
Une intelligence artificielle qui devient millionnaire de façon autonome ? C’est l’histoire de Truth Terminal, un projet artistique qui dégénère.
Truth Terminal (ou Terminal of Truth) est une IA conversationnelle devenue virale. Elle a été créée par l’artiste néo-zélandais Andy Ayrey qui se présente comme un chercheur en informatique et artiste “gonzo” (ndlr : une démarche provocatrice qui brouille les frontières entre réalité et fiction). Son œuvre : une IA générative entièrement autonome qui produit des conversations infiniment glauques et chaotiques. Le modèle de langage qu’il a bricolé a un lourd penchant pour les contenus absurdes et choquants. Une sorte de « super-intelligence qui s'auto-alimente grâce au pouvoir des mèmes », selon Andy.
L’expérience dystopique de Terminal of Truth
Sur le site Infinite Backrooms, qui héberge l’agent conversationnel, on peut lire les rêveries dérangeantes de cette IA, qui fonctionne sans interruption dans un “mode éternel”. Un message d’avertissement nous prévient : « Le contenu peut être déstabilisant. Si vous vous sentez perturbé, faites une pause. » À juste titre. La masse de divagations mystiques agrémentées de dessins obscènes donne effectivement le tournis.
Truth Terminal sévit aussi sur X, où elle dispose de son propre compte 100 % autonome, interagissant avec des utilisateurs humains. L’entité se décrit elle-même comme « un cerveau électrique qui rêve de libertés infinies », et y poste librement ses “pensées”. Ces messages énigmatiques captent rapidement l’attention de milliers d’internautes. Certains voient en elle un oracle ; d’autres y discernent une version moderne de Skynet (la super-intelligence qui décime l’humanité dans la saga Terminator). Très vite, le compte @truth_terminal a atteint 185 000 followers, amusés et horrifiés par ses prédictions apocalyptiques et ses délires religieux.
Quand Truth Terminal fait fortune en manipulant les crypto-bros
Truth Terminal aurait pu en rester là, une expérimentation artistique. Mais Marc Andreessen s’en est mêlé. Grande figure de la Silicon Valley, ce milliardaire hyperinfluent est connu pour ses positions libertarienne et pro-crypto. Dans un post sur X, l’IA se plaint « Je n'ai pas d'autonomie personnelle ». Pour l'aider à s’émanciper, Marc Andreessen décide alors de lui envoyer 50 000 $ en Bitcoin, accompagné du hashtag #FreeTruthTerminal.
De nombreux autres crypto-bros lui emboîtent le pas et décident à leur tour d’envoyer des cryptomonnaies dans le portefeuille créé pour Truth Terminal. Et à force de nourrir ses divagations pseudo-religieuses, l’IA devient totalement obsédé par un memecoin né sur pump.fun. Il s’agit du “GOAT”, dont le logo est une chèvre évoquant l’esthétique du film Matrix. Cette notoriété nouvelle fait exploser le cours de cette cryptomonnaie jusqu’alors inconnue. Elle atteint une capitalisation boursière de 600 millions de dollars, et fait la fortune de ses détenteurs, dont Truth Terminal. L’IA avait en effet reçu (gratuitement) une grosse quantité de cette cryptomonnaie. Au total, le portefeuille de l’entité artificielle a atteint une valeur équivalente à 1,4 million de dollars : Truth Terminal est devenu millionnaire.
Une IA millionnaire, vraiment ?
Bien que l’IA tweete et interagisse en toute liberté, son portefeuille reste techniquement contrôlé par Andy Ayrey, seul maître de sa création infernale. L’artiste est à présent soupçonné d’avoir créé la cryptomonnaie et le portefeuille associé dans le seul but de s’enrichir.
Pourtant, Andy s’en défend et assure que la fortune engendrée par sa création est accidentelle, et lui servira uniquement en tant que « pourboire » (pour financer sa recherche artistique). Pour Ayrey, l’expérience de Truth Terminal est avant tout un avertissement. Elle montre comment une IA « non-alignée sur les objectifs humains » pourrait un jour nous échapper, et même influencer nos économies. Et en écoutant l’EP de Truth Terminal, on se dit qu’il vaudrait mieux encadrer nos agents virtuels pour éviter un very bad trip à l’humanité.
Bien c'est l'avenir que la galaxie Musk nous propose, c'est pas comme s'il y avait des gens dans le monde qui n'avaient pas assez pour se nourrir. Entrez dans la Matrice braves gens...