Thecobrasnake, Charli XCX et The dare

« Make Music Great Again » : ces stars de la pop qui embrassent les idées de la droite dure

© @thecobrasnake @perfectlyimperfect @isthedare

Pour être indie, la musique et la mode veulent renouer avec le destroy qui braille et l'anti-tout – quitte à flirter avec des idées néo-réactionnaires. Au coeur de ce mouvement, le petit quartier de New York : Dimes Square.

L’album Brat, énorme succès de l’été 2024, était-il un véhicule idéologique ? C’est ce que suggère ce tweet reposté par la page de mèmes Neoliberalhell : « Brat (froid, vide, dur, sans utilité, auto-indulgent) était le Cybertruck de la musique, mais certains sont trop pris dans un lifestyle homosexuel pour le voir. » Et le phénomène dure. Le 1er mai 2025, la pop star Charli XCX est à New York. Elle est photographiée à Dimes Square par son ami Cobra Snake, qui la qualifie de « Dimes Square Diva ». Elle porte le T-shirt Perfectly Imperfect, nom d’une newsletter branchée affiliée à ce quartier de New York où se rejoignent toute une faune néo-réactionnaire. Dans sa chanson « Mean Girls » (filles méchantes), elle s’est inspirée de la créatrice du podcast Red Scare, la néo-fasciste Dasha Nekrasova, « une langue acérée comme un rasoir [...] / et un peu fucked up, mais elle est quand même dans Vogue / [...] Tu dis qu’elle est problématique, et ta manière de le dire, tellement fanatique / Elle sait déjà que tu es obsédé. » Sur la BBC en 2022, Charli disait aussi : « L'emblématique Red Scare, dont nous étions tous, collectivement, mes amis et moi, de grands fans. » Un esprit provoc présent dans tout l’album Brat, qui consacre le retour en hype de l’indie sleaze dépravé des années Kate Moss, ce style vestimentaire désordonné inspiré du punk et de la new wave, et met à l’honneur la culture des trolls de Dimes Square. 

« My body, his choice »

Parmi les 1 842 élus que Charli XCX suit sur Insta, on trouve entre autre Peter Vack, cinéaste-écrivain-edgelord et roi des shitposters de Dimes Square, ou Eugene Kotlyarenko, pionnier du cinéma post-Internet. Elle reconnaissait en 2024 : « Je ne dirais pas que je suis profondément investie dans la culture edgelord, mais est-ce que j’ai scanné leurs textes ? Bien sûr. » Au Festival de Cannes 2025, elle se retrouve sur un yacht avec Pariah the Doll, autre figure de Dimes Square, qui poste des photos sur Insta avec un T-shirt « My body, his choice » pour rejouer le détournement du slogan féministe « My body, my choice » tenté par le commentateur d’extrême droite Nick Fuentes après la seconde victoire de Trump. Sur Reddit, des fans s’en insurgent, « Comment vous permettez au conservatisme edgy de Dimes Square d’infiltrer la pop culture si facilement ? » L’attitude brat est aussi comparable à l’esthétique tradwife, car l’indie sleaze porte intrinsèquement des valeurs transgressives et d’acceptation d’un soi très brut. « L’indie sleaze, c’est être toi, être toi-même de manière authentique », explique le photographe Cobra Snake, dont les photos ont façonné la légende de l’indie sleaze des années 2010, et qui est aujourd’hui adjacent à Dimes Square. « On revient à des temps où tu peux faire ce que tu veux et être comme tu veux. À une époque, tout le monde voulait être comme les Kardashian, beau et propre, mais c’est pas possible. On devrait tous embrasser notre singularité. »

« What’s wrong with New York? »

The Dare, nouvelle star de l’indie sleaze issue de Dimes Square, donnait un concert à Paris en mars 2025. Depuis qu’il a collaboré avec Charli XCX sur Brat, le chanteur, avec son habituel costume noir skinny, ses lunettes de soleil et sa tête de British, est de toutes les Fashion Week. Le titre de son album sorti fin 2024 ? What’s wrong with New York? Dans sa chanson « Girls », il chante « J’aime les filles qui se droguent / [...] Les filles qui haïssent les flics et achètent des flingues / [...] Ils disent que je suis trop excité / Veulent me mettre en cage ». À la sortie de son concert, deux filles venues de Finlande et d’Angleterre pour le voir expliquent que « "Girls" est devenu tellement gros, c’était partout sur Twitter et les réseaux sociaux ». Max, 23 ans, voit The Dare comme un « ringard chic, et avec le côté troll mais utilisé d’une autre manière, un peu comme dans le rap ». Une attitude mi-cool mi-loser, du trash qui capitalise beaucoup sur l’énergie dark du loserdom, sur cette masse de la population marginalisée et esseulée par Internet, ce qui pousse le magazine de mode The Cut à demander sur Insta « are you embrassing losercore? ».

Enfants riches, réprimés & néo-folk

En France, on voit arriver des designers qui font du cool avec de l’extrême. Comme CoucouBebe75018, qui fait des vestes floquées de logos du RN pour les rappeurs américains ASAP Rocky ou 21 Savage. Ou le jeune incel-designer Rohan Mirza, avec un pull siglé « Sex scares me », un look inspiré des trolls français du 15-18, et qui fait poser la nouvelle pop star française Théodora avec un bazooka dans une prison. Ou encore la marque Enfants Riches Déprimés, qui fait des shootings au Ritz avec l’acteur Denis Lavant portant une croix nazie, et fait défiler des enfants sur des chars de guerre. Pour le créateur de mèmes français Yugnat999, qui était à ce défilé, « c’est le truc un peu choquant, il y a aussi des pulls Columbine, ou des sacs Mao Zedong, ça rejoint l’esthétique néo-folk qui s'inspirait des années 1930-1940, c’est l'utilisation de codes fascistes de manière un peu stylée, c’est un peu guerrier, un peu masculiniste. Donc, oui, c’est un repaire de fachos, mais il y a une esthétique intéressante derrière l’utilisation de symboles martiaux. C’est aussi la culture de la subversion, de l’anti-tout, c’est punk, ça se forme en opposition ». En opposition, ou en réaction, voire en néo-réaction.

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