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Dix pour cent rebooste les séries françaises

Hier soir, France 2 diffusait les 3ème et 4ème épisodes de « Dix pour cent », la série inspirée par Dominique Besnehard et réalisée par Cédric Klapisch qui relate le quotidien des agents d’acteurs. Interview d'Harold Valentin, Producteur de la série.

Vous êtes passés à côté ? Dix pour cent, c’est la série frenchie qui cartonne en ce moment. Diffusée sur France 2, elle insuffle dynamisme et fraîcheur dans le paysage des fictions télés, et ça fait du bien. Harold Valentin, producteur et fondateur de Mother production, nous livre les dessous du succès de cette pépite.

A l’origine même du projet, une idée de Michel Vereecken, Julien Messemackers et Dominique Besnehard, le plus célèbre des agents français. « C’est une fiction, inspirée de la vie et de personnages réels ». A chaque épisode, un guest apparaît dans son propre rôle. Les stars du grand écran s’emparent du petit, et c’est très réussi : après une Cécile de France prête à (presque) tout pour jouer dans un film de Tarantino, Line Renaud et Françoise Fabian se battait pour un rôle tandis que Laura Smet et Nathalie Baye donnaient un aperçu de leur relation mère-fille. « Nous jouons avec des codes d’autodérision qui sont plus anglo-saxons que français… ». Les acteurs jouent avec leurs propres noms des histoires arrivées à d’autres. « On a eu des refus, mais tous ceux qui ont accepté l’ont fait avec enthousiasme : ils ont tous envie de faire partie d’une aventure, de s’amuser, de nous faire confiance ». Ici, pas d’acidité mais une comédie humaine. « On parlait des scénarios avec eux, on ajustait… Les scènes n’ont pas forcément de proximité avec leur vie : c’est aussi pour ça que ça leur plaisait ». Pas question de faire un documentaire : « dans ce métier de passion, la fiction prend parfois le pas sur le réel. Si les idées sont inspirées de la vraie vie, cela reste romancé ».

Autre invité de marque au casting : Cédric Klapisch, qui réalise les épisodes. « On n’était pas sûrs du casting : dans certains de ses films il a pu se montrer assez caustique envers la télévision ». Mais les séries Outre-Manche et Atlantique ont révélé les enjeux créatifs pour les réalisateurs, et le projet l’a séduit. « Quand il a lu le texte, c’était la première fois depuis Un Air de famille qu’il avait envie de réaliser quelque chose qu’il n’avait pas écrit ». Sa capacité à « animer un chœur de personnages » rythme les épisodes. « Il est du côté de la tendresse, de l’humanité, et il apporte sa patte : on retrouve des scènes de cinéma ».

Pour le choix des acteurs, les équipes ont organisé un « casting collectif. C’était une période super joyeuse ». Tout le monde se réunissait pour visionner les essais. « Une série, à la différence du cinéma, c’est une œuvre collective ». En France, ce n'est pas comme aux Etats-Unis : il n’y a pas un « showrunner » qui parcourt les plateaux, qui produit la série, qui parle aux comédiens… « Il faut allier les compétences ».

Initialement pensé pour CANAL+, c’est finalement France 2 qui adopte Dix pour cent. « On a fait monter les enjeux personnels et émotionnels des récurrents : chaque sujet professionnel est métissé d’un enjeu personnel ». Aucun dialogue, aucune situation ne porte que sur le travail. « Nous voulons toucher le grand public ». Les références : Ally McBeal ou Suits plutôt qu’Entourage. « Aujourd’hui la fiction de France Télévisions parle essentiellement aux plus de 60 ans ». Il y a donc un enjeu pour la chaîne, qui voudrait élargir son audience. « Il y a très peu de formats qui s’adressent à une cible plus jeune. Et pourtant, la semaine dernière, nous étions 3ème sujet dans les tendances de Twitter ».

« La télévision, ce sont des rituels ». Les habitudes des téléspectateurs n’incitent pas forcément à la prise de risque. « Quand tu fais quelque chose d’original, il y a toujours une chance de perdre une partie de public qui ne reconnaît pas ses codes habituels ». D’où l’importance d’avoir un bon rythme. « Quand on est dans le contemporain sans être dans le polar ou le thriller, il faut avoir une cadence qui emmène le public : il se rend compte tout de suite du succès ou non de la série. Ici, les seuls enjeux sont les rapports entre les personnages ».

Dix pour cent apporte comme un vent de renouveau aux séries françaises. Comment expliquer que les créations qui réussissaient à fédérer les foules n’aient été, jusqu’alors, que l’apanage de CANAL+ ou d'Arte ? « On est tous fascinés par les séries du câble américain ». Aujourd’hui, il faut faire des séries exigeantes pour le grand public. Les succès anglais ou américains montrent bien que les téléspectateurs peuvent suivre des programmes profondément originaux s’ils ont été écrits avec suffisamment d’intelligence et de rythme. « En France, la télé a été le parent pauvre de la fiction pendant longtemps ». Le cinéma a longtemps attiré tous les talents, la pub a privilégié les formats de 90 minutes, et les géants de la nouvelle vague n’ont pas transmis leur savoir-faire narratif. « A l’époque, le réalisateur écrivait tout et s’autorisait beaucoup de choses. Mais n’est pas Godard qui veut, et à la fin des années 70 et au début des années 80, quelque chose s’est cassé ». Avec les années 90 et l’arrivée des grandes séries américaines, les scénaristes se sont rendu compte qu’il fallait réapprendre la dramaturgie. « Pour se libérer des codes, il faut les connaître. Ils avaient besoin de rattraper un certain retard narratif : la nouvelle génération n’a pas rechigné à se familiariser aux bases ». Par ailleurs, les formats proposés en TV fonctionnaient très bien avant l’arrivée de la TNT et des séries étrangères. « On n’avait pas forcément besoin de se réinventer avant ça »…

Aujourd’hui, le public est très éduqué à la fiction : les écrans en sont abreuvés depuis 10 ans. « Les exigences montent », et il est d’autant plus compliqué de résoudre l’équation de l’audience : comment attirer un public plus jeune qui pense qu’une chaîne ne s’adresse qu’aux plus de 60 ans sans perdre son public principal ?

 

Pour le moment, Dix pour cent semble conjuguer à merveille les attentes : les jeunes parlent du programme sur les réseaux sociaux, les 30-59 ans sont conquis, et même les Anglais ont remarqué la série« Nous avons rompu les habitudes. Mais la très bonne campagne qui a précédé le lancement a permis d’alerter le public : il allait se passer quelque chose ».

La première saison n’est pas terminée que la deuxième est déjà en cours d’écriture. « C’est plus facile : on connaît les personnages, ça s’anime différemment. Il y a une grosse envie de la part de l’équipe ».


Retrouvez les premiers épisodes en streaming et la semaine prochaine sur France 2 ! 


Mélanie Roosen

Mélanie Roosen est rédactrice en chef web pour L'ADN. Ses sujets de prédilection ? L'innovation et l'engagement des entreprises, qu'il s'agisse de problématiques RH, RSE, de leurs missions, leur organisation, leur stratégie ou leur modèle économique.

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