
À mesure que les tabous autour de la santé mentale se lèvent, de plus en plus d’hommes osent parler de leur psychothérapie à date. Quitte à en faire un peu trop pour avoir l’air plus “déconstruit”.
78 % des consultations chez le psy prises sur Doctolib en 2022 l’ont été par des femmes*. Pour le peu d’hommes qui passent la porte d’un cabinet, en parler peut logiquement devenir une façon de se différencier de la masse dans un marché hautement concurrentiel : celui du dating hétéro. Comme nombre d’entre eux se sont mis à se dire “alliés” voire “féministes” après MeToo, ils sont de plus en plus à sembler mettre en avant leur thérapie lors d’une rencontre amoureuse, constatent beaucoup de femmes célibataires.
Homme déconstruit cherche femme libérée
« Quand j’ai rencontré mon ex, qui était en polyamour, très rapidement, le sujet de sa thérapie a été amené dans les discussions. Je pense que c’était pour lisser son discours et montrer qu’il n’était “pas comme les autres” », confie Emma, 30 ans. Interrogé sur cette tendance, Théo, 37 ans, concède que certains peuvent être tentés de fanfaronner, même si ce n’est pas son cas. « Peut-être que c'est devenu une mode de se dire que d'aller voir un psy, ça fait partie d'un programme de développement personnel. Pour ma part, si je me sens suffisamment à l'aise avec la personne que j'ai rencontrée, j'aborde le sujet. » Cet ancien travailleur social considère tout de même la libération de la parole masculine autour de la santé mentale comme une bonne chose, lui qui voit des psychologues depuis l’adolescence et vient d’une génération où « c'était un peu tabou de parler de ça ».
C’est justement pour correspondre le moins possible à une image toxique de la masculinité qu’Arpad, 26 ans, n’hésite pas à parler de sa santé mentale lors d’un date. « Ça permet de mieux comprendre les traumas de l’autre et de s'entre-rassurer sur le fait que l'on ne prend pas le couple pour des séances de psy gratuites, surtout quand on sait que ce rôle de care est souvent imposé aux femmes. » Le technicien du spectacle va même plus loin : ne pas en discuter dans le cadre des rencontres ne peut faire partir la relation que sur de mauvaises bases et « créer des quiproquos ». Nicolas, 44 ans, abonde : « Je pense qu'il y a un côté rassurant pour certaines femmes de voir un homme qui sait dire qu'il a des problèmes et des émotions. »
Boomer solide, rassurant et sans problèmes
David, 37 ans, estime pour sa part que si la thérapie fait partie de sa vie, il est logique d’en parler très vite, sans arrière-pensée. Une facilité à disséquer sa psyché moins évidente chez les hommes plus vieux, constate Jean-Claude, 63 ans. Cet ingénieur à la retraite aujourd’hui célibataire perçoit même une légère prise de distance chez les femmes avec qui il aborde le sujet trop rapidement. « Ce n’est pas un argument de séduction, même si c’est quelque chose que je croyais au départ. In fine, les femmes que je vois se posent des questions. On rentre trop dans l'intime. »
Tout est finalement question de dosage, et il est peu judicieux de mettre en avant son travail sur soi dès le début de la rencontre, au risque de passer pour un manipulateur, estiment de nombreuses femmes. Parmi lesquelles Julie, 40 ans, qui se souvient avec un sourire crispé d’une expérience risible avec un homme qui se vantait d’aller consulter : « J'ai capté que c'était juste pour me mettre dans son lit. C'est quand même bizarre d'en arriver là. J'ai eu un peu pitié. »
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