Face à l’IA, les auteurs créent des vidéos pour défendre l’écriture « 100% organique »

Sur TikTok, des écrivains mettent en scène leur processus créatif, à la fois pour prouver que l'écriture sans IA est cool, mais aussi pour éviter de possibles accusations publiques.

Révision de manuscrit à la main sur du papier faisant des bruits ASMR, petit thé fumant bu pensivement devant son écran, ou timelapse (vidéo accélérée) d’une personne en train de taper sur un clavier pendant de longues minutes. Sur TikTok, les écrivains, qu’ils soient professionnels ou bien amateurs, sont passés à la contre-attaque. Leur objectif ? Mettre en avant, d’une manière assez performative, leur processus d’écriture et surtout montrer le plaisir qu’ils ont à créer sans l’aide des modèles de langage comme ChatGPT.

Regarde-moi corriger 1 000 pages à la main

C’est notamment le cas de l’écrivaine américaine Victoria Aveyard, connue pour sa saga Terres brisées et Red Queen, qui ont figuré sur les listes des best-sellers du New York Times et d'USA Today. Sur TikTok, on la voit sortir un gigantesque et lourd manuscrit de plusieurs centaines de pages et corriger ce dernier, l’air enjoué, en grignotant des grains de raisin. En surimpression, on peut lire : « Corrige ma fantaisie pirate de 1 000 pages avec moi sans utiliser ChatGPT ». Dans une autre vidéo, elle fait des doigts à une autre créatrice de contenu qui évoque le fait d’utiliser « l’outil le plus puissant pour rester compétitif sur le marché du travail ».

La plupart des arguments qui accompagnent ces vidéos sont liés à la fois à la créativité des auteurs mais aussi à la méthode d’entraînement des IA qui, on le sait bien maintenant, ont scrappé l’intégralité des productions écrites sur le Web et voudraient aspirer les livres protégés par le droit d'auteur sans crainte de répercussions judiciaires. Godschild, autrice du roman fantastique Le Chasseur et le Traqué, qui se met en scène dans un timelapse, explique justement que le meurtre qu’elle est en train d’imaginer est tellement novateur « qu’aucune IA n’aurait pu l’inventer ».

Prouver une écriture 100% organique

Au-delà de la mise en scène de leur propre créativité, le média Wired, qui a publié un article sur ces auteurs qui se filment, souligne qu’il peut aussi s’agir d’une stratégie de défense en cas d’attaque venant d’autres auteurs ou de lecteurs suspicieux. Comme nous l’avions souligné dans le milieu des vidéastes et des créateurs Web, les auteurs font aussi l’objet d’une forme de chasse aux sorcières de la part d’internautes anti-IA. Parfois soupçonnés d’utiliser les LLM sur la base de simples intuitions, les auteurs sont donc sommés de répondre aux accusations. Rachel Menard montre ainsi dans son TikTok qu’elle possède un Google Drive rempli de plusieurs dizaines de brouillons qui, selon ses dires, « seraient inutiles si j’utilisais l’IA ».

De son côté, l’auteur de Frostbite, Dietrich Stogner, suivi par plus de 32,2 mille personnes, appelle justement à calmer les choses. « Plusieurs auteurs sont pris à partie et accusés d’avoir écrit leur livre ou d’avoir généré les couvertures de leur roman avec de l’IA, et franchement, vu comment cet outil est polarisant, c’était inévitable », explique-t-il. « On veut savoir quels sont les auteurs dont les valeurs s’alignent avec les nôtres, qui est homophobe, transphobe ou qui utilise l’IA, donc oui, je comprends… Mais le fait que vous n’avez aucune preuve, et que même les détecteurs d’IA ne fonctionnent pas, fait que ces accusations font non seulement du mal aux auteurs, mais transforment aussi cet espace de discussions en un endroit aussi accueillant qu’une purge du côlon. »

Vus de loin, ces performances d’acte de création, ces chasses aux sorcières et ces appels au calme pourraient sembler dérisoires, surtout si l’on prend en compte l’aspect quasiment inéluctable de l’expansion de l’IA non régulée. Le bras de fer ne fait que commencer !