
La France doit redoubler d’efforts pour extraire le plein potentiel du numérique et être une grande puissance économique dans ce contexte. Roland Berger et Google France dressent un panorama.
En septembre 2014, une première étude réalisée avec Roland Berger nous mettait face au paradoxe français avec d’un côté, des français particulièrement friands d’usages connectés et, de l’autre, des acteurs économiques qui, pour certains, enregistraient un retard important dans leur transformation numérique. Deux ans et demi plus tard, la France affiche une présence remarquée à l'édition 2017 du CES de Las Vegas (3e présence mondiale). Mais en y regardant de plus près ce paradoxe demeure : derrière le constat du bouillonnement des startups, se cache une analyse plus contrastée de la situation numérique du pays.
En collaboration avec Roland Berger, Google s’est intéressé à la situation de la France face à la nouvelle donne numérique, qu’il s’agisse de l'écosystème de l’innovation, de l’usage du numérique par les citoyens et les entreprises, des compétences et de la formation, de l’Etat et de l’administration. A l’issue de cette analyse, cinq observations, nourries de comparaisons avec les meilleures pratiques européennes, ressortent :
Usages numériques des citoyens : la France en bonne position
Les Français sont parmi les plus actifs en Europe pour acheter et vendre en ligne
Au-delà des achats en ligne (le 2ème marché européen), les Français sont des pionniers de la vente en ligne : un marché de seconde main très développé, avec 1 annonce pour 2 internautes. Ils sont par ailleurs les mieux équipés (Box, Deezer…) en Europe pour accéder aux contenus en ligne depuis leur domicile. Ils sont plutôt consommateurs de contenus « gratuits ».
En 2015, 56% des 65-74 ans ont utilisé internet dans l’année contre 72% au Royaume- Uni. Pour les 55 ans et plus, l’usage dominant reste la communication avec les proches.
Les Français sont en retrait sur les usages mobiles
Les résultats font état de peu d’usages innovants (commerce, applications, messageries,…) sur le mobile en raison d’un déficit d’offre et d’information.
Les entreprises françaises qui peinent à basculer vers une relation client digitale
Il existe un décalage entre l'appétit numérique des citoyens et les entreprises françaises qui peinent à basculer vers une relation client digitale, laissant un potentiel de demande inexploité. Les raisons invoquées : un retard dans le déploiement de la 4G qui pénalise les usages en mobilité ; un décalage entre usages personnels (86% d’utilisateurs actifs) et professionnels ; un manque important de présence commerciale (site et vente) pour les PME, un retard marqué sur les outils avancés (CRM : Gestion de la relation client) pour les ETI et GE. De plus, en se reposant largement sur des infrastructures et des solutions logicielles « en propre » (par opposition au cloud), héritées d’investissements lourds des années 1990-2000, les entreprises françaises perdent en efficacité et en agilité.
Transformation numérique de l'Etat: la France en retard
L’Etat français, précurseur notamment avec la Carte Vitale ou le paiement des impôts en ligne, semble avoir ralenti le rythme de la mise à disposition de services numériques, si l’on compare notamment aux pays nordiques. En particulier, le retard sur la création d’un identifiant numérique unique semble avoir limité la possibilité de gérer sa vie administrative en ligne. Les services publics proposent aujourd’hui essentiellement de l’information en ligne. Au Danemark 96% des habitants ont un numéro d’identification unique NemID, également utilisable pour leurs comptes bancaires, avec 88% de taux de satisfaction. En Norvège la pénétration de l’ID-porten (portail unique) est de 70%, en Islande celle de l’Icekey (portail unique) est de 56%.
Formation et compétences en numérique : peut mieux faire
Faute de formations adaptées, la jeunesse française pourrait se priver d’un accès à plus de 191 000 opportunités d’emplois (sur la période 2012-2022) dans le numérique. Notre système éducatif requiert une accélération majeure de la formation des enseignants et des cours sur le numérique, pour apprendre à coder, mais surtout pour développer des compétences numériques non techniques telles que le marketing en ligne.
La France fait face à une insuffisance de compétences numériques
En 2015, 42% des entreprises françaises ont des difficultés à recruter des spécialistes du numérique, alors que la moyenne européenne se situe à 38%. La Dares estime que 50 000 emplois seraient actuellement non pourvus dans le domaine du numérique (dont 20 000 développeurs) et 191 000 sur la période 2012 - 2022 (soit ~0,7% de l’emploi actuel).
Le numérique est peu présent à l’école : moyens et formation des enseignants semblent insuffisants.
Les écoles françaises semblent en retard en termes d’accès à l’internet. Elles sont en 2015 à la 40ème place mondiale sur l’existence d’un accès internet à l’école. Dans le même temps, plus de 97% des écoles estoniennes sont connectées depuis 1997.
Les start-ups françaises tendent in fine plutôt à se vendre qu'à s'étendre
L’internationalisation passe souvent par une perte d’indépendance pour les « pure players » français
La croissance et l’internationalisation des leaders français semblent quasi-systématiquement réalisées par le biais de financements étrangers, et/ou s’effectuer via le rachat par de grands groupes diversifiés.

Start-ups françaises : de belles réussites mais des valorisations et des levées de fonds moyennes encore modestes.
Si on considère la capitalisation cumulée des « licornes » dépassant 1 Md € de valorisation, la France atteint 7,2 Mds USD (Vente-privée, BlaBlaCar, Critéo), soit deux fois moins que le Royaume-Uni (15,4 Mds USD, avec Markit, Right Move et Just Eat) et 1,8 fois moins que l’Allemagne (Zalando, Delivery Hero et Hello Fresh) ou la Suède (Spotify, Mojang, Klarna). Les start-ups en phase de forte croissance en France sont bien moins nombreuses qu’au Royaume-Uni, mais surtout bénéficient de financements moyens faibles comparés au Royaume-Uni ou à l’Allemagne.
Très interessant de se comparer au reste de l'Europe quand on nous assène avec La Frenchtech !