Des mains sur un clavier d'ordi, en répétition de la même image

L’IA crée des emplois : 14 heures de travail quotidien pour gagner 50 dollars par mois

Certes l’IA crée de nouveaux emplois, mais ils n’ont rien de très épanouissant. 

Le remplacement tant redouté des humains par les IA a tendance à les invisibiliser. Mais pour fonctionner, les algorithmes qui traitent d’importantes quantités de données, ont besoin de petites mains. Ces travailleurs du clic saisissent, étiquettent et corrigent des données. Ils annotent des images et des textes pour permettre à ChatGPT et consorts de se perfectionner. Dans un récent article Wired UK s’est intéressé à leur quotidien. Le magazine britannique explique que souvent leurs journées ressemblent à de longues heures à attendre derrière un ordinateur. 

De « l’esclavage numérique »

À l’instar de celle d’Oskarina Fuentes, une jeune femme de 26 ans vivant aux Philippines. Dans les meilleurs mois, elle parvient à gagner 280 dollars (le salaire minimum au Venezuela est de 285 dollars) en faisant diverses tâches payées entre 2,2 centimes et 50 centimes. Mais la plupart du temps, Oskarina ne reçoit qu’un dollar ou deux par jour. Car souvent entre chaque tâche, elle doit patienter plusieurs heures pour en obtenir une nouvelle. Elle passe en moyenne 18 heures par jour vissée derrière son ordinateur, rapporte Wired

Bien sûr ce travail d’attente et de recherche de tâche n’est pas rémunéré. Mutmain, 18 ans, pakistanais, reste derrière son écran de 8h à 18h puis de 2h à 6h du matin pour gagner péniblement 50 dollars par mois. « De mon point de vue, c’est de l’esclavage numérique », dit-il. 

Oskarina et Mutmain travaillent pour Appen, une entreprise qui peaufine les bases de données de Meta, Microsoft, Amazon et d’autres, et qui emploie un million de personnes à la tâche. Souvent dans des régions où le travail coûte peu cher : Afrique de l’Est, Inde, Philippines, Venezuela, et même des camps de réfugiés au Kenya. Selon l’Online Labour Observatory, un tiers des travailleurs free-lance en ligne viennent d’Inde. C’est le premier pays le plus représenté, viennent ensuite le Pakistan et le Bengladesh. 

D’autres entreprises comme Scale AI et Clickworker ont plus ou moins le même business model qu’Appen. Ce marché de la collecte et de l’étiquetage des données qu’elles se partagent est évalué à 2,2 milliards de dollars en 2022, et devrait atteindre 17,1 milliards de dollars selon les estimations du cabinet de conseil Grand View Research. 

Des voitures autonomes au chatbot 

En plus d’être chronophage, invisibilisé et peu rémunérateur, le travail de ces tâcherons du clic est changeant. Il y a quelques années, ils œuvraient principalement au développement des voitures autonomes. Aujourd’hui, ils essaient de limiter les propos problématiques des chatbots. « Si (l’intelligence artificielle) crée de nouveaux types d'emplois, il n'est pas certain que ces emplois soient satisfaisants pour les travailleurs de ces régions », explique Florian Schmidt, auteur de Digital Labour Markets in the Platform Economy, à Wired. En raison de l'évolution constante des objectifs de l'IA, les travailleurs sont engagés dans une course permanente contre la technologie, explique M. Schmidt.

L’espoir de ces travailleurs, qui pour certains s’échangent des conseils via Telegram : être reconnus, et s’organiser en syndicat. 

« J'aimerais qu'ils ne nous considèrent pas seulement comme des outils de travail que l'on peut jeter lorsque nous ne sommes plus utiles, mais comme des êtres humains qui les aident à progresser sur le plan technologique », explique Oskarina Fuentes.

Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.

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