homme coucher de soleil

L’équation pour être heureux

Et si le bonheur était simple comme une formule mathématique, applicable à tous ? C’est le pari de Mo Gawdat, Chief Business Officer de Google [X].

Solve for Happy, le livre de Mo Gawdat qui théorise l’accès au bonheur avec une formule mathématique – et une bonne dose de remise en question – sort dans son édition française en janvier 2018. L’occasion de faire le point ! Interview.

 

Vous prétendez avoir découvert l’équation du bonheur… Les algorithmes ne sont-ils pas destinés aux machines ?   

Mo Gawdat : J’ai développé le modèle de Solve for Happy pendant 10 ans, en partant du constat que plus j’avais de succès dans mon travail, moins j’étais heureux. Ma méthode, contrairement aux livres de développement personnel traditionnels, repose sur une formule mathématique qui fonctionne à tous les coups, car l’être humain est très prévisible ! Nous nous ressemblons tous et toutes ! La preuve : chacun-une naît heureux-euse par défaut, à condition que nos besoins vitaux soient comblés. Quand un bébé pleure, il a toujours une bonne raison : il a faim, il a froid, il est fatigué… Et chacune de ces situations peut trouver une solution, qui satisfera de nouveau l’enfant. Le problème, c’est qu’en grandissant, nous couvrons ce bonheur initial avec des couches de malheurs, causés par la différence entre les événements que l’on vit à un instant donné et ce que l’on attend de ces événements.

L'équation du bonheur selon Mo Gawdat

Anxiété, inquiétude, peur, culpabilité, honte… Ce sont autant de sentiments qui vous assaillent lorsque votre cerveau se rend compte qu’un événement ne correspond pas à vos attentes. Chaque jour, le cerveau humain moyen a entre 60 et 70% de pensées négatives. Si on l’on prend le temps d’y réfléchir deux minutes, on voit bien qu’un tel ratio n’est pas possible.

 

La vie n’est donc pas si terrible ?

M. G. : Au contraire ! Ce n’est pas la vie qui est terrible, mais notre résolution de l’équation qui et mauvaise. Nos cerveaux sont soumis à ce que j’appelle 6 grandes illusions (la pensée, soi, le savoir, le temps, le contrôle et la peur) et 7 « angles morts » (les filtres, les suppositions, les prévisions, les souvenirs, les étiquettes, les émotions et l’exagération) qui déforment notre vision de la vie. Ces 6 grandes illusions sont des concepts du monde moderne que l’on a identifiés comme étant ceux qui doivent nous guider, et les 7 angles morts sont des fonctions qui nous étaient utiles à l’âge de pierre, mais qui affectent aujourd’hui la façon dont le cerveau digère une information et dont nous percevons la réalité. En ce qui me concerne, l’illusion du contrôle a été longtemps responsable de mon malheur : à cause de la façon dont le monde moderne évolue, nous avons tendance à vouloir tout contrôler. Or l’univers est tel que tout s’y désintègre à force de grandir, grossir, et devenir hors de contrôle ! C’est le principe même de la physique. Vouloir tout contrôler, c’est avoir la garantie d’être malheureux-euse tout le temps, car l’univers sera contre vous. Les seules choses que vous pouvez contrôler sont vos actions et votre attitude. Dès lors que vous l’accepterez, vous serez en paix. Une fois que vous avez identifié les illusions et angles morts qui vous affectent, il faut vous accrocher aux 5 vérités ultimes : l’instant, le changement, l’amour, la mort et la création.

An Algorithm for Happiness with Mo Gawdat

Vous avez vous-même éprouvé votre modèle…

M. G. : Oui, lorsque j’ai perdu mon fils Ali à cause d’une erreur humaine. Il était mon mentor. C’est probablement l’épreuve la plus difficile qui soit. Pourtant, avec ma femme, nous allions bien. Je ne dirai pas que nous étions heureux… Mais ça allait. La vie n’est dure que pour deux raisons : pour vous apprendre une leçon, ou vous faire changer. J’ai voulu changer en rendant un maximum de gens heureux. Il y a, bien entendu, des gens qui se complaisent dans le malheur : c’est une forme d’égo. Je suis triste, je suis une victime, mais je suis aussi un-une héros-oïne car je réussis à me lever chaque matin.

 

 

La définition du bonheur varie-t-elle d’un pays à l’autre ?   

M. G. : Absolument. Dans le monde moderne, on a tendance à assimiler le bonheur et la fête, le divertissement, dans une tentative de le « consumériser » … Alors qu’en réalité, vous engourdissez votre cerveau, vous tentez de vous évader, d’échapper à votre vie. Le bonheur est très différent : c’est un sentiment de paix et de contentement envers la vie.

Paradoxalement, les gens les plus malheureux sont en Occident. Il y a une culture de la plainte qui n’existe pas ailleurs. En Colombie, en Inde ou au Kenya, on préfère se concentrer sur ce que l’on possède plutôt que sur ce qui nous manque. Les attentes de la vie sont différentes des nôtres : là où nous pouvons nous montrer critique envers une tâche sur une nappe dans un restaurant gastronomique, dans certains pays, on se réjouit de trouver de quoi manger pour la journée.

 

Quand on pense à ces populations, on se dit que l’on peut aussi être malheureux pour autrui.

M. G. : Pensez d’abord à vous ! Après vous pourrez aider les autres : c’est comme dans l’avion. Commencez par vous rendre compte de ce que vous avez, et réjouissez-vous plutôt que de vous accabler de tous les maux du monde. Quand vous avez trouvé le bonheur, trouvez la compassion. Puis vous pourrez aider. Il ne faut pas se motiver par le négatif, la colère ou la rage. Vous pouvez comprendre la souffrance et la difficulté d’autrui, mais cela ne veut pas dire que vous devez en souffrir vous-même.

 

Diriez-vous que les gens sont plus malheureux aujourd’hui qu’auparavant ?
M. G. : Tout-à-fait. Le taux de suicide est plus élevé que jamais, les antidépresseurs se vendent par milliers, … Et pourtant, nous avons tout à disposition : les supermarchés sont remplis des meilleurs produits alors que nos ancêtres souffraient de la faim, nous pouvons voyager alors que le monde n’était fait que de frontières, …

 

Est-ce que le travail est une source de malheur ?

M. G. : Dans le monde moderne, le travail est un environnement simulé où le contrôle, l’égo et la peur sont les principaux moteurs. Heureusement, vous n’êtes pas obligés-ées d’accepter cela : il y a une différence entre travailler dur et être stressé-ée. Pour commencer, il faut travailler pour une entreprise ou une cause qui vous plaît, avec des collègues que vous admirez. Le problème, c’est que les gens n’ont pas les bonnes priorités : une bonne opportunité de carrière ne se mesure pas au salaire, ni au titre ou aux perspectives d’évolution, mais au bonheur qu’elle engendre. Dès lors il ne faut pas avoir peur de quitter un emploi qui ne nous satisfait pas.

 

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui n’a pas lu votre livre ?

M. G. : De se donner des priorités, et de les atteindre. Les relations, le travail, la vie doivent être considérés de sorte à atteindre un but unique : le bonheur. A chaque fois que vous aurez une décision à prendre, faites le choix d’être heureux-euse. Pas d’être plus riche, plus décoré-ée ou plus puissant-ante. Et dites-vous qu’il n’y a en général que deux événements qui sont responsables de votre malheur : une fois que vous les identifiez, n’hésitez pas à passer 90% de votre temps à les résoudre.

 


En savoir plus sur le livre de Mo Gawdat, Solve For Happy

Interview réalisée dans le cadre du HUBDAY - Future of Work

Mélanie Roosen

Mélanie Roosen est rédactrice en chef web pour L'ADN. Ses sujets de prédilection ? L'innovation et l'engagement des entreprises, qu'il s'agisse de problématiques RH, RSE, de leurs missions, leur organisation, leur stratégie ou leur modèle économique.

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