Une mascotte de la Kings league entourée de joueurs

Kings League : buts en rafale et spectacle garanti, la révolution foot-gaming

© Kings League

Lancée par l’ancien footballeur Gerard Piqué, la Kings League déferle sur la France. Avec ses règles qui mixent jeu de ballon et gaming, les amateurs n’ont plus peur des temps morts.

L’ancien joueur de Barcelone a réussi son coup ! En 2022, Gerard Piqué, champion à la réputation solide de meilleur défenseur de l'histoire, annonce, dans une courte vidéo publiée sur X, son retrait du monde de la compétition. À peine ses fans eurent-ils le temps de sécher leurs larmes que le sémillant trentenaire révélait un improbable projet : créer un nouveau sport. Il promet : la Kings League ressemblera au foot, mais en nettement plus fun. Ultraspeed, ultra-Twitch-génique, l’ambition est claire : plaire aux jeunes. Et ça fonctionne. La discipline a déjà conquis la jeunesse du Mexique, du Brésil et de l’Espagne, et, en avril 2025, le premier championnat de France a été un succès – en live sur Twitch, la plateforme en ligne de Jeff Bezos, comme sur M6+. 

Des champions et des stars du Net

Dans chaque pays, un club national dans lequel on trouve de grosses pointures du foot – Zlatan Ibrahimović, Jules Koundé, Adil Rami – et de gros calibres de l’influence. Un double attelage qui rabat efficacement des curieux. « Même si Internet n’est pas son univers, mon père a accroché et regardé quelques matchs avec moi parce qu’il y a des professionnels connus, concède Romain, 22 ans, féru de Kings League depuis l’an dernier. Ça lui parle et ça apporte de la crédibilité à ses yeux. » Son paternel a même fini par réaliser l’impossible : télécharger l’application Twitch pour pouvoir suivre les matchs. 

Les influenceurs à la baguette

Amine, Squeezie, Kameto…, la crème des créateurs de contenu du Twitch français a joué le jeu. Corentin n’a jamais été trop fan de football, mais il adore le vidéaste Domingo : « Ce qui me plaît le plus dans ce projet, ce n’est pas tant l’aspect sportif que le fait de suivre mes influenceurs préférés et les voir présider un club. » Mais les vidéastes ne font pas que diriger des équipes montées pour l’occasion. Le spectacle avant tout : eux aussi mouillent le maillot. « C’est vraiment un moment incroyable, j’aime beaucoup le fait qu’ils participent de manière active », s’enthousiasme Corentin. Car ces dirigeants de club d’un genre nouveau ont, une fois par match, le droit de tenter leur chance face au gardien. Et effet de surprise oblige, les présidents peuvent utiliser ce privilège à n’importe quel moment de la partie.

« On ne s’ennuie jamais ! »

Car si les champions et les influenceurs ont rameuté leurs communautés respectives, ce qui les fait rester, c’est le rythme soutenu du jeu. Toutes les règles ont été pensées pour que les matchs assurent un spectacle permanent, sans temps morts. « Il y a des buts tout le temps. On ne s’ennuie jamais, résume Romain. Les matchs commencent à deux contre deux pendant la première minute, puis la minute suivante à trois contre trois, et ainsi de suite jusqu’à arriver à sept contre sept. » Le tout ne dure que quarante minutes, divisé en deux mi-temps, sur un terrain lui aussi raccourci. 

Grand fan d’e-sport, Corentin, community manager de son état, suit depuis des années les performances des clubs professionnels de jeux vidéo. Selon lui, il y a beaucoup de similitudes avec la Kings League. « Il y a un côté aléatoire que j’aime beaucoup grâce aux bonus, décrypte-t-il. Ça met du piment et puis ça me rappelle l’univers du jeu vidéo, avec lequel je suis plus familier et qui repose sur ce type d’avantages imprévisibles. »

Du sport mais du divertissement avant tout

Mais ce n’est pas tout. « Avant le début d’une rencontre, les présidents des deux équipes tirent une carte joker qui leur donne un avantage, et ils ne la révèlent qu’au moment de l’utiliser », détaille Charles, également fan de la première heure. Ce bonus leur donne droit à un doublement des buts marqués pendant les quatre prochaines minutes, à un tir au but, ou encore à sortir un joueur adverse pour un temps. Le serveur de 28 ans, qui a suivi le championnat français avec assiduité, reconnaît que cette part de chance a de quoi perturber : « Ça peut paraître injuste au premier abord, mais c’est tellement fun ! ». 

Cartes joker offrant des « pouvoirs », interactions avec les internautes présents sur le chat, habillage sonore très pop…, autant de règles et de codes qui rapprochent la Kings League du jeu vidéo. Et la manière de filmer les matchs joue, également. Les présidents des clubs sont ainsi filmés constamment pour diffuser la moindre de leurs réactions. Leurs images incrustées dans un coin de l’écran reprennent le format des streamers de jeux vidéo et des e-sportifs en pleine partie.

Romain, qui joue aussi beaucoup à la console, partage le même ressenti : « On retrouve la même sensation de surprise que dans les jeux vidéo. On ne sait jamais ce qui va se passer. Durant l’un des matchs, un club gagnait 4 à 1, avant de perdre 9 – 4. C’est dingue ! » Les scores fleuves sont monnaie courante, car tout est pensé pour offrir un maximum de spectacle. Les buts peuvent par exemple compter double dans les deux dernières minutes. « Je ne sais même pas si on peut considérer ça comme du football, réfléchit Ainoa, supportrice fan du FC Silmi du vidéaste Domingo. Enfin, peut-être que si. Mais c'est plus divertissant, plus énergique. Moi, ça me fait penser au mode Arcade du jeu FIFA dans lequel on fait plein de choses avec le ballon…, sauf du foot classique. »

Une passion souvent très virtuelle

Ainoa a eu la chance de pouvoir se rendre à Villepinte en Seine-Saint-Denis pour voir les matchs en réel. « Je suis allée voir mon club trois fois et, même s’il s’est fait éliminer, j’ai bien aimé l’ambiance », explique cette photographe de 22 ans. Le stade ne permettait qu’à une petite centaine de supporteurs de venir, souvent membres de collectifs de fans qui se sont retrouvés pour encourager les joueurs de leurs équipes favorites.

Mais la plupart des mordus vivent leur passion en virtuel. Romain gère par exemple l’un des nombreux comptes X d’actualités autour de la ligue française. « Sur les réseaux sociaux, on peut échanger facilement avec d’autres fans de la Kings League. Cela m’a permis de faire de chouettes rencontres, s’enthousiasme cet amateur de foot supporteur du Stade Brestois. On discute sur les matchs, ce qui m’arrive plus rarement dans la vie réelle. Il n’y a qu’avec des amis de mon club de football qu’on suit ce championnat un peu bizarre. J’ai bien conscience que cela reste une niche, tout le monde n’est pas familiarisé avec Twitch. » 

Une niche plus si petite. La finale du 22 mai 2025 a attiré un pic de 350 000 spectateurs. Le championnat de France de football, en perte de vitesse en matière de retransmission, n’a suscité cette année que 500 000 abonnements payants auprès de la plateforme DAZN. Ce nouveau format peut-il pour autant intéresser la nouvelle génération au football ? Pas sûr. « J’ai l’impression que beaucoup de gens analysent ce phénomène comme une passerelle qui permet aux jeunes sur Internet de se pencher sur ce sport, observe Corentin. Moi, je le vois de la façon inverse : cela attire des amateurs de football vers l’univers d’Internet et de Twitch. Ça va familiariser un public avec des codes qu’ils n’avaient pas toujours, notamment ceux des jeux vidéo. »

Un football devenu trop lent ?

L’émergence de la première Kings League en 2022 n’a rien d’un hasard. Le monde du football est en plein doute ces dernières années. Romain, pourtant passionné, confesse qu’il consomme de moins en moins de matchs entièrement : « Je reste un fan de foot, mais ça m’intéresse moins qu’avant. Cela étant, j’ai conscience que mon regard sur ce sport est un peu faussé, car j’appartiens à la "génération TikTok". Il faut réussir à capter mon attention avec un contenu spectaculaire. » Le jeune homme assure qu’il continue et continuera à regarder les matchs à fort enjeu. Mais pour les autres, il se contente le plus souvent des résumés du lendemain, disponibles gratuitement sur Internet.

Le football doit-il adapter ses règles pour continuer à capter un maximum d’attention ? Les passionnés de Kings League et d’un format plus traditionnel ne l’entendent étonnamment pas de cette oreille. Pour eux, le football n’a pas à copier son cadet. « Il faut prendre ces écosystèmes pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire deux sports différents, pose avec philosophie Ainoa. La Kings League correspond plus à un divertissement qu’à un sport classique. » 

Il n’empêche. La question de changer les règles du football titille certains dirigeants depuis quelque temps. Le succès de la Kings League pourrait leur donner des idées. En 2021 déjà, Florentino Perez, président du Real Madrid, le clamait haut et fort : « Les enfants jouent aux jeux vidéo et trouvent les matchs de foot trop longs. On doit évoluer, on doit changer. » Jusqu’à quel point et dans quels délais ? On ne sait pas.

Discutez en temps réel, anonymement et en privé, avec une autre personne inspirée par cet article.

Viens on en parle !
le livre des tendances 2026
commentaires

Participer à la conversation

Laisser un commentaire