Finies les divas : les catcheuses règnent sur le ring et Instagram

Avec plusieurs millions d’abonnés sur Instagram, la nouvelle génération de catcheuses prouve qu’elles peuvent rivaliser, voire surpasser, leurs homologues masculins.

1,75m, 77 kg de muscles et 5,6 millions d’abonnés sur Instagram… À 28 ans, Rhea Ripley est la superstar de la World Wrestling Entertainment (WWE). En quelques années seulement, Demi Bennett, de son vrai nom, s’est imposée comme la figure montante d’une industrie où les femmes ont bien trop souvent été, au mieux des playmates glamour et sexy, au pire la « pause pipi » entre deux matchs masculins. L’Australienne représente cette nouvelle vague de catcheuses qui dominent les hommes sur le ring et les réseaux sociaux.

« Il est vrai que, depuis quelques années, il y a eu une vraie évolution. Aujourd’hui, les personnages féminins sont autant considérés et mis en avant que les personnages masculins, explique Christophe Agius, commentateur de catch américain sur AB1. Avec mon collègue Philippe Chérot, on se disait récemment qu’il est désormais courant de voir un match féminin en main event, c’est-à-dire clôturer le show. Il y a vingt-cinq ans, c’était tellement exceptionnel qu’on en faisait tout un plat. Aujourd’hui, c’est complètement banal. Toutes ces filles-là, hyper musclées, sont représentées comme l’égale des hommes. »

Les catcheuses : des modèles à suivre ?

Cette prise de conscience n’est pas nouvelle, mais elle a mis du temps à s’imposer. Il faut attendre 1930 (soit 80 années après son invention) pour voir des catcheuses monter sur le ring. Figure clé de cette époque, Mildred Burke défend son titre mondial devant 12 000 spectateurs à Mexico City en 1944. Malgré son influence, les femmes vont rester longtemps reléguées au second plan. Dans les années 80, alors qu’on voit apparaître la première championne officielle de la WWE, The Fabulous Moolah, les catcheuses ne sont encore que des faire-valoir surnommées les « divas ». Elles sont cantonnées à des rôles d’intermèdes entre deux matchs masculins et souvent réduites à leur plastique et à leurs tenues légères.

La situation va changer en 2015, lorsqu’un match expédié en 30 secondes entre Paige/Emma et les Bella Twins provoque un tollé. Sur les réseaux, le hashtag #GiveADivasAChance dénonce la superficialité des intrigues et le peu de temps accordé aux femmes sur le ring. Cette contestation, menée par les catcheuses AJ Lee et Paige, finira par convaincre Vince McMahon, le président de la WWE, de créer de vrais titres féminins compétitifs comme le Raw Women’s Championship, mais aussi de mettre en scène des matchs plus longs et plus techniques en finale de show.

Le règne sur Instagram

Becky Lynch (5,5 millions), Charlotte Flair (5,3 millions d’abonnés), Nia Jax (1,9 million), Bianca Belair (2,1 millions), Liv Morgan (3,3 millions), Mercedes Moné (6,2 millions)… Depuis plusieurs saisons, ces têtes d’affiche s’imposent sur Instagram comme de véritables phénomènes. Après avoir longtemps été reléguées au second plan, elles sont désormais le « Main Event de WrestleMania » (le plus grand événement annuel de la WWE, ndlr), salue Artemis, unique Française et Européenne à faire partie des cinq arbitres féminines ayant signé à la WWE dans le monde.

« Rhea Ripley est très forte, puissante, presque masculine ; ce qui est drôle, c’est que j’ai souvent des amis qui m’envoient des vidéos d’elle alors qu’ils n’y connaissent rien au catch. Son personnage fait énormément de bien pour le catch mondial, ajoute la jeune femme. Les réseaux sociaux, c’est tellement important : au niveau promo de match et de storyline, il y a toujours cette ambiguïté qui crée beaucoup d’attrait. On se demande si c’est du script ou si les clashes sont vrais, tellement ils ont l’air réels. Les RS jouent un rôle énorme et participent à promouvoir le rayonnement du catch. »

Les catcheuses soulèvent leurs adversaires et les foules, tout en mobilisant des centaines de milliers d’interactions sur leurs réseaux sociaux et les partenariats rémunérés. Séances de sport, entraînements, coulisses d’une industrie super-puissante à travers le monde, tournées des rings… Elles dévoilent des moments de leur vie privée, créant une proximité inédite avec leurs fans et redéfinissant l’image du catch féminin. Face à cette évolution, Artemis se dit « ravie ». « Le respect de la femme est important dans la société, et encore plus dans le sport. Tout est scénarisé, donc la femme ne peut pas gagner un championnat seule ; c’est toute une équipe qui travaille en amont. Cela donne de la légitimité aux femmes, en leur offrant l’opportunité de faire ce qu’elles savent faire. »