Une scène de Modern family

Parentalité numérique : devinez qui doit se taper tout le boulot ?

© Modern Family

L'éducation aux écrans révélerait-elle des comportements genrés entre des papas qui veulent être cool et des mamans qui gèrent les restrictions ?

Laisser son enfant scroller comme s’il n’y avait pas de lendemain ou interdire tout ce qui comporte plus de 3 pixels ? Pour de nombreux parents, la question du temps et de l’usage des écrans des enfants est un sujet de tensions. Lentement mais sûrement, la notion de parentalité numérique, qui consiste à accompagner nos enfants dans l’usage des outils et des plateformes numériques, fait son chemin. Mais entre paniques morales et conflits entre conjoints, parfois séparés, les choses ont tendance à se compliquer.

Papa cool, et maman crie...

« Au fil de nos études, nous nous sommes rendu compte à quel point la parentalité numérique n'était pas un sujet facile », indique Axelle Desaint, coordinatrice d'Internet sans crainte, le programme national de sensibilisation des jeunes à la vie numérique. « On assiste à une polarisation des débats entre les pros et les anti-écrans et un traitement médiatique quasiment toujours catastrophique. La question des écrans devient naturellement un sujet de tension au sein des familles et d'autant plus quand les parents sont séparés. L'accès à une tablette ou aux jeux vidéo devient un moyen de chantage affectif pour les enfants qui vont essayer de faire culpabiliser les parents qui ne sont pas d'accord sur les règles. »

En interrogeant quelques parents, en couple ou divorcés, on découvre que la gestion des écrans est bien souvent genrée. Il semblerait que les pères sont souvent plus permissifs tandis que le rôle de l'arbitre revient souvent à la mère. « Dès que Maxime est devant un écran, ma femme pète une pile, raconte Thomas, professeur d'histoire et père d'un garçon de 6 ans. C'est moi qui vais le chercher et qui lui donne son bain. Au moment de préparer les repas, je le laisse regarder un dessin animé, histoire d'avoir du temps. Je regarde aussi des vidéos de cuisine et parfois des matchs de rugby avec lui. Mais ma femme est persuadée que c'est une perte de temps nuisible à son développement. Dès que Maxime est sur un écran, je sens que la situation est crispée. » Pour lui, il s'agit d'une différence d'éducation qui remonte à l'enfance. « Elle a eu très peu accès à la télévision quand elle était jeune confie Thomas. Moi j'en avais une dans ma chambre. Forcément, nous avons une grosse différence d'expérience sur ce point. » Malgré les tensions, le couple trouve des compromis. « Comme elle rentre plus tard que moi, elle est obligée de lâcher l'affaire. En échange, je sors notre fils faire des activités à l'extérieur. »

Démission par écran interposé

Pour Floriane, les choses sont très différentes. Le couple a toujours eu un rapport décomplexé aux écrans. « Mon enfant a appris à marcher pendant le confinement, raconte-t-elle. Il nous a vus être constamment sur un écran avec la télé allumée d'un côté, son père qui joue aux jeux vidéo de l'autre, et moi qui travaille sur l'ordinateur ou la tablette. » Les choses ont dérapé quand son ex-conjoint a perdu son travail. « Quand il a eu quatre ans, mon fils avait du retard au niveau de la graphie, mais savait parfaitement compter en anglais, car il regardait un peu trop des dessins animés sur YouTube kids, explique-t-elle. Je me suis rendu compte que son père laissait notre enfant devant la tablette pour pouvoir jouer aux jeux vidéo tranquillement. Après le divorce, j'ai pu rééquilibrer les choses et aujourd'hui il a droit à 15 minutes d'écran par jour. En revanche, il n'a aucune limite chez son père. » Pour Floriane, cette permissivité cache une forme de démission, ce qui n'a pas échappé à son enfant âgé à présent de 5 ans. « Personnellement, j'ai lâché l'affaire, poursuit-elle. J'avais peur que le petit préfère aller chez son père, car il peut y faire ce qu'il veut. En fin de compte, il s’y ennuie. ll a une lassitude des écrans et il ne veut aller chez son père que s'il lui promet de faire une sortie. »

Écrans et sucreries, même combat

Si Floriane n'essaye plus « d'éduquer » son ex-conjoint, ce n'est pas encore le cas de Nathalie, une dentiste divorcée depuis plusieurs années et qui doit lutter contre un père qui ne respecte pas les limites. « Mon aîné de 9 ans va bientôt rentrer au collège et je suis terrifiée à l'idée qu'il ait un smartphone en libre accès, raconte-t-elle. Je voudrais lui donner un téléphone 9 touches, mais je sais que son père a prévu de lui offrir le dernier iPhone. À Noël dernier, il lui a offert une PlayStation 5. » Depuis toujours, Floriane constate les différences en matière d'éducation. « Quand ils étaient tout petits, il leur offrait des sodas. J'ai dû lui expliquer que ça n'était pas bon pour leur santé, indique-t-elle. Depuis la séparation, ce décalage se poursuit, et s'applique à la question du numérique. J'ai beau lui envoyer des articles scientifiques ou des avis d'expert, rien ne fonctionne. » D'après elle, son ex-conjoint tient absolument à passer pour un papa cool et veut gâter ses enfants à tout prix. « Chez leur père, ils regardent ce qu'ils veulent. Je suis bien obligée d'accepter, mais chez moi les choses sont plus cadrées et ils savent pourquoi. Ça demande toujours quelques jours d'adaptation quand ils reviennent chez moi, mais ça fonctionne. » Loin d'être totalement anti-écrans, Nathalie tente d'éduquer ses enfants aux aspects positifs et négatifs du Web. Elle espère que cette stratégie portera ses fruits plus tard quand ils arriveront au collège.

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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