
Mais que font les moins de 13 ans, utilisateurs interdits mais bien présents, sur les réseaux sociaux ? Entre prise de conscience de leur temps d’écran, formats courts et une certaine loyauté aux plateformes, enquête sur ces passagers clandestins qui déterminent les usages de demain.
Ils sont là... même s’ils n’ont pas le droit. Les moins de 13 ans, exclus de la plupart des réseaux sociaux par les conditions générales d’utilisation (qu’ils ne lisent pas plus que les adultes), sont quand même présents sur les plus grandes plateformes sociales. Et en masse ! Selon l’étude Born Social, réalisée par l’agence heaven en partenariat avec l’association Génération Numérique, 87% des enfants de 11 et 12 ans avouent utiliser régulièrement au moins un réseau social – 10 points de plus qu’il y a deux ans, précise heaven, qui conduit cette étude depuis sept ans.
Cette population est particulièrement intéressante à étudier, présente Arthur Kannas, fondateur de l’agence. Nés dans un monde où Facebook existait déjà, ces jeunes ados « préfigurent de ce qui va arriver trois ou quatre ans plus tard ». Pour les plateformes, attirer les plus jeunes est un enjeu clé, même si les régulateurs sont de plus en plus regardant sur les garde-fous mis en place – en septembre dernier, le gendarme irlandais a ainsi infligé une amende de 405 millions d’euros à Facebook pour des manquements dans le traitement des données des mineurs. Pour les marques, il est essentiel de comprendre l’appréhension de ces espaces par ces nouvelles générations de consommateurs.
Emmanuel Berne, directeur des études de l'agence heaven, a donc réalisé son étude à partir de trois grandes catégories de données : un questionnaire réalisé en partenariat avec Génération Numérique, association chargée de la sensibilisation au sujet dans les collèges et lycées, des interviews vidéo avec des jeunes, et des documentations accessibles sur Internet, notamment sur les populations américaines.
Temps devant les écrans : la prise de conscience
L’un des premiers constats de l’agence est que les discours sur le temps passé sur nos écrans ont imprégné les jeunes utilisateurs. Ainsi, ils sont 45 % à monitorer, ou à savoir que leurs parents monitorent, leur temps d’utilisation des réseaux sociaux – 20 points de plus qu’il y a deux ans. Concernant la durée, ils déclarent passer en moyenne 2h03 sur les réseaux les jours d’école. « Il y a une élasticité très forte entre les jours d’école et le weekend », souligne le directeur des études. Ainsi, quatre enfants équipés d’un smartphone sur 10 estiment qu’ils passent trop de temps sur les écrans (+10 points en 2 ans). Quant à leurs parents, à en croire les enfants, ce n’est pas mieux : un jeune sur cinq de moins de 13 ans estime que ses parents passent trop de temps le nez collé à leurs smartphones.
Des enfants accros au téléphone, mais aussi de plus en plus équipés. La plupart des ados reçoivent leur appareil au tournant des 11 ans, lors du passage en sixième, pour raison de « convergence d’intérêts », analyse Emmanuel Berne. Pour les parents, le téléphone fait office de « cordon ombilical », dit-il, notamment grâce à la fonctionnalité de géolocalisation (utilisée pour plus d’un enfant sur deux). Pour les enfants, c’est un moyen de s’autonomiser et de sociabiliser. « Pour se faire des copains, ça ne se passe plus dans la cour, ça se passe sur les réseaux », raconte un adolescent interviewé par heaven.
Facebook et TikTok en croissance, Instagram stagne
Si les moins de 13 ans préfigurent des usages à venir, les plateformes évoluent-elles avec leurs usagers ou les usagers changent-ils de plateforme lorsqu’ils vieillissent ? Au jeu de la durabilité, Snapchat fait office d’acteur modèle. Premier réseau social utilisé par les ados (plus d’un sur deux l’utilise régulièrement), son usage a augmenté de 12 points ces deux dernières années – contre 5 % pour TikTok, en deuxième position. « Snapchat accompagne la croissance des utilisateurs, explique Emmanuel Berne. Ça commence avec les filtres, puis ils restent grâce à des fonctionnalités comme la messagerie pour finalement découvrir des contenus qui les intéressent avec Discovery ou Spotlight. » Le réseau social expérimente régulièrement de nouvelles fonctionnalités comme la flamme, qui permet de signaler une conversation entretenue quotidiennement.
YouTube aussi accompagne les adolescents dès le plus jeune âge avec YouTube Kids. La plateforme est d’ailleurs en première position des plateformes sociales utilisées (59,5% des ados l’utilisent régulièrement), même s’il est à noter qu’elle est la seule plateforme avec Instagram à stagner dans son adoption. On remarque aussi la victoire des contenus courts, avec des chaînes spécialement conçues pour ce format et des reprises de contenus issus de TikTok.
Même moins répandu que Snapchat, TikTok reste d’ailleurs la référence face à laquelle les jeunes comparent les autres réseaux sociaux. La plateforme a cependant augmenté ses contrôles pour déceler les inscrits de moins de 13 ans et de nombreux ados relatent s’être fait « ban », c’est-à-dire suspendu (il leur suffit néanmoins de créer un nouveau compte pour réintégrer le réseau).
Facebook enfin, malgré son image de réseau social pour les parents, voire désormais les grands parents, fait un retour en grâce étonnant. Utilisé par 30 % des pré-ados il y a 7 ans, la plateforme était descendue à 5 % il y a deux ans pour remonter à 10 % aujourd’hui. Un des leviers pour cette croissance est Instagram, avec qui Meta fait de plus en plus de liens fonctionnels (comme proposer de publier une même story sur les deux plateformes). Un choix tactique qui pose tout de même une question : « Si Facebook propose les mêmes contenus et formats, est-ce que cela peut avoir un impact négatif sur Instagram ? », s’interroge Emmanuel Berne.
Les marques s’adaptent
Dans cette valse des plateformes, les marques tentent de garder le rythme. « On vient de passer 10 ans avec le triptyque Instagram, YouTube et Twitter, conclut le fondateur Arthur Kannas. Nous sommes désormais en plein rafraîchissement et ce n’est pas facile de s’adapter et de gérer la transition. » Alors que les agences inventent de nouvelles façons d’investir ces espaces à défricher, Arthur Kannas défend des choix éditoriaux forts. « Même si les vidéos courtes s’imposent, nous croyons aussi aux formats longs lorsqu’ils sont de qualité. On voit des créateurs faire des lives de quatre heures et ça marche ! », rappelle-t-il. En matière de réseaux sociaux comme ailleurs, don’t believe the hype.
Pour en savoir plus sur cette étude, vous pouvez contacter les équipes d'heaven.
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