Une fille japonaise avec les cheveux collés au plafond

Japon : Sur les réseaux, les spéculations autour de l'année du Cheval de feu vont bon train

© Exte de Sono Sion

Une question taraude démographes et Japonais. En 2026, l'année du Cheval de feu est censée voir naître des filles au tempérament indomptable. Une chute de la natalité est-elle à prévoir ?

« L'année prochaine, c'est l'année du Cheval de feu, donc les naissances vont encore diminuer ! », « Allons-nous assister à des taux de natalité historiquement bas, comme nous n'en avons jamais connu auparavant ? Ou pensez-vous que les jeunes d'aujourd'hui s'en moquent ? », peut-on lire en japonais sur X. À l'approche de cette année particulière, qui a lieu tous les soixante ans, la superstition resurgit, et sur les réseaux, les hypothèses fusent.

Une croyance enracinée

Selon la croyance populaire, les filles nées l'année du Cheval de feu (hinoeuma) auraient un caractère si fort qu'elles seraient « destinées à détruire leur mari mentalement, moralement ou même physiquement », écrit Jean-Noël Biraben.

« Tout part de plusieurs incidents survenus à l'époque d'Edo, avant la modernisation du Japon en 1868 », explique Rémi Scoccimarro, géographe et maître de conférences en langue et civilisation japonaises à l'université de Toulouse-Jean-Jaurès.

« Une fille née l'année du Cheval de feu aurait rencontré son premier amoureux après un incendie en ville et en aurait provoqué d'autres pour le revoir. À partir de là, une association est faite entre les incendies, le désastre le plus redouté dans les villes japonaises, et la fille née sous le signe du cheval et du feu. »

Un impact démographique flagrant

La baisse de natalité mentionnée par les internautes est avérée pour les précédentes années du Cheval de feu. Rémi Scoccimarro le confirme : « Dès les premières statistiques fiables, on constate une chute de la fécondité en 1906 et en 1966. À une époque où l'échographie n'existait pas, les Japonais évitaient de donner naissance cette année-là, de peur de se retrouver avec une fille immariable sur les bras. »

Un fuel sexiste et misogyne

Des internautes japonais dénoncent le sexisme sous-jacent à cette croyance : « C'est une légende dérangeante et discriminatoire dans les temps modernes… », observe une utilisatrice de X. Rémi Scoccimarro est aussi de cet avis : « Cette croyance s'inscrit dans un contexte qu'on pourrait qualifier de « haine » des filles. Dans le Japon et les sociétés asiatiques contemporaines en général, les filles sont indésirables, voire éliminées, avec l'idée que les garçons constituent une meilleure assurance vie pour les parents. »

L'année du Cheval de feu est loin d'être la seule croyance diabolisant les femmes. « Historiquement, ce qui effraie, c'est la figure de la femme forte, dévorante. Elle est mise en scène dans de nombreux contes, comme celui de la femme à deux bouches. Les personnages de monstres, fantômes et démons sont souvent des femmes, qui souhaitent se venger, renverser l'ordre social etc. », remarque Rémi Scoccimarro.

Une croyance en voie d'extinction ?

Pour le chercheur, 2026 constitue une occasion unique de sonder l'évolution des croyances dans la société japonaise : « Le Japon reste un monde de l'enchantement, qui n'est pas complètement cartésien. »

Cependant, les discussions sur X suggèrent un essoufflement de la croyance. Certains usagers la tournent en dérision : « Je ne savais pas ce qu'était l'année du Cheval de feu, alors j'ai demandé à un collègue. La superstition est si terrible que tout le monde au bureau a éclaté de rire MDR. » D'autres y voient un avantage : « Moins de naissances en 2026 signifie moins de concurrence pour les examens d'entrée et la recherche d'emploi ! » Mais certains futurs parents expriment aussi des inquiétudes, craignant que leur fille à naître ne soit discriminée comme par le passé : « J'ai peur que mon enfant qui verra le jour l'année prochaine (c'est déjà décidé lol) soit blessé par des remarques inutiles ».

Le pronostic 

Contrairement aux prédictions des internautes, Rémi Scoccimarro estime que l'année du Cheval de feu n'aura pas un impact significatif sur la natalité. « On n'a pas observé d'augmentation des naissances en amont de 2026. Or avant 1966, le taux de fécondité avait grimpé, dès 1961, par anticipation de l'année du Cheval de feu. » Pour lui, le problème de dénatalité auquel est confronté le Japon atténue le risque que la croyance perdure.

« Même dans les campagnes, où la superstition était plus installée, la priorité est désormais d'avoir des enfants pour repeupler les villages, quels que soient leur sexe et leur signe astrologique. Les gens connaissent la croyance et peuvent y penser, mais ne modifient pas leur comportement nataliste pour autant », postule-t-il.

Toutefois, des différences régionales ne sont pas à exclure. Plus qu'à attendre 2026 pour voir si ces prévisions se confirment !

*Traduction des tweets par Rayan Boughlam, étudiant à l'INALCO

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commentaires

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  1. Avatar Anonyme dit :

    Et les hommes dans tout ça ? Né en 1966 ??,

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