
Pour trouver ton coin de paradis, c’est sur TikTok que ça se passe ! Ici, tous les types de voyages sont permis – pourvu qu’ils restent photogéniques et qualifiables de « bons plans ».
TRIP LIKE A BILLIONAIRE
« Top des adresses à visiter pour les petits budgets », « 50 lieux que tu dois absolument voir dans ta vie », « 3 destinations sous-cotées »… Il est impossible de résister à la déferlante de vidéos TikTok créées pour vous vendre d’irrépressibles envies de prendre l’avion. À force d’images de plages désertes vues du ciel, de marchés où des autochtones bradent des produits locaux en vous souriant à pleines dents et de plats goûteux servis dans de la vaisselle traditionnelle (tellement plus jolie que notre service IKEA), on attrape vite la sensation que là-bas un monde préservé nous attend, et qu’on pourra y vivre notre meilleure vie pour moins de 30 euros par jour.
Vous voulez les gondoles à Venise mais hors de question de faire la queue aux vaporettos ? Allez donc à Annecy profiter de la douceur de ses eaux en été. Vous adoreriez voir la Sagrada Família mais vous n’avez aucune envie d’affronter la colère des Barcelonais contre le surtourisme ? Filez donc à Valence, où les tapas du Barrio del Carmen sont au moins aussi savoureuses. Vous reconnaissez le romantisme des cafés parisiens, mais la foule du Louvre vous coupe toute envie de sourire à La Joconde ? Vous devriez tenter les grands espaces de Slovénie. Sur TikTok, les vidéos #destinationdupes foisonnent. Toutes vous promettent de dépenser moins, de vous éloigner de la foule tout en profitant de sites parfaitement instagrammables. En 2025, on abandonne les blockbusters du tourisme pour aller se répandre à Paros plutôt qu’à Santorin, à Perth plutôt qu’à Sydney, à Palerme plutôt qu’à Lisbonne, à Liverpool plutôt qu’à [sv1] Londres.
« EXTREME DAY TRIPPING »
Partir un jour, sans bagage… C’est le concept de « l’extreme day tripping ». On file en avion le matin et on revient chez soi le soir même. Cet aller-retour express est censé vous faire apprécier une destination en moins de vingt-quatre heures, le vrai plaisir étant d’avoir économisé le prix d’une nuit d’hôtel. La tendance nous vient des Britanniques. Chez eux, le réseau ferroviaire est tellement défectueux et coûteux qu’il est souvent plus rentable de prendre l’avion en passant par une capitale étrangère pour passer d’une ville anglaise à une autre. Mais le mouvement est aussi porté par les compagnies low cost qui ont réussi à maintenir leurs prix cassés. Et cela marche : le marché des vols pour des séjours ultracourts s’envole. Après celui de la fast fashion, il faudra sans doute faire le bilan carbone et économique du « fast travel », l’un comme l’autre s’avérant délétères.
DIS-MOI AVEC QUI TU PARS, JE TE DIRAI OÙ ALLER…
À la mer ou à la montagne, telle n’est plus tellement la question. Un voyage réussi tient surtout compte de la taille du groupe avec lequel on s’embarque. Et sur TikTok, les conseils se segmentent clairement sur ce critère. Les plans « en amoureux » égrainent des hôtels avec piscine et coupe de champagne pour 99 euros ou, plus roots, des nuits dans des cabanes en forêt (avec tout de même jacuzzi et brunch continental à déguster dans un lit king size parce qu’on est amoureux, mais qu’on n’a pas choisi la vie de Robin des bois non plus). Sous le hashtag #voyageravecbébé, les jeunes parents trouvent toutes les astuces pour emmener junior partout, comme ce coussin à bretelles qui vous transforme en chaise haute ou ce casque pour que votre petit ange ne soit jamais perturbé par les bruits extérieurs. Pour les tribus plus nombreuses, le #voyageenfamille vous montre comment dépenser moins de 100 euros par jour à quatre, ou juste combien vos gamins seraient photogéniques sur une plage des Maldives. Mais tous les formats de groupes trouveront des recos spécifiques : les girls trips (où on découvre qu’on peut « twerker » dès l’aéroport) ou les voyages entre potes, en parfaite mixité ou pas. Pour les voyages gay-friendly, les conseils des meilleures destinations sont légion[sv2], d’autant que certaines sont à présent déconseillées (les USA ont chuté dans le classement).
AU KLM
Mais le vrai luxe, la véritable volupté, consistent pour beaucoup à se mettre au calme. Pour les uns, il s’agit de se tenir le plus loin possible des marmots – des leurs comme de ceux des autres. Car le ravissement de la piscine n’a pas le même goût sans les cris des enfants – et leurs petits pipis d’ange. Les destinations « no child just travel » favorisent les croisières option sans gamins et les hôtels formule all inclusive – avec cocktails servis à toute heure sous le parasol. Pour d’autres, l’enchantement réside dans les retraites spirituelles. Méditation, introspection, contemplation…, les voies de l’âme peuvent passer par Compostelle ou par la Mecque, mais les athées documentent aussi leurs séjours guérisseurs à Bali ou leurs prises d'ayahuasca au Pérou (moins glamours que les bains d’huile avec option nénuphar…). Mais tous revendiquent d’avoir réussi à couper avec leur quotidien, de s’être reconnectés au silence, à la nature et à soi sans culpabilité. Car si la problématique de nos bilans carbone n’a pas changé, les élans du flygskam (équivalent suédois de l’expression anglaise « flight shame » – la honte de prendre l’avion) semblent être passés de mode.
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