
Des façades des bâtiments aux produits du quotidien, les marques se sont imposées sur les écrans. Martin Piot et Paul Groves de l’agence W expliquent comment ces dernières ont imposé une nouvelle grammaire visuelle en mouvement.
En 2019, il est difficile d’échapper aux écrans. Dès le plus jeune âge, les enfants cumulent plus de 16h de visionnage par semaine. Ce chiffre monte même à 25h par semaine après 11 ans ! Sur YouTube plus d’un milliard d’heures de vidéos sont regardées par jour tandis que les stories d’Instagram attirent 150 millions d’utilisateurs. Quand les écrans ne sont pas regardés dans l’intimité, ils s’imposent à notre regard dans la rue. Moins chers et toujours plus grands, ces nouveaux panneaux publicitaires peuvent dépasser les 500m de long comme celui du Harmony Times Square en Chine.
Quand les marques tâchent de survivre au flux
Face à cette transformation de notre environnement, le branding s’est adapté. Alors que les marques étaient gravées dans la pierre des sièges sociaux, elles doivent à présent se faire une place dans un flot continu d’information. « C’est devenu un véritable enjeu pour elles, explique Martin Piot, Directeur général chez W. L’important est d’exister sur une multitude d’écrans, de formats, sans perdre son état d’esprit, son ADN de marque. »
Qui dit nouveau support dit aussi nouvelle grammaire. Pour répondre à ces défis, les agences ont changé leur manière de travailler. Les motion designers, spécialisés dans l’animation et la conception du mouvement sont venus enrichir les équipes de DA et de graphistes. « Voilà un an et demi que ce changement s’est accéléré, confie Paul Groves, directeur de création chez W. On a changé notre manière de travailler et aussi notre état d’esprit. Il faut être capable d’imaginer et de scénariser le mouvement. C’est tout un nouveau pan du storytelling qui s’ouvre et les jeunes créatifs qui sortent d’école sont bien formés sur ce sujet. On profite de leur arrivée dans l’entreprise pour qu’ils transmettent leur savoir aux graphistes plus anciens. »
Jouer la carte du local
Concrètement, comment se joue ce changement de medium et d’échelle ? Dans un premier temps, les marques ont bien compris qu’elles pouvaient jouer la carte de l'hyper proximité et personnaliser leur image en fonction de l’endroit où elles sont exposées. C’est notamment le cas de Google qui rythme le calendrier avec ses doodles personnalisés. Les hôtels comme Jo&Joe ou les magasins Soho font exactement la même chose en adaptant leur logo aux villes dans lesquelles ils sont implantés.
« Le glocal est un élément qui nous préoccupe énormément, explique Martin Piot. On est à la fin d’un cycle ou Coca où d’autres grandes marques essayaient d’imposer leur vue sur le monde. Aujourd’hui on mise sur de l’hyper proximité avec des marques qui cherchent à montrer qu’elles sont ancrées ici. »
Des marques en connivence avec le public
Outre cette hyper personnalisation, les marques gagnent aussi en mouvement pour mieux s’adapter aux publics, tel un caméléon, influer sur les comportements et susciter des émotions. L’un des exemples les plus frappants reste le logo du Qatar prévu pour la Coupe du monde 2022. Relié au son du stade et aux différents hashtags utilisés sur Twitter, ce dernier change de forme en fonction de l’émotion du public.
Pour ce qui est de la connivence, c’est le logo Stride, une marque de chaussures, qui est montré en exemple. Ce dernier réplique les mouvements d’un coureur, pour mieux se mettre au niveau de sa cible. « Avant les marques clamaient haut et fort “regardez comme je suis belle”, poursuit Martin Piot. Maintenant elles demandent aux clients qu’on les accepte et tente de faire un bout de route avec eux. On n'est plus dans une sorte de communication du sacré, mais dans un accompagnement. »
Pour ce qui est de l'engagement, la marque Powen tire son épingle du jeu. Cette compagnie d'électricité espagnole veut accompagner ses clients dans la consommation responsable d'énergie solaire. Pour cela, elle remplace une lettre de son logo par un petit pictogramme qui change de forme et de couleur en fonction de l’heure et de l’utilisation d'électricité. Quand elles ne jouent pas avec nos émotions, les marques s’amusent aussi avec nos sensations. C’est notamment le cas avec le logo de la BBC2 qui met en scène la courbe du nombre 2 dans différents paysages purement tactiles, sonores et visuels.
Attention à la surcharge informationnelle
Bien évidemment, le grand risque de cette nouvelle grammaire, c’est le trop-plein d’information. Martin Piot rappelle qu’il ne faut pas laisser le mouvement et la vitesse nous griser. Puma fait office de contre-exemple parfait avec son film 9.58 secondes. Il s’agit du temps de course du record d’Usain Bolt en 2009 qui sert de cadre pour la présentation des 250 pages du rapport annuel de la marque.
« On ne va pas conseiller de faire un logo qui bouge, simplement parce que c’est la mode, conclut-il. Il ne faut pas oublier de coller à la marque et de donner du sens. Moins que le mouvement, nous avons surtout besoin de sens et de consistance. »
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