de supprimer des comptes d’hommes trop présents dans les mentions. Quand les parents signalent des envois de photos de sexe en érection en messages direct ou des propositions de viol contre rémunération, la plateforme envoie un message automatique indiquant que ces communications ne contreviennent pas aux règles établies. L’exploitation des enfants a de beaux jours devant elle.
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