
Le retour du T-shirt « No Pasarán » ? Aux États-Unis, la guerre des mots sort des réseaux sociaux pour investir le terrain de la mode.
Connu pour son sens aigu du style, Pedro Pascal s'est fait remarquer lors de la promotion londonienne du dernier blockbuster Marvel, « Thunderbolts ». Sur le red carpet londonien, l’acteur – que l’on surnomme désormais l’Internet Daddy – apparaît, portant un T-shirt du créateur londonien Conner Ives, sur lequel est inscrit noir sur blanc : « Protect The Dolls ». Cette expression est devenue en quelques mois un appel à solidarité à destination de la communauté trans (surnommée les « dolls / poupées » dans la scène drag), en réaction aux mesures LGBTqphobes de l’administration Trump et à la décision de la Cour suprême du Royaume-Uni, qui a statué en avril que la définition légale d'une femme repose sur le sexe biologique.

Que l’acteur de la série The Last of Us mouille le maillot n’est pas surprenant : il est un fervent défenseur des droits LGBTQ+ et un soutien inconditionnel à sa sœur trans, Lux Pascal. Pas surprenant non plus qu’il participe à la viralité sur les réseaux sociaux de ce T-shirt – vu aussi porté par le chanteur Troye Sivan, la it-girl Addison Rae ou encore l’actrice Tilda Swinton – et dont les bénéfices de vente sont reversés à l’association Trans Lifeline.
Mettre la barre sur les tees
Fashion sphère vs fachosphère ? D’autres créateurs ont également investi le T-shirt comme support d’expression. On pense au « How We Love Is Who We Are » du créateur Willy Chavarria ou encore au « El Golfo de México » de Patricio Campillo, présentés lors de la Fashion Week de Paris en début d’année. Pour s’ériger contre les mesures de censure littéraire ( « books banned ») aux États-Unis, la maison d’édition new-yorkaise Penguin Random House a même collaboré avec la marque de T-shirts Online Ceramics pour une ligne de fringues affichant sans détour « Read a Banned Book », « Intellectual Freedom Task Force » et « Reading is a Right ». Des initiatives qui rejoignent celle prise par le mouvement Black Lives Matter, lequel a déjà capitalisé sur le merchandising politique.

As easy as FDT
Donald Trump s’est lui aussi fait une spécialité des slogans floqués sur du textile ou imprimés. « Make America Great Again » ou encore « Gulf of America » sont apposés sur des mugs, casquettes et autres goodies. À cela s’ajoutent tous les slogans émis de manière sporadique par ses soutiens les plus radicaux comme le « Your Body, My Choice » balancé par l’influenceur d’extrême droite Nick Fuentes. La guerre des slogans a bien lieu, et cette contre-offensive s’organise sur les réseaux sociaux, notamment sur TikTok, où l’on trouve des tutoriels pour faire des T-shirts anti-Trump sous des hashtags aussi cryptiques que #subtletrump ou #foxtrotdeltatango – de l’algospeak pour signifier « FDT » ( « Fuck Donald Trump » ). Plus étonnant : c’est sur Etsy que ce « quiet resistance merch » se concentre. Comme l’a souligné dans sa newsletter Yello Politics le journaliste américain Hunter Schwarz, la plateforme spécialisée dans la vente de produits do-it-yourself est devenue le fournisseur officiel de ce merch anti-trumpiste, et plus particulièrement de ces « subtle leftist shirts ».
Qui aura le dernier mot ?
Si le T-shirt à message renoue avec un passé militant initié dans les années 60 (du « Peace & Love » prôné par les hippies au « Stop The War » des pacifistes antiguerre au Vietnam), c’est parce que, paraissant moins militant que le port de la pancarte, il passe mieux les fourches caudines de la censure. Pour preuve : au dernier festival de Cannes, Harris Dickinson a profité de la promo d’ « Urchin » pour rappeler à Suella Braverman que vivre dans la rue n’est pas un « lifestyle by choice », pendant que Julian Assange y dévoilait un T-shirt listant les 4 986 enfants palestiniens de moins de 5 ans tués à Gaza.
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