
Les agences doivent créer du contenu, soit. Mais dans les faits, comment cela se traduit-il à l’heure où les consommateurs n’ont plus besoin de la publicité pour s’informer ? Rencontre avec Christophe Coffre, co-président d’Havas Paris.
La semaine dernière, à l’occasion des rencontres de la photographie d’Arles, Christophe Coffre, co-président d’Havas Paris organisait le vernissage de son exposition, « Marque-Page », qu’il a pensée comme une audacieuse rencontre entre les marques et la littérature.
Une belle façon, pour l’agence, de créer du « contenu ». Un terme qui, selon Christophe Coffre est employé à tout va. « Car tout est contenu : une pub, un rapport annuel, des RP… Mais aujourd’hui, je pense que le contenu c’est surtout aller chercher les gens là où ils ne nous attendent pas sur une dimension très émotionnelle et sensible ». Le tout en cohérence avec son savoir-faire : l’exposition « Marque-Page » est « la preuve par l’exemple » de ce qui peut être fait par une agence qui connaît et qui aime les marques.
Un schéma que les annonceurs doivent également s’approprier. « Il faut qu’il y ait une forme de générosité des marques envers les gens. Elles doivent offrir des choses ». Mais pas de confusion : il n’est pas ici question de réductions, de cartes de fidélité ou autres échantillons.
L’initiative d’Havas Paris à Arles s’inscrit dans cette logique de générosité. Les festivaliers découvrent les clichés, l’univers de l’agence mêlé à l’art des photographes. « Les marques doivent travailler comme ça : les gens n’ont plus confiance, ils ne croient plus aux marques pour lesquelles ils dépensent beaucoup d’argent sans recevoir en retour. Nous en sommes là. Les marques doivent rendre de façon désintéressée et exclusive ». Et cela passe par une production de contenu, mais un contenu qui passionne, qui ne peut être produit que par la marque et qui se doit d’être en rapport avec ses valeurs.
Un point de vue éclairant sur le futur de la communication. « La communication des marques deviendra une sorte de grand mécénat culturel, au sens large du terme ». Ceux qui s’en sortiront le mieux seront ceux qui auront le plus à offrir. Car la publicité ne suffit plus : « avant, elle servait à informer les gens. Aujourd’hui, ils ont le numérique pour rechercher tout ce dont ils ont besoin en amont de leurs achats ». Si la réclame stricto sensu perd de son intérêt, la valeur de marque n’en manque pas. « Et tu peux la véhiculer par d’autres biais ». L’idée : surprendre, au sens littéral du terme. C’est à dire « prendre par le haut », inspirer, élever !
Ainsi, quand Havas Paris ouvre sa galerie à Arles, c’est dans cette optique de générosité et d’exemplarité. « On est capables de le faire pour nous, mais aussi pour les autres, pour nos clients ». Après son court-métrage Bonne année Charles et cette exposition, on peut se demander quelle sera la prochaine étape pour Christophe Coffre. « Je n’irais pas faire quelque chose qui ne nous représente pas. Il y a une histoire derrière nos projets, ce ne sont pas des fantaisies : il faut garder une cohérence ».
Cette cohérence ne détourne pas le projet de sa vocation artistique. Les photographes ont été sélectionnés avec soin, il n’y a pas de clients d’Havas Paris parmi les marques représentées… « Nous allons offrir des tirages aux entreprises et soumettre les bonnes idées aux marques, mais l’idée est surtout de révéler des photographes, de provoquer des rencontres, de susciter les curiosités et les découvertes ». Et pour cause : la rencontre entre littérature et marques reste peu exploitée. « Les marques ont souvent de très belles histoires qui mériteraient des livres, et il y en a peu qui sautent le pas ».
Christophe Coffre compare l’époque à celle qui a vu naître les « soap-opera » : toute la famille se réunissait devant une série, clairement sponsorisée par une marque. « On cherche en permanence à inventer des formats pour faire parler les marques avec générosité ». Et cette générosité, au même titre que l’empathie, les marques ne peuvent plus l’ignorer. « Les consommateurs ont besoin qu’on se mette à leur place, et tout le monde va devoir s’y mettre ». Il y a l’idée de « cadeau » dans ce rapport qui se dessine. « Il faut aller vers les gens, leur montrer que l’on tient à eux. C’est une relation naturelle : quand tu fais beaucoup pour quelqu’un, tu t’attends à ce qu’il te remercie ». Or l’engagement des consommateurs aux marques n’est plus à prouver : un engagement financier, un engagement de temps, et un engagement de fidélité. « Et pourtant, 75% de la population affirment qu’ils seraient insensibles à la disparition de certaines marques ».
C’est aussi ce qui redessine le paysage actuel : les gens trouvent des solutions par eux-mêmes, développent une économie collaborative, des alternatives aux modes de consommation et de travail actuels. « C’est excitant. Il ne faut pas que les marques passent à côté de ça ».
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