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Consommation et transition écologique : sommes-nous condamnés à culpabiliser ?

© Karolina Grabowska

Notre manière de consommer a un impact environnemental indéniable. Entre culpabilité et stratégies d’évitement, comment apprendre à consommer responsable ?

Faites le test : prenez n’importe quel produit de consommation courante et essayez d’en trouver un qui soit parfaitement neutre pour l’environnement. Vous ne trouvez pas ? C’est normal. Entre le kilo de steak haché qui équivaut à 27 kilogrammes de gaz à effet de serre, votre jean préféré qui a nécessité des centaines de litres d’eau ou votre canapé qui a traversé trois continents pour arriver dans votre salon, le moindre acte de consommation semble avoir de lourds effets sur la planète.

Vous le savez, notre style de vie n’est pas neutre. Mais sommes-nous condamnés à culpabiliser à chaque fois que nous sortons notre carte bleue ? Bonne nouvelle, la réponse est non ! Soufflez un bon coup, rangez votre solastalgie, on vous explique comment réconcilier consommation et préservation de l’environnement. 

Faire face à une double injonction : sauver la planète et préserver l’économie 

Si vous êtes du genre à être rongé par la culpabilité lorsque vous sortez faire du shopping, sachez-le, votre angoisse ne vient pas de nulle part. Comme le rappelle une étude de l’ADEME : transport, fabrication et distribution, l’ensemble du cycle de vie d'un produit émet du dioxyde de carbone (CO2). Sans oublier que certains choix de consommation peuvent avoir des conséquences néfastes sur les ressources naturelles et les écosystèmes. Oui, on sait, cela peut donner le tournis.

Les consommateurs vont subir un discours contradictoire : c’est à cause de nos modes de vie et de notre consommation qu’on en est là. Mais il faut bien continuer à consommer pour maintenir la société”, explique l’anthropologue Fanny Parise. Une partie d’entre nous serait tiraillée entre “un idéal de décroissance, de retour à l’Eden et la réalité des contraintes quotidiennes, de budget notamment.

Par ailleurs, ce sentiment de culpabilité n’est pas nouveau et n’est pas né avec le phénomène d’éco-anxiété. Camille Saintives, enseignante-chercheuse à l'INSEEC, a écrit une thèse sur la culpabilité post-consommation. Elle confirme que l’émotion de la culpabilité n’est pas spécifiquement liée à la transition écologique. Dépense financière trop grande, santé, utilité du produit, les raisons sont souvent multiples ! Pourquoi continuer d’acheter sur Internet ou de prendre l’avion pour voyager si nous avons en tête plein de raisons de ne pas le faire ? Tout simplement parce que cela nous procure du plaisir. “Quand vous mangez un burger très gras, vous savez que ce n’est pas bon pour votre santé, pourtant vous y retournez car sa forte valeur hédonique est supérieure à la culpabilité”, s’exclame-t-elle. 

Arrêtons de stigmatiser la consommation ! 

Mais ne stigmatisons pas la consommation. Comme nous le rappelle Loïc Fel, docteur en philosophie et fondateur de l’agence Influence for Good, la consommation n’est pas forcément un acte désinvolte et frivole. Elle ne doit pas être ramenée à une binarité “bien, pas bien”. L’important est de se poser la question du sens de l’achat, de son importance. “Je peux accepter d’investir un peu d’impact environnemental sur un produit parce que je sais que ce n’est pas juste une envie fugace, que c’est une envie qui a de l’importance pour moi. Je consens à polluer un peu car à contrario je ferai un effort sur des choses plus futiles”, indique-t-il. Outre les achats vitaux qui permettent de se nourrir, de se soigner, de s’habiller ou de s’équiper, l’homo ecologicus est parfaitement capable de jongler entre nécessité et responsabilité.

Et c’est justement pour échapper à la culpabilité que la sociologue de l’environnement et spécialiste de l’économie circulaire Majdouline Sbai propose de passer à l’action en optant pour une consommation responsable. La clé ? “Consommer moins mais mieux et mobiliser des ressources usagées, pour recréer”, précise l’autrice d’Une mode éthique est-elle possible ? . Place à l’économie de la fonctionnalité qui privilégie l’usage à la possession. Comme le rappelle la sociologue : “Nous devons entrer dans l’ère de la réparation. Il ne s’agit pas d’avoir un impact minime en consommant, mais d’investir dans un produit qui va avoir plusieurs vies, qui doit contribuer à réparer la planète.” Quand on sait que 88 % des Français changent de téléphone portable alors qu’il fonctionne encore, l’une des premières choses à faire pour sauver la planète est de perdre le réflexe de jeter. 

Upcycling, recyclage, dons : des alternatives à la consommation neuve

Les alternatives aux produits neufs sont nombreuses. Avec l’upcycling, démarche éthique et tendance, l’idée est de donner une nouvelle vie à ses anciens meubles en utilisant des éléments existants. Vous avez besoin d’une nouvelle table basse ? Pourquoi ne pas utiliser les vieilles chaises en bois qui trainent dans votre grenier pour les transformer ? Si vous n’avez pas l’âme bricoleuse, pensez à la seconde main. Emmaüs, Leboncoin ou même la bonne vieille brocante, c’est l’endroit idéal pour meubler son intérieur sans acheter du neuf. Et dernier conseil, ne jetez plus, donnez ! De nombreuses structures comme les ressourceries récupèrent vos vieux meubles et les rénovent. 

En complément, Majdouline Sbai recommande de s’intéresser aux matières premières qui composent le produit mais aussi à la traçabilité de ce dernier. De nombreux labels existent et permettent d’attester aux consommateurs de la durabilité d’un produit. C’est le cas notamment du label FSC qui certifie que le meuble en bois que vous avez l’intention de vous procurer provient d’une forêt gérée écologiquement. L’enseigne Maisons du Monde par exemple propose des meubles en bois certifiés responsables ou bois tracé grâce à cette certification reconnue dans 83 pays. La marque française a également lancé sa sélection de produits responsables Good is beautiful afin de guider les consommateurs dans le choix de leurs produits en portant une attention particulière dans la sélection des matières pour privilégier les matières premières à faible impact environnemental comme le coton biologique ou les matières recyclées.

Reste encore à donner envie d’adopter une consommation plus responsable. Il s’agit, selon la sociologue, du plus grand défi. “Comment faire en sorte que cette évolution devienne désirable ? ”, s’interroge-t-elle. Une question fondamentale pour les années à venir.

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