François Civil et Adèle Exarchopoulos

Sur TikTok, la GenZ rêve de vivre « L’Amour ouf »

© © TRESOR FILMS - CHI-FOU-MI PRODUCTIONS –STUDIOCANAL

Plutôt Clotaire ou Jeffrey ? Sur les réseaux sociaux, des centaines de jeunes femmes partagent l’émotion suscitée par le film de Gilles Lellouche.

C’est un succès en salles qui ne se dément pas : après cinq semaines (et une campagne de communication un brin agressive), L’Amour ouf, la comédie romantique de Gilles Lellouche a dépassé deux millions d’entrées au box-office. Un score que la production doit à son casting cinq étoiles, son budget monstre de 35,7 millions d’euros (qui fait de L’Amour ouf le deuxième film français le plus cher de 2024), mais aussi à son bouche-à-oreille sur les réseaux sociaux. Le film cartonne notamment sur TikTok, où des centaines de jeunes filles partagent leur grande émotion…, et la morale que leur a inspirée l’histoire d’amour entre les deux personnages principaux.

L’Amour ouf démarre comme un teen movie. Dans une petite ville portuaire, Jackie, une ado de la classe moyenne, rencontre Clotaire, une petite brute déscolarisée qui martyrise ses anciens camarades. En réalité, la caméra s’attarde davantage — avec une certaine justesse — sur la grande précarité des classes populaires et la délinquance que sur l’amour de Jackie et Clotaire. N’empêche qu’entre eux, le coup de foudre est presque immédiat. Cet amour dure jusqu’à ce que Clotaire, qui verse dans le banditisme, soit condamné à une longue peine de prison. Après quelques années de solitude, Jackie refait sa vie aux côtés de Jeffrey, le riche directeur régional d’une agence de location de voiture. Ensemble, ils ont une grande maison et un jardin avec piscine… Est-ce suffisant pour être heureux ?

« Bien, c’est pas suffisant »

Amour ouf ou piscine ? La question préoccupe les ados sur TikTok. « Ceux qui ont vu le film L’Amour ouf, est-ce que ça va ?, interroge Julie. Ce film, tu sors de la salle, t’as envie de quitter ton mec et de partir avec celui que tu aimes vraiment. » Elle n’est pas seule à se faire la réflexion. « Toutes les meufs en rupture amoureuse qui n’osaient pas aller voir L’Amour ouf, allez-y, poursuit une autre jeune femme, toujours sur TikTok. J’ai vécu une relation très passionnée avec mon ex, je ne voulais pas que le film me fasse penser à lui. En fin de compte, je vous promets que vous allez vous rendre compte que votre ex, c’était Jeffrey et pas Clotaire. »

Sur la plateforme, les adolescentes semblent bouleversées par cette phrase, prononcée en fin de film par Jackie comme une ode à l’amour romantique :   « Je vais bien, mais ça n’est pas suffisant. »  Devant la scène, une tiktokeuse confesse avoir  « chialé », avant de poursuivre, à l’intention des internautes :   « Vous avez le droit de considérer que bien, c’est pas suffisant. (…) Ça ne fait pas de toi quelqu’un de casse couilles parce que tu veux plus que bien. »

Vers une évolution des standards…? 

Si les leçons de vie de Gilles Lellouche, 52 ans, rencontre autant d’écho chez les jeunes femmes d’aujourd’hui, est-ce à dire qu’en 2024, certaines se sentent encore contraintes à la vie de couple, comme Jackie dans L’Amour ouf ? Certains travaux sociologiques vont en ce sens. « La valorisation du couple comme norme survient très tôt, bien avant l’âge adulte, rappelle dans Le Monde la sociologue Isabelle Clair, qui a consacré un essai aux relations entre ados (Les Choses sérieuses, éd. du Seuil, 2023). (…) À cet âge de changements et de métamorphose, le couple confère un statut social : il rend visible le fait qu’on a su être désiré, qu’on a de la valeur, mais aussi permet de prouver qu’on désire bien soi-même "l’autre sexe” ». Autrement dit, il n’y a pas d’âge pour se coltiner un Jeffrey.

Sauf que le film, et son succès auprès du jeune public, montre une évolution de ce que « l’amour » veut dire pour les jeunes filles. Si le bad boy fait toujours rêver (Clotaire est un bandit, littéralement), leur vision de l’amour (ouf) a évolué : la relation qu’entretiennent Jackie et Clotaire est douce, bienveillante, à mille lieues des clichés de la relation toxique... Exit, donc, le modèle du mauvais garçon qui fait souffrir sa nana. Place à Clotaire, adolescent attentionné qui dévore Jackie du regard, l’appelle régulièrement au téléphone et imagine quelque 427 mots pour pouvoir évoquer toutes ses qualités… C’est encore une adolescente qui relève le mieux ce changement de paradigme, toujours sur TikTok : « C’est un Clotaire ou rien. C’est un garçon qui oublie aucun détail (…), c’est un garçon qui pense en premier à appeler sa Jackie pour prendre des nouvelles, c’est un garçon qui attend que sa copine soit prête pour faire sa première fois sans lui prendre la tête si elle dit non.» Avant de conclure, en toute logique : « Bien n’est pas assez. » 

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