émojis et SMS ponctués

L'usage des signes de ponctuation dans nos SMS révèle-t-il quelque chose de notre personnalité ? !!? Oui... mais quoi ? !!

Débauche de points d'exclamation ! Abus de points de suspension… Ou orgie de points d'interrogation ? Notre usage des signes de ponctuation dans nos SMS révélerait quelque chose de notre personnalité. Ha bon ? !!?…

Les petits animaux sociaux que nous sommes veulent être entendus, compris, et grâce aux nouvelles technologies, être lu — et par le plus grand nombre. Manque de bol, en format posts ou SMS, la pratique de l'écrit efface la prosodie (le rythme et la musicalité du langage oral) qui permet aux interlocuteurs de comprendre l'intention de l'auteur : une pointe d'humour, ou une intonation bienveillante. Pour retrouver à l'écrit cette palette de nuances, il y a bien sûr les émojis, mais il faut aussi compter sur la ponctuation. C'est sans doute ce qui explique que son usage frôle la folie. De nombreux chercheurs, journalistes et intellectuels s'intéressent à cet emballement. Leur analyse est parfois savoureuse.

L'insoutenable pesanteur du point

« J'arrive. » Sens secret du point : oui, vous arrivez, mais vous vous en tamponnez le coquillart. D'ailleurs, vous préféreriez être ailleurs. D'après une étude américaine, finir ses SMS par un point fait de vous une personne antipathique, hypocrite et remplie de cruauté. Oui, c'est la conclusion de chercheurs de l'université de Binghamton. Pour comprendre le rôle ô combien social de l'apposition du point en fin de texto, des cobayes ont dû juger la teneur de la réponse avec et sans le point. « Est-ce qu'on va toujours boire un verre ce soir ? » « Ouais, c'est bon. » Malheureux ! Cette réponse a été jugée comme désagréable et manquant de sincérité.

Le fake positivisme du point d'exclamation

Peut-être l'avez-vous remarqué, le point d'exclamation a envahi nos vies. Pour preuve, il semble qu'il ne soit pas possible de créer un mouvement politique sans lui : « Ensemble ! » et « Reconquête ! », ou encore le micro-parti de Valérie Pécresse, « Libres ! ». Transposé dans notre vie de tous les jours — « tu vas chercher le pain ? » « Oui ! », ce point de ponctuation traduit notre enthousiasme. Toutefois, interrogé par BFM le 17 juin dernier, le lexicographe Jean Pruvost, également auteur de L’histoire de la langue française, un vrai roman n'est pas de cet avis. « À mon sens, si son usage s’est accru aujourd’hui — il est bien plus fort qu’il y a 30 ans — c'est qu'il témoigne à la fois d’un appauvrissement du langage et de la volonté de lutter contre celui-ci », explique-t-il. Selon l'expert, nous sommes « moins sensibles aux mots », raison pour laquelle nous nous sentons le besoin d'ajouter un point d'exclamation. Mais vous pourrez toujours dire à votre destinataire que si, si, vous avez très envie d'aller chercher le pain.

Le pouvoir aliénant du point de suspension

Si vraiment vous voulez rendre votre interlocuteur dingo, utilisez-les «... ». Pourquoi ? Parce qu'ils ouvrent la porte à une multitude d'interprétations. Interrogée par Madame Figaro, Louise-Amélie Cougnon, docteure en linguistique et directrice de recherche au MiiL (UCLouvain), explique que « c'est une véritable sollicitation de l'interlocuteur, un message qui demande à l'autre de faire l'effort de comprendre et de deviner la suite ». Ce peut être aussi, tout simplement, une invitation à prolonger la conversation de la part de l'interlocuteur. Mais attention, selon le psychologue et psychanalyste Michael Stora ces trois petits points sont aussi le marqueur d'une détresse psychologique : « Nous sommes dans une société tyrannique à propos du bonheur, et il est souvent mal vu de dire que ça ne va pas. Les points de suspension peuvent être une façon de le signifier sans insister. » Enfin, pour ceux qui n'aiment pas le conflit, cette suspension marque le désaccord par un comportement passif agressif : « d'accord... », « puisque tu le dis... ». Hum, hum.

L'empathie du « LOL », du « haha » et du « lmao »

Pour être sûr·e d'être compris·e, il faut compter au-delà de la ponctuation. Certaines interjections modernes en tiennent lieu, tels que « LOL » ou « haha ». En 2016, une publication de Kim Kardashian devant son miroir en tenue d'Eve attire l'attention de Megan Garber. Non pas pour le corps sculptural de l'influenceuse, mais pour sa légende : « When you have like nothing to wear lol ». Elle analyse ce petit « lol » placé en bout de phrase et qui donne à l'ensemble un sens totalement nouveau. Car Kim Karadashian est littéralement la dernière personne au monde à n'avoir rien à se mettre. Et cette attitude, analysée par John McWhorter dans un long papier publié sur CNN, révèle de l'empathie pour le destinataire. « Il crée un sens de l'égalité. Ce "lol" ne 'signifie' plus rien. Mais plutôt il "fait quelque chose", il véhicule une attitude », explique-t-il. Elle révèle donc, avec humour, son recul sur elle-même et sur sa publication. Il attribue une fonction similaire au « haha » ou à « lmao » de « laughing my ass off », que l'on pourrait traduire par « c'est tellement drôle que j'en ris à me taper le popotin sur le sol ».

The Atlantic complète cette analyse avec un lexique du lol. Ainsi, dans « Lolllllll », le « l » final agit « comme un intensificateur, propulsant le lol dans la proximité du rire réel — mais pas tout à fait » ; le « lolololololol » récursif pour gagner en expressivité, le « LOL » majuscule qui « indique le choc ou la surprise ».

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