
Sissy, impératrice du fitness, star des réseaux, entrepreneuse à succès. Mais comment fait-elle ? Bienvenue dans les coulisses d'un business qui met la passion au centre, et les relations parasociales au fondement.
Passionnée de sport et de culture physique, influenceuse solaire, entrepreneuse à succès... Sissy Mua, 32 ans, est une des personnalités française les plus actives dans le fitness en ligne. Le tout a pourtant commencé comme tant d'autres, par des vidéos filmées depuis sa chambre d'étudiante. Elle suivait alors un cursus d'ingénieur à l'université de technologie de Compiègne. C'est lors d'un voyage aux États-Unis qu'elle découvre les cours de fitness en ligne et l'opportunité de faire de son hobby un projet. The rest is history. Au fil des années, avec son compagnon, sa communauté se forme, toujours plus nombreuse, toujours plus engagée, et le projet tourne à l'entreprise... Sissy Mua avec son compagnon Tini, dirige à présent une équipe d'une petite trentaine de personnes, elle est présente sur toutes les grandes plateformes (YouTube, Facebook, Instagram, TikTok) et interagit au quotidien avec sa communauté. Tini et Sissy, les Tissy donc, ont lancé une appli d'entraînement sportif – TrainSweatEat – lui à la tech, elle à la com' – qui a convaincu plus d'un million cinq abonnés, une ligne de produits de suppléments alimentaires et une boutique en ligne (food.trainsweateat.com), et organisent des événements. Le premier pop-up store de la marque s'est déroulé à Paris en octobre 2022 et a provoqué un rassemblement digne des stars. Son second show – le TSE Show – s'est tenu cette année à Lyon les 17 et 18 juin 2023 et a réuni près de 2 000 personnes qui ont pu s'entraîner avec Sissy et son équipe de coachs et discuter avec eux dans une atmosphère enthousiaste et bienveillante.
Sissy elle-même n'essaiera pas de faire passer son succès pour un miracle. Alors même qu'il y a entre elle et sa communauté une relation qui tendrait presque au culte. Elle revendique surtout beaucoup de travail, de patience, une passion sincère, une équipe soudée et l'envie de faire communauté avec ses abonnés - abonnés qui ne demandent que ça. D'ailleurs, elle qui doit tant aux réseaux adore provoquer des rencontres physiques, en « chair et en muscles » avec ses « fit gens ». Bref, Sissy incarne ce qu'il conviendrait d'appeler le marketing parasocial, ou quand business et passion ne font plus qu'un... plus qu'une en l’occurrence. Sur quoi repose la recette ? On a demandé à Sissy Mua elle-même.
Comment expliquez-vous le lien très étroit que vous avez créé avec votre communauté ?
Sissy Mua : Il y a d’abord un facteur temps : j'ai commencé mes premières vidéos il y a 14 ans et mon programme sur YouTube existe depuis plus de 10 ans. Mais au-delà des réseaux sociaux, j'ai eu l'occasion à de multiples reprises de rencontrer la communauté. Et c'est vrai que ces rencontres physiques, comme j'aime bien dire « en chair et en muscles », permettent d’alimenter et de ressentir cette vague de bienveillance, presque d'amour qui existe. On l'oublie parfois au quotidien quand on est derrière son ordi ou sa caméra. Par ailleurs, notre communauté est liée par le sport. Or, cette pratique touche à l’intime. Pour certains, cela a pu changer leur vie. J’ai eu des témoignages bouleversants : certains ont vécu des changements très profonds, sont sorties de maladies... tout cela va au-delà du simple remodelage de son apparence physique.
Vous êtes très présente à l’image mais vous avez aussi avec vous des coachs que vous valorisez beaucoup. Pourquoi ce choix de sortir de votre seule capacité d’influence ?
S. M. : Dès le lancement de notre application en 2019, nous voulions proposer des cours avec d'autres intervenants. C'était vraiment un pari. Cela semble logique et naturel maintenant mais quand nous avons commencé, tout était très centré sur l'influenceur et tout était conçu comme un produit dérivé de lui. Notre volonté était d'animer une grande diversité de cours, et je ne peux tout simplement pas le faire seule. Aujourd'hui, nous avons une quinzaine de coachs qui ont tous été recrutés avant tout pour leurs compétences. Aucun n'était sur les réseaux, certains s’y sont mis, d’autres pas, nous les laissons choisir. En revanche, nous cultivons beaucoup l'esprit d'équipe et je pense que c'est ça le plus important. C'est ce qui se ressent dans les séances où nous sommes souvent en binôme. L'interaction entre nous est capitale et ça, ça ne s'invente pas : une bonne interaction naît d'une bonne relation tout court.
Votre compagnon Tini fait partie de l’équipe...
S. M. : On a travaillé tout de suite ensemble et sommes tous les deux cofondateurs. En revanche, au début, il était encore salarié et ce n’est qu'au bout d'un an et demi qu'il a pu quitter son travail pour me rejoindre à temps plein. On se partage les tâches. Lui est responsable de tout l'aspect technique qu’on a tendance à occulter mais qui est central. De mon côté, je suis plus focus sur la communication et la création des programmes.
Votre communauté semble beaucoup apprécier votre côté entrepreneuse. Vous diriez que vous transmettez certaines valeurs ?
S. M. : Je ne revendique rien de manière systématique mais au travers de mon contenu je peux sensibiliser à certains sujets. Par exemple, je ne mets pas spécialement en avant le fait d'être végétarienne, mais comme nous partageons beaucoup de recettes, je montre que végétaliser notre alimentation, c’est plutôt chouette. Sur la question de la place des femmes, je ne lève pas le drapeau toutes les cinq minutes, mais en revanche je montre qu'il n’y a rien d'extraordinaire à entreprendre et qu’avec beaucoup de volonté et de travail, on arrive à ses fins. Si certaines souhaitent entreprendre un projet, que ce soit pro ou personnel, il faut savoir pourquoi on le fait et se donner à fond. C’est ça que j'essaie de montrer. On a toujours l'impression que le succès, même relatif, est souvent dû à un facteur chance ou au hasard... Quand je leur rappelle que j'ai commencé mes premières vidéos à 18 ans, que j'étais étudiante et que je filmais en posant mon téléphone sur une pile de livres... c'est pour illustrer cela. C’est comme avec le sport, avec de la patience et de la volonté, on peut y arriver. C'est super gratifiant de savoir qu'on donne de la force.
Vous insistez aussi sur une certaine forme de liberté d'être soi-même.
S. M. : J'essaie de leur expliquer qu'on a la possibilité de se sentir bien comme on est, tout en voulant aussi améliorer ou changer certaines choses. Avec cette vague du body positivisme, ce n'est pas forcément évident. Parce qu'on a l’impression qu'il faut tout accepter, s'aimer tel qu’on est. Et puis si ce n'est pas le cas, si on veut changer, c'est que ça ne va pas. Alors qu'en réalité, on peut être bien au quotidien et se dire qu'on se sent mieux dans sa peau quand on fait du sport et que les deux ne sont pas incompatibles.
Beaucoup de vos abonnés apprécient votre authenticité. On peut être en représentation auprès d’une communauté si vaste et être quand même authentique ?
S. M. : Je ne fais pas partie des gens qui étalent sur les réseaux sociaux mes états d’âme. Mais j'essaye de montrer une image assez représentative et simple de ce que je vis. C'est pour ça qu’on ne se cache pas quand on connaît des tensions avec Tini. Ce n’est pas de la mise en scène, c'est aussi pour montrer que c'est normal, entre guillemets, chez nous et chez tout le monde. L'objectif n'est pas de montrer uniquement le côté positif.
Il vous arrive de vous fâcher à la suite d’un commentaire.
S. M. : Je réponds parfois, disons une fois sur 1 000. Il y a un côté libérateur. Sur les réseaux, on a l'impression qu'il faut se taire : sous le prétexte qu’on a choisi de s'exposer, il faudrait tout accepter. Par ailleurs, les gens aiment bien voir ce type de messages. Répondre aux commentaires toxiques, c'est prouver que dans la vie, au travail ou dans sa vie personnelle, on peut réussir à se défendre et décider de ne pas se laisser malmener.
Vous lancez une gamme de produits, c’est un développement que vous voulez poursuivre ou vous ne ferez que des séries courtes et occasionnellement ?
S. M. : C’est un nouveau métier pour nous et notre objectif n’est pas de frustrer les gens en produisant uniquement des séries événements avec des stocks limités. Mais quand on est une jeune marque, il est difficile d’adapter les quantités, et parfois, on se loupe...
Pour le pop-up que vous avez organisé en octobre, vous aviez envisagé cette foule, ou vous avez été surpris par le succès ?
S. M. : C’était notre premier pop-up store, mais ce n’était pas notre premier événement. Je mentirais si je disais qu'on s'attendait à n’avoir personne. En revanche, c'est vrai qu’on n’avait pas imaginé une telle ruée. Le samedi, certains ont fait la queue 8 heures jusqu'à la fermeture. C'était un truc de fou. Nous avons pu prendre des mesures pour améliorer les choses le dimanche.
J’étais sidérée de la gentillesse avec laquelle les personnes présentes ont vécu cette attente. Ils avaient malgré tout envie d’être là et ils voulaient acheter presque autant pour se faire plaisir que pour vous faire plaisir.
S. M. : Évidemment, cela reste un business mais les gens savent, à juste titre, le cœur qu'on met dans tout ce qu’on entreprend. C’est peut-être la différence qu’ils perçoivent. Quand on organise un événement, on le fait parce qu'on en a vraiment, vraiment envie, malgré l’énorme travail que cela génère. Et les gens ont senti l'investissement qu'on avait mis dans ce rendez-vous. Même si on a été dépassés, ils ont pris leur mal en patience, c’est forcément super touchant.
Participer à la conversation